Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Le Flacon
Synthèse
1. Le travail de la mémoire
a. Le cheminement du souvenir : montée, sommet, retombée (vertige).
b. Mémoire involontaire, par l’intermédiaire des sens, surtout l’odorat.
2. Le thème de l’amour
a. Antithèse entre des images de vie et de mort : papillon, azur, ciel, idéal / maintes images de la mort, funèbre, ténèbre, Lazare, descente, chute, Spleen, mélancolie.
b. L’image de l’amour et de la femme selon Baudelaire : ambivalence, poison dont le « je » est dépositaire.
3. La mémoire, force dynamique et positive
a. En effet, on peut parler de force positive car les images sont liées à des choses positives, transformation du souvenir en papillon.
b. La mémoire permet une plongée dans le passé et une résurgence de l’amour même ranci. Le dernier vers contient le mot vie.
Analyse
Les vers sont des alexandrins. Les rimes sont suivies et plates. On observe une opposition Fleur / Mal.
Fleur : beauté, amour,…
Mal : diable, enfer.
Ce recueil est séparé en séquences dont « Spleen et Idéal » d’où est tiré « Le Flacon » (1857).
« Spleen et Idéal » : « Il y a dans tout homme […] deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan ou animalité, est une joie de descendre. ».
Postulation : aspiration, volonté, désir (dualités antithétiques). Simultanées : en même temps.
Dieu : spiritualité (esprit).
Satan : animalité, aspect charnel.
L’homme aspire à la fois à des valeurs de spiritualité mais aussi à son aspect charnel.
Monter en grade : métaphore militaire.
Il constate, qu’en l’homme, l’aspiration à descendre provoque une joie.
Idéal : invocation à Dieu, spiritualité, beauté, art.
Spleen : partie du corps mauvaise (vésicule biliaire, mélancolie) à état de dépression, descente, tristesse.
Satan est un ange déçu.
Deux thèmes : souvenir et amour.
Le flacon est un objet qui va susciter le souvenir de l’amour d’une femme. Il stimule le poète, sa mémoire.
5 premières strophes : Il.
2 dernières strophes : Je.
Ainsi : introduit une comparaison (je=flacon).
Le flacon n’est qu’un moyen de représenter le « je ». Dans les deux premières strophes, un cadre spatio-temporel est mis en place, une scène est jouée (maison à armoire à flacon à parfum).
Flacon : parfum.
Fort : souvenir.
Vers 1-2 : rejet.
Poreuse : qui laisse traverser (une matière).
On : tout le monde.
Pénétrer le verre : parfum très fort.
Le vers 2 est un qualificatif du parfum, terriblement fort.
19ème siècle : attrait de l’Orient, plein de mystères.
Orient : précieux, richesse, exotisme.
La serrure grince, elle ne s’ouvre pas facilement.
Rechigne en criant : comme si l’on forçait le coffret, personnification de la serrure.
Le caractère impalpable, évanescent du souvenir est mis en évidence par le parfum.
• Vers 5-6 : absence de présence humaine, maison abandonnée.
Quelque armoire : indéfinie.
Pleine : pas d’objets mais d’âcre.
Encore une fois : odorat.
Acre : désagréable, amer, piquant, irritant.
Odeur des temps : vieillesse, usure du temps, odeur de vieux, mort (/parfum qui embaume).
Poudreuse et noire : armoire (ou odeur).
Noire : mort, tristesse.
Un flacon qui se souvient : première personnification du flacon.
• Vers 7-8 : contraste entre le début et la fin de la strophe.
Âme : présence, le thème de la résurrection apparaît.
Jaillit : comme une source, de l’eau qui surgit mais c’est le parfum ici.
Vive : vivante, vie.
Des pensers : des pensées.
Dormaient : dans le flacon.
Parfum : âme, pensées.
Le parfum se réveille : dormait.
• Ils n’étaient pas morts mais ne faisaient que dormir jusqu’à ce qu’on les laisse jaillir.
Mille : grand nombre.
Chrysalide : connote la naissance, cocon dans lequel il y a une larve qui deviendra papillon (éphémère).
Funèbres : mort.
Chrysalides funèbres : métaphore (compare les pensées aux chrysalides) et oxymore.
Frémissant : petit mouvement imperceptible.
Doucement : mouvement très léger.
Les lourds ténèbres : le pluriel alourdit la pénombre (mort, funèbre, cercueil).
• Lourd : s’oppose à la légèreté des papillons qui sortent en couleur d’un univers noir et lourd.
Dégageant leur aile : de la chrysalide (image réelle).
Prenant leur essor : image réelle.
Teinté d’azur : bleu, ciel, idéal.
Glacés : figés, froid.
Bleu, rose : couleurs pastelles, claires.
Lamés : des corps de lame.
Parallélisme dans la construction des strophes 2 et 3 : début dans les ténèbres, fin à la lumière.
• Vers 12-16 : le souvenir est nommé pour la première fois, associé à « voltige » donc souvenir = papillon.
Enivrant : parfum.
Le parfum est tellement enivrant que l’homme a un malaise : les yeux se ferment, le vertige saisit l’âme.
Vertige : sensation de tomber.
Souvenir : ivresse.
Vertige : importance, aspiration vers le bas, enjambement au vers 15.
Le vertige saisit l’âme : personnification du vertige.
Voilà, souvenir, enivrant, voltige,… : allitération en « v » qui annonce le mot « vertige ».
• Vertige : milieu du poème, axe de symétrie : montée jusqu’ici, puis vertige et aspiration vers le bas.
Vaincue : défaite.
La pousse à deux mains : vers l’abîme.
Miasmes humains : odeur désagréable.
Gouffre obscurci : abîme.
Terrasser : mettre à terre.
Au bord : à la limite (vertige).
Gouffre séculaire : gouffre ancien.
Il : le vertige.
La : l’âme.
Lazare odorant déchirant son suaire : opposition comparaison.
Odorant, déchirant : cadavre spectral d’un vieil amour ranci.
Lazare : personnage biblique, résurrection des morts, par Jésus.
Odorant : miasmes humains, sentant la mort.
Suaire : drap qui recouvre le mort.
Souvenir : d’un amour perdu devenu cadavre.
Spectral : fantôme.
Ranci : tout dur, moisi.
Se meut dans son réveil : se met en mouvement.
Amour : apparaît pour la première fois.
Charmant et sépulcral : oxymore, beauté et mort.
Charmant : comme les sirènes.
Sépulcral : sépulture, tombe, mort.
Perspective différente : « je » du poète, futur de l’indicatif et antérieur.
Ainsi : comparaison entre le flacon et le poète, aboutissement, résolution d’une énigme.
Perdu dans la mémoire des hommes : il va être oublié après sa mort.
Dans le coin d’une sinistre armoire : poème bouclé par la comparaison avec l’armoire.
Quand on m’avait jeté, vieux flacon désolé,… : accumulation de sept adjectifs dépréciatifs.
On découvre l’état du flacon du début.
Je serai ton cercueil : flacon contenant la mort.
Aimable : digne d’être aimé.
Pestilence : mauvaise odeur.
Aimable pestilence : oxymore.
Témoin de ta force et de ta virulence : violence qui engendre le mal.
Cher poison : oxymore.
Ce parfum est comparé, via une métaphore libre, à du poison.
Préparé par les anges : métaphore.
Liqueur : parfum, liquide, poison.
L’amour appartient à la fois au bonheur et au malheur.
Amour : femme (vie et mort du cœur).
O : invocation, connotation lyrique.
Conclusion générale
Ce texte est Baudelairien par excellence. Il est très classique du point de vue de la versification (alexandrins dans des quatrains, rejets, enjambements,…). La structure est très travaillée (montée, sommet, descente)