Mallarmé, Le Vierge, Le Vivace et le Bel aujourd’hui…
Poème étudié
Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui !
Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n’avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui.
Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l’espace infligée à l’oiseau qui le nie,
Mais non l’horreur du sol où le plumage est pris.
Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s’immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l’exil inutile le Cygne.
Introduction
Mallarmé était un professeur d’anglais, il se voyait comme puriste de la poésie. Il est considéré comme un poète hermétique, il veut être lu par de bons lecteurs perfectionnistes qui pourront décoder son art comme une partition car chez lui, la poésie est musique. Dans ce sonnet, Mallarmé joue sur les sonorités avec plusieurs lectures possibles : celle avec la mort du cygne dans la glace et celle derrière cet univers blanc qui n’est pas sans rappeler l’angoisse de la page blanche, la mort du signe, c’est à dire la mort de l’écriture : il exprime ici la stérilité poétique.
Nous verrons tout d’abord la description de l’agonie du cygne « réaliste », ensuite nous nous intéresserons à la mort du cygne en comparaison avec la mort du signe (le mot) et enfin nous étudierons l’écriture de Mallarmé.