Madame de La Fayette

La Fayette, La Princesse de Clèves, La scène de la première rencontre entre Madame de Clèves et Le Duc de Nemours

Texte étudié

« Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisait au Louvre. Lorsqu’elle arriva, l’on admira sa beauté et sa parure ; le bal commença et, comme elle dansait avec Monsieur de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu’un qui entrait, et à qui on faisait place. Madame de Clèves acheva de danser et, pendant qu’elle cherchait des yeux quelqu’un qu’elle avait dessein de prendre, le Roi lui cria de prendre celui qui arrivait. Elle se tourna et vit un homme qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que Monsieur de Nemours, qui passait par-dessus quelques sièges pour arriver où l’on dansait. Ce prince était fait d’une sorte qu’il parut difficile de n’être pas surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu, surtout ce soir-là, où le soin qu’il avait pris de se parer augmentait encore l’air brillant qui était dans sa personne ; mais il était difficile aussi de voir Madame de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement. Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle, et qu’elle lui fit la révérence, il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges. Le Roi et les Reines se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vu, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur laisser le loisir de parler à personne, et leur demandèrent s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s’ils ne s’en doutaient point.

– Pour moi, Madame, dit Monsieur de Nemours, je n’ai pas d’incertitude ; mais comme Madame de Clèves n’a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j’ai pour la reconnaître, je voudrais que votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.
– Je crois, dit Madame La Dauphine, qu’elle le sait aussi bien que vous savez le sien.
– Je vous assure, Madame, reprit Madame de Clèves qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez.
– Vous devinez fort bien, répondit Madame la Dauphine ; et il y a même quelque chose d’obligeant pour Monsieur de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez déjà sans l’avoir jamais vu. »

Introduction

« La Princesse de Clèves » est un roman écrit par Madame de La Fayette en 1678. Cette œuvre, véritable joyau de la littérature française, est considéré comme un « roman moderne » précisément parce qu’il rompt avec les conventions du roman baroque. L’histoire se déroule dans un temps historique (le XVIème siècle) assez proche du temps de l’écriture de l’œuvre. Après un rapide tableau historique, Mme de La Fayette présente aux lecteurs un large panorama des figures importantes de la cour ainsi que les personnages principaux du roman. Parmi eux, le narrateur distingue le Duc de Nemours, absent de la cour parce qu’occupé à arranger une affaire matrimoniale, qui n’assiste pas à l’apparition éblouissante de Mlle de Chartres à la cour, ni à son mariage rapide avec le Prince de Clèves. Le texte a donc ménagé un certain suspens, en différant la rencontre de ces deux êtres.

La scène étudiée est la scène de première rencontre entre Madame de Clèves et le Duc de Nemours qui a lieu à l’occasion d’un bal donné en l’honneur des fiançailles de Claude de France et du Duc de Lorraine.

On peut donc se demander en quoi cette scène fournit des indices d’un amour impossible entre la Princesse et le Duc.

Notre lecture analysera dans un premier mouvement cette scène de rencontre comme une scène romanesque qui conduit à la naissance de sentiments amoureux deux protagonistes. Dans un second mouvement nous nous attacherons à expliquer cette scène de coup de foudre et enfin, nous montrerons que cette scène de rencontre affiche déjà que la passion naissante entre la Princesse et le Duc est condamnée.

I. La scène de rencontre : une scène romanesque

A. Les conditions de la rencontre

Le cadre dans lequel se rencontrent la Princesse de Clèves et le Duc de Nemours est un cadre prestigieux puisque cette rencontre se fait au Louvre, à un bal, à l’occasion des fiançailles de la fille d’Henri second. Le lieu a toute son importance d’une part parce qu’il il est un lieu idyllique, propice à la naissance d’une passion et d’autre part, parce que cette référence historique ancre la narration dans une situation réelle et renforce par là l’illusion de la véracité du récit : « Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisait au Louvre. » l. 1-2. Nous pouvons remarquer que ce cadre magnifique est posé d’emblée, dès le début de l’extrait ce qui montre son importance pour la scène qui va être racontée.

L’arrivée de Monsieur de Nemours est peu discrète puisqu’elle attire l’attention de tous les convives présents au bal : « il se fit un assez grand bruit vers la porte » l.3, ce qui fait porter le regard de Madame de Clèves vers la porte également. Mais ce qui surprend le plus c’est que Le Duc et la Princesse sont amenés à danser ensemble sur la demande du roi : « le Roi lui cria de prendre celui qui arrivait » l.5. La rencontre se fait donc par effet de surprise, sans que l’un ou l’autre n’ait entrepris quoi que ce soit. Par ailleurs la narratrice se plaît à ne pas dévoiler leur identité pour ménager un certain suspens : c’est le pronom démonstratif« celui qui » l.5 qui désigne le Duc de Nemours. Le texte, bien que les deux parties devinent qui ils sont, préfère taire leurs noms. En effet, ce n’est qu’à la fin que leur identité est dévoilée et qu’on les présente vraiment : « mais comme Madame de Clèves n’a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis » l. 17-18, « et il ya même quelque chose de désobligeant pour Monsieur de Nemours » l.23- 24.

L’environnement dans lequel les héros se voient pour la première fois est significatif tout d’abord car c’est un lieu propice à éveiller des passions et ensuite car il permet une rencontre par effet de surprise.

En plus de créer un univers favorable aux sentiments, le narrateur peint des portraits de héros qui ne peuvent se laisser indifférent l’un à l’autre, et qui concourent à produire une scène purement romanesque.

B. Les deux héros

Le portrait des deux héros est somme toute assez ressemblant et assez commun. En effet, ils sont tous les deux d’une grande beauté : « l’on admira sa beauté et sa parure » l. 2, « M. de Nemours fut tellement surpris de sa beauté » l. 10 en ce qui concerne la princesse, et « l’air brillant » l. 10. On notera également les caractérisations hyperboliques de ces êtres d’exception qui soulèvent « un grand étonnement » l.10 et « un murmure de louange » l. 12 chez les convives :

Madame de Clèves

– « l’on admira sa beauté et sa parure » l. 2.
– « mais il était difficile aussi de voir Madame de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement » l. 9-10.
– « Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté (…) [qu’] il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration. » l.10-12.

Monsieur de Nemours

– « Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de n’être pas surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu » l.7-8.
– « le soin qu’il avait pris de se parer augmentait encore l’air brillant qui était dans sa personne » l. 8-9.

On a l’impression que les deux personnages sont complémentaires. Ce récit met en parallèle deux portraits qui montrent qu’ils sont faits l’un pour l’autre.

Leur rencontre est particulière précisément parce que leur reconnaissance se fait avant leur connaissance : « Elle se tourna et vit un homme qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que Monsieur de Nemours » l. 5-6, « Pour moi, Madame, dit Monsieur de Nemours, je n’ai pas d’incertitude ; mais comme Madame de Clèves n’a pas le mêmes raisons pour deviner qui je suis » l. 17-18. Le coup de foudre naît de leur reconnaissance mutuelle alors qu’ils ne s’étaient encore jamais vus. Les instances royales-mêmes remarquent cette union hors du commun : « Les Rois et les Reines (…) trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître » l.13-14. D’ailleurs Madame la Dauphine les convoque aussitôt la danse terminée pour leur faire dire qu’ils se sont reconnus sans s’être vus : « Ils les appelèrent (…) et leur demandèrent s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s’ils ne s’en doutaient point » l. 14-16.

Pour cette première rencontre, on l’aura bien compris, les deux protagonistes sont les héros de ce bal. Ils sont magnifiés et toute cette soirée tourne autour d’eux. Les regards sont entièrement portés sur eux et ils retiennent l’attention de tous. Cette rencontre organisée comme un véritable coup de foudre n’est pourtant pas seulement due à eux mais aussi à un autre intervenant qu’est la cour.

C. Le rôle de la cour

Placée sous le signe du destin, la cour favorise cette rencontre. C’est grâce ou à cause de la cour que cette rencontre est devenue inévitable. On notera que leur union se fait très rapidement : la princesse a à peine le temps de finir de danser avec Monsieur de Guise que déjà le Roi lui « cri[e] de prendre celui qui arrivait » l. 5. Cette rencontre fonctionne comme un jeu pour la cour qui se plaît ensuite à suivre leur danse tout en la commentant. Le romanesque se poursuit dans leurs réflexions que soulève cette danse imprévue : « Le Roi et les Reines se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître » l. 13-14. La singularité est ici signe d’élection. La famille royale poursuit ensuite la mise en scène de leur rencontre à la fin de la danse en décidant de leurs gestes et du dialogue qu’ils vont avoir puisqu’« ils les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur laisser le loisir de parler à personne, et leur demandèrent s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s’ils ne s’en doutaient point » l. 14-16.

La cour va également dévoiler les mystères et les identités de chacun tout en perçant l’intimité de chacun des deux protagonistes. La Princesse de Clèves est « un peu embarrassée » l. 21 des questions de Madame la Dauphine qui cherche à la faire avouer qu’elle a reconnu le Duc de Nemours sans l’avoir jamais vu. Cet embarras souligné par le texte montre déjà qu’elle est intéressée par cet homme. Mais la Princesse perçoit le danger et refuse de plier aux questions de la Dauphine car la cour attise les passions mais les condamne en même temps. Mais surtout elle condamne les femmes.

La cour joue donc un rôle décisif dans la rencontre entre les deux protagonistes. Sans elle, leur amour ne serait peut-être pas né.

Tout ce qui entoure la Princesse de Clèves et le Duc de Nemours participent à la naissance de leur passion réciproque. L’environnement, leur beauté remarquée de tous et l’union entreprise par la famille royale rapprochent inévitablement ce couple qui ne peut que tomber amoureux. Nous allons à présent analyser la manière dont la narratrice construit ce coup de foudre.

II. Un des premiers coups de foudre de la littérature française (le premier étant celui d’Erec et Enide)

A. L’importance des regards

Le regard est prédominant et traverse cet extrait. La répétition du verbe « voir » montre que tout se passe par le regard : « Elle se tourna et vit un homme » l. 6, « Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de n’être pas surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu » l. 8, « mais il était difficile de voir Madame de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement » l. 9, « Le Roi et les Reines se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble » l. 13-14, « vous le connaissez déjà sans l’avoir jamais vu » l.21. Le verbe « voir » qui apparaît sept fois crée une sorte d’érotisation du regard pour signifier l’harmonie entre les deux personnages. L’amour naît uniquement de cet échange, échange qui ne passe que par la vue car dans cette scène les deux futurs amants (amants signifie amoureux au XVIIème siècle) ne se parlent à aucun moment. Ce partage réciproque des sentiments s’opère aussi par la phrase qui souvent binaire alterne les impressions de l’un puis les impressions de l’autre au moment du premier regard: « Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de ne pas être surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu (…) mais il était difficile aussi de voir Madame de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement ». l. 7-10. La narratrice utilise presque les mêmes termes pour qualifier le Duc et la Princesse ce qui montre leur parfaite adéquation, également mimée par le nombre de phrases égales accordées à l’un et à l’autre.

Le rapprochement qui s’opère, l’amour qui naît ne passe que par le regard. Ils ne se parlent à aucun moment même dans le dialogue final, ils ne se disent rien et la communication est réduite un échange d’impressions passant par la vue. C’est ce qui donne un caractère sensuel à cette scène, caractère sensuel que l’on peut aussi percevoir dans le rapprochement des corps.

B. Un rapprochement irrésistible

Bien que le rapprochement des deux êtres ne soit pas de leur fait, leur réunion charnelle dans la danse évoque la sensualité. Il n’y a aucun échange verbal intime. Seuls la danse et les regards les lient. Nous, lecteurs sentons cette vive tension qui anime leurs cœurs. La Princesse et le Duc agissent malgré eux comme s’il était impossible de faire autrement. Le nombre important des tournures négatives marquent leur perte de moyen face à l’autre : « Elle tourna et vit un homme qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que Monsieur de Nemours » l.6, « Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de n’être pas surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu » l.7-8, « il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration » l.11. La première tournure qui est une négation restrictive exclut dans la pensée de la Princesse que l’homme qui vient d’arriver au bal soit quelqu’un d’autre que le Duc, comme si elle l’attendait. Cette exclusion marque déjà l’élection du Duc dans son cœur. La seconde tournure négative montre que la Princesse fournit de véritables efforts pour combattre la surprise, l’action inattendue que provoque le Duc sur elle. La troisième tournure affiche la perte de contrôle de Monsieur de Nemours lorsqu’il voit la Princesse. Le sémantisme du verbe révèle la puissance de la passion qui l’a saisi de façon violente.

Cette union irrésistible contre laquelle il est difficile de lutter est également suggérer dans l’alternance des points de vue. Au début de la scène le point de vue adopté est celui de la Princesse, puis c’est celui du Duc et enfin, celui des Rois et des Reines. La scène est brillamment construite par la narratrice qui en alternant différents points de vue sur la rencontre révèle l’écart, le décalage entre les actes et les paroles de la Princesse qui prétend ne pas avoir reconnu le Duc : « Elle se tourna et vit un homme qu’elle crut ne pouvoir être que Monsieur de Nemours » l. 5-6 (point de vue de la Princesse) et « Je vous assure (…) que je ne devine pas aussi bien que vous pensez » l. 21-22. Les points de vue permettent de mettre au jour les contradictions de la Princesse qui ment pour ne pas être découverte alors que le Duc adopte la sincérité.

La passion est naissante chez les deux personnages mais elle se manifeste différemment. Outre qu’ils sont sur le même plan sentimental ce que mime la construction syntaxique (alternance de phrases en faveur de l’un ou de l’autre), ils jouent sur des réponses opposées qui suggèrent le drame prévisible d’une dissension absolue, d’un amour impossible.

III. Deux conceptions de la parole

C’est le dialogue qui fait éclater l’opposition du couple. Ils choisissent en effet différentes stratégies de réponses pour ne pas trahir le coup de foudre qu’ils ont eu l’un pour l’autre. Leur psychologie est dévoilée et indique deux destinées. Les deux réponses à l’amour font naître en même temps que la passion le drame d’une amour qui ne se réalisera pas.

A. Un être roué, conscient de la parole de la cour

Le discours que tient le Duc est un discours de courtisan habile, habitué aux pratiques de la cour : « Pour moi, Madame, dit Monsieur de Nemours, je n’ai pas d’incertitude ; mais comme Madame de Clèves n’a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j’ai pour la reconnaître » l. 17. Il ne nie pas les évidences et déporte dans la seconde partie de sa réponse l’interrogation de Madame la Dauphine comme si’ c’était lui qui demandait à être présenté à la Princesse: « je voudrais bien que votre majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom » l. 17-18. Le Duc utilise un discours de la litote et de la retenue que l’on peut sentir dans la double négation et l’ellipse du groupe nominal « les mêmes raisons ». Cette réplique qui favorise l’énigme joue le jeu de la discussion de salon. Sincère, le Duc détourne habilement le questionnement, désamorce le piège de la Dauphine qui veut que cette discussion soit un aveu en assumant l’admiration qu’il a pour la Princesse, qui elle refuse de dire la vérité.

B. Un être de la transparence contraint au mensonge

La Princesse commet deux erreurs fondamentales. Tout d’abord, elle manifeste une gêne face au questionnement de la Dauphine. L’indice de sa confusion est donné par la narratrice : « reprit Madame de Clèves qui paraissait un peu embarrassée » l. 21. Ensuite elle nie cette gêne « Je vous assure » l. 21. L’adjectif qualificatif trahit son malaise et son mensonge ainsi que le verbe qu’elle emploie. Elle pense qu’on lui demande un aveu, qu’elle est attaquée et c’est pour cela qu’elle est sur la défensive. Elle n’avoue pas, et ne s’avoue pas à la fois l’admiration qu’elle porte à Monsieur de Nemours. Elle rend le jeu de salon en interrogations douteuses alors que le Duc avait réussi à faire l’inverse.

Cette opposition des discours avec un personnage qui assume son admiration devant la cour et un autre qui refuse de la reconnaître posent les indices d’un amour perdu d’avance.

C. Un amour condamné

Les deux personnages manifestent par leur attitude deux conceptions opposées de la cour et du monde. L’un joue avec les conventions de la cour et l’autre est incapable de vivre dans le paraître et révèle la difficulté d’une absolue sincérité. Le paradoxe ici est habile : le Duc en jouant est sincère alors que la Princesse au nom de l’être (le verbe) ment et dissimule. Les bienséances et la passion s’opposent dans cet extrait. Le poids des conventions et de l’éducation de la Princesse (voir le portrait de Mlle de Chartres qui a eu une éducation parfaite) se fait ici sentir et le lecteur pressent déjà que les deux personnages éprouveront des difficultés à leur union.

Conclusion

Cette scène de rencontre est placée sous le signe de la perfection. L’amour entre les deux protagonistes est montré comme inévitable. Tout concourt à faire naître dans leurs cœurs des sentiments passionnels : l’environnement est idyllique et leur beauté participent à cet éclatement de la passion qui n’aurait pu se faire sans l’intervention de la famille royale qui les a réunit le temps d’une danse. Dès qu’ils se voient le coup de foudre est immédiat. Chacun remarque les charmes de l’autre et en sont comme fascinés. Toutefois cet amour est montré sous un jour particulier. Nous assistons à une scène qui montre les prémices d’une passion certes, mais les prémices d’une passion fatale, condamnée d’avance.

Cet extrait met en place les lignes de force du roman tout entier. La relation est déjà montrée comme impossible. Il apparaît en creux la thématique de l’aveu que nous retrouverons bien plus tard dans le roman et qui est ici refusé. Il annonce également dans quel type de courant esthétique on se situe. La simplicité du vocabulaire, le refus des images, le peu de paroles échangées montrent que l’intérêt de la scène et du roman est fixé sur le non-dit et que l’on se trouve en présence d’un texte de facture classique où le style narrativisé met en évidence la nature du sentiment naissant.

Pour finir, il serait intéressant de comparer cette scène avec d’autres scènes où la rencontre est traitée différemment comme dans Le Rouge et le Noir de Stendhal où la scène de rencontre est une scène de trouble qui annonce la passion, ou comme dans L’Éducation Sentimentale de Flaubert où la scène de coup de foudre est non partagée.

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