Paul Celan

Celan, La Rose de Personne, Couronne dehors

Poème étudié

COURONNE DEHORS,
craché dehors dans la nuit.

Sous quelles
étoiles ! Seul
l’argent du coeur-marteau battu à gris. Et
la Chevelure de Bérénice, ici aussi, – j’ai tressé
Je tresse, je détresse,
Je tresse.

Gouffre de bleu, en toi
je repousse l’or. Avec lui aussi, celui
dissipé chez les catins et les filles,
je viens et je viens. Vers toi,
aimée.

Aussi avec blasphème et prière. Aussi avec
chacune, au-dessus de moi,
des massues vrombissantes : elles aussi
fondues en un, elles aussi
phallique nouée vers toi,
Gerbe-et-Parole.

Avec des noms, imbibés
de tout exil.
Avec noms et semences,
avec des noms, plongés
dans tous

rose du ghetto, depuis laquelle
tu nous regardes, immortel
de tant de mots sur les chemins des matins mortes.

(Et nous chantions la Varsovienne.
Du jonc aux lèvres, Pétrarque.
Aux oreilles de la toundra.)

Et monte une terre, la nôtre,
celle-ci.
Et nous n’envoyons
aucun des nôtres en bas,
vers toi,
Babel.

Introduction

Paul Celan est un poète du XXème siècle faisant partie de l’école littéraire des surréalistes. C’est un roumain juif de langue allemande exilé en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Il se suicidera en 1970 à Paris. Il écrit des poèmes très pessimistes, cela étant dû à son histoire et à la persécution des juifs pendant la guerre.

Ce poème est extrait du recueil « La Rose de personne » édité en 1979 à titre posthume. Il est écrit en forme libre et évoque à travers des images la mort et l’exil du poète.

Nous étudierons ce texte selon deux axes de lecture : le poète et la souffrance.

I. Le poète

J’observe : – « je », « moi ».
? J’analyse : Focalisation interne.

J’observe : – « le ghetto », « la Varsovie », « sous quelles étoiles ! ».
? J’analyse : Poème autobiographique, c’est une histoire juive, son histoire.

J’observe : – « imbibé de tout exil ».
? J’analyse : L’auteur est en exil.

J’observe : – « Babel », « Pétrarque », « Bérénice » : des références à l’Antiquité.
? J’analyse : C’est un homme cultivé.

J’observe : – Les verbes sont au présent, sauf au moment où il parle de l’interdiction de faire vivre les juifs dans les ghettos.
? J’analyse : Distinction entre le passé et le présent.

J’observe : – Dialogue, il s’adresse à « toi ».
? J’analyse : Ce « toi » peut symboliser Dieu : « tu nous regardes, immortel », et « blasphèmes et prières ».
? J’analyse : Ce « toi » peut également symboliser une femme : « vers toi aimée », elle est idéalisée et peut représenter la liberté.

II. La souffrance

J’observe : – « gouffre, blasphème, mort, détresse, morte… ».
? J’analyse : Champ lexical de la souffrance.

J’observe : – Pluriels et anaphores : « les noms ».
? J’analyse : La souffrance de l’auteur est liée à la mort, « les noms » = les juifs tués.

J’observe : – « nous ».
? J’analyse : Il s’implique dans cette souffrance.

J’observe : – Hyperbole « tant de » et anaphore en « mort » dans le même vers.
? J’analyse : C’est une souffrance intense.

J’observe : – Dans la quatrième strophe, anaphore.
? J’analyse : Il est seul, personne ne l’aide. Cette solitude augmente sa souffrance.

J’observe : – « exil », « ghetto ».
? J’analyse : Sa souffrance vient de là, de l’exil.

J’observe : – Périphrase « envoyé en bas ».
? J’analyse : Symbolique de la mort et de l’enfer.

J’observe : – « je viens vers toi aimée », « et montre une terre, la nôtre ».
? J’analyse : Dans cette souffrance subsiste un espoir, sans doute l’espoir d’une terre sans guerre.

Conclusion

Paul Celan nous illustre parfaitement dans ce poème la difficulté de l’exil politique et de la guerre ainsi que la souffrance que cela peut engendrer, une souffrance qui peut rester marquée dans l’être puisqu’il s’est suicidé en se jetant dans la Seine en 1970.

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