I. La mise en scène d’un univers
1. Le sens littéral du poème
Rimbaud met en scène un univers familier. L’enfant a des plaques rouges ( rouges tourments) car il a des poux.
Les sœurs l’installent devant la fenêtre pour extraire les poux (devant la croisée).
Il y a une ambiguïté sur la notion de sœurs (religieuses, ou non).
Le bruit que font les ongles en tuant les poux rythment la rêverie de l’enfant ( » crépiter « ).
Parfois, les sœurs humectent leurs lèvres et rattrapent la salive à temps, d’où l’interrogation ( » salives reprises sur la lèvre ou désirs de baisers « ).
C’est ainsi que partagé entre le bien-être d’avoir ses cheveux caressés et la douleur des cheveux tirés par les sœurs, il » se sent, selon la lenteur des caresses sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer « .
Mais, toute cette scène est complétée par une évocation de la nature (fleurs, rosée, végétaux…), et par une écriture poétique nouvelle.
2. Un univers narrativité ?
On peut remarquer une certaine narration dans le développement du poème : avec des mouvements précis : » s’asseoir « , » vient près de son lit « , avec aussi un univers habituel (les poux, les sœurs, l’enfant, le présent itératif).
Toutefois, Rimbaud laisse planer le doute sur le lieu : maison familiale ou orphelinat. Le sujet du récit serait donc, comme l’indique le titre, la recherche des poux.
Pour reprendre une méthode d’analyse narrative, on peut dire que la scène est exprimée en focalisation interne. C’est, en effet, par les yeux de l’enfant que l’on entre en contact avec le poème. Toutefois, la troisième personne du singulier choque, car elle insère une distance entre le poète et l’enfant.
De plus, la structure impersonnelle du vers 3 : » il vient près de son lit » indique la différence fondamentale de point de vue entre les sœurs et l’enfant.
Par cette présence de la troisième personne, on sent une impossibilité de lyrisme, à la Hugo ou à la Baudelaire.
Ce décalage est renforcé par l’étrange présentation des deux sœurs.
3. Les sœurs, éléments fantastiques ?
En effet, celles-ci font plus penser à des succubes, à des sorcières qu’à des personnes réelles.
La première hésitation est donc l’hésitation sur le statut ou non de religieuse. L’adjectif » grandes » entretient l’ambiguïté.
Mais, la présentation se fait surtout par de légers détails :
– leurs haleines avec un pluriel et un qualificatif étrange : » craintives »
– leurs cils noirs, couleur à connotation négative
– mais surtout leurs doigts.
Ces derniers sont frêles et fins, ce qui évoque les sorcières, et comme il est dit au vers 8, ils sont » terribles et charmeurs « , cette antithèse est renforcée par celle du vers 14 : » électriques et doux « , le côté charmeur et électrique évoque bien évidemment la magie.
Les deux sœurs ont donc indéniablement une dimension fantastique. Or, comme l’a montré Todorov, le fantastique se définit par l’incertitude. Et, en effet, il y a bien, ici, incertitude, mais c’est une incertitude poétique, lexicale.
Ainsi, le vocabulaire est entremêlé. On ne peut donc pas dire avec certitude ce que cache des expressions telles que » essaim blanc » , » les cheveux où tombe la rosée » , « longs miels végétaux et rosés »
Évidemment, le poème n’est pas du tout un récit fantastique.
Le côté fantastique est une conséquence du poétique, d’une nouvelle conception de la poésie héritée de Baudelaire.
Ainsi, ici, le doute permet de laisser un vide qui autorise le lecteur à apprécier toute la subtilité du poème.