Montesquieu

Montesquieu, Lettres Persanes, Lettre XIII, La guerre des Troglodytes

Introduction

Un des premiers épisodes des « Lettres Persanes » vient nous raconter l’histoire des Troglodytes, occasion pour Montesquieu (Uzbek) d’aborder les grands thèmes utopiques, ceux-là même que l’on retrouve chez Rabelais, comme la guerre par exemple. Le texte que nous allons étudier nous présente le combat entre les Troglodytes et des peuples voisins qui ressemblent étrangement aux mauvais Troglodytes. Nous allons suivre les uns et les autres dans la préparation de la guerre et le combat en lui-même.

I. Les causes de la guerre

A. Les bons Troglodytes

La première partie de la lettre est une strophe en psaume chantant la vertu et donnant en même temps une image d’extrême naïveté.

Face à la guerre, on note un exercice spontané de la vertu : « dès qu’ils envoyèrent« .
La parole des Troglodytes est un long discours dont l’intentions est double : elle met en valeur la beauté tout en laissant percer beaucoup de naïveté et de fragilité.
Le discours est construit sous la forme antithétique : La succession d’interrogations à valeur affective traduisent l’étonnement. Le jeu des pronoms souligne le total abandon des Troglodytes, leur soumission à la volonté d’autrui (« voulez-vous … venez au milieu »). De plus, les impératifs « mettez bas les armes » et « venez » prennent plus une valeur de supplication.
Derrière la simplicité du ton se cache celle du partage, des éléments naturels vitaux (Les Troglodytes ignorent les notions de richesse) : « voulez-vous de la laine, du lait ? »
Le connecteur logique « mais » introduit un changement brutal du discours.
Le « nous » s’impose alors au « vous » : « nous jurons« , « si vous rentrez« .
Le champ lexical de la force, de la fermeté vient alors ponctuer le discours (« nous jurons« , « ennemis« , « peuple injuste« , « bêtes farouches« ).

A l’opposé de la vertu des bons Troglodytes, l’injustice des mauvais Troglodytes.

B. Les mauvais Troglodytes

La première partie de la lettre semble allumer en eux l’envie, la cupidité, la jalousie : « ne furent pas regardés sans envie« .
Le déchaînement de la brutalité est alors immédiat, l’union fait la force : « les peuples voisins s’assemblèrent« . Peuples qui, dans leur sauvagerie, nous renvoient aux anciens Troglodytes.
L’attitude est brutale et irréfléchie et on note la proximité des verbes d’actions « résolurent« , « s’assemblèrent« . Le vain prétexte nous renvoie aux guerres pichrocolines de Rabelais. Le silence qui suit le discours des bons Troglodytes traduit l’absence de volonté de dialogue. Ils repoussent les propositions de paix : « ces paroles furent renvoyées avec mépris« , « ces peuples sauvages entrèrent armés dans la terre« .

II. La Guerre

A. Les bons Troglodytes

Ils pratiquent la guerre de défense, la seule acceptable : la guerilla (guerre sentimentale); le cœur de l’armée est composé de femmes et d’enfants.
Les deux mots « femmes » et « enfants » se trouvent au milieu de la phrase, entourés par « ils avaient mis / et / au milieu d’eux », c’est-à-dire deux fois quatre syllabes qui encadrent et protègent la famille.
L’expression « troupes éternelles », les alternances « l’un, l’autre, celui-ci, celui-là » semblent multiplier sans cesse les combattants.
L’aspect sentimental est souligné par l’évocation de « père, mère, femme, enfants, frères ».
La notion de patrie semble se construire autour de ce lien affectif.

B. Les mauvais Troglodytes

D’emblée, leur lâcheté est mise en valeur : « ils entrèrent dans leurs terres« , « croyèrent défendus par leur innocence« .
La brutalité des Troglodytes est générée par la certitude d’un ennemi fragile, naïf (attitude de la bête). La encore, le texte n’évoque que très peu l’attitude des mauvais Troglodytes tant ils sont dominés par les bons.
La conclusion vient mettre en valeur leur lâcheté : « lâche, n’eurent pas de honte, cédèrent ». En même temps, elle nous rappelle que le courage ne peut se puiser que dans la vertu et non pas dans le vol « ils ne recherchaient que le butin ».

Conclusion

Cet épisode de la guerre des Troglodytes est en quelque sorte un lien étroit, un miroir qui nous renvoie le récit des guerres pichrocolines. Derrière la même volonté humaniste venant rappeler aux hommes que la dignité et la vertu s’égarent de toute forme de violence. D’autres, après Montesquieu, viendront dénoncer ces violences de la guerre.

Du même auteur Montesquieu, Éloge de la Sincérité, Début de la Seconde partie, De la sincérité par rapport au commerce des grands Montesquieu, De l'esprit des Lois, XV, 5, De l'esclavage des nègres, Si j'avais à soutenir... Montesquieu, Éloge de sincérité, Introduction Montesquieu, Des principes des trois Gouvernements, Livre III, Chapitre 3, Du principe de la Démocratie Montesquieu, Lettres Persanes, Lettre XXIX, La hiérarchie religieuse Montesquieu, De l'esprit des Lois, Livre VIII, Chapitre 6 et 7, De la corruption du principe de la Monarchie Montesquieu, De l'esprit des Lois, XI, 6 De la Constitution d'Angleterre Montesquieu, Lettres Persanes, Lettre LXXX, Le gouvernement le plus conforme à la raison Montesquieu, Éloge de la Sincérité, Fin de la Seconde partie, De la sincérité par rapport au commerce des grands Montesquieu, Lettres Persanes, Lettre XXIV

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