Voltaire, Candide, Chapitre 19
Introduction
Voltaire, Candide : ce sont ses combats de la période plutôt pessimiste, il combat la doctrine de l’optimisme défendue par Leibniz. Cette idéologie est coupée de la réalité, Voltaire remet en question ces idées.
Chapitre 19 : c’est un ajout de Voltaire pour dénoncer la guerre en complétant sa dénonciation de l’intolérance et de l’individu.
Thème : L’esclavage. D’autres auteurs se sont prononcés sur ce thème comme Montesquieu. On fait référence à cette époque au code noir de 1685, les esclaves étant considérés comme des biens, pas des personnes. Voltaire défend des êtres privés de liberté et de vie.
Avant le chapitre 19 : Candide sort de l’Eldorado avec son valet Cacambo (« ils » de l1). Eldorado = paradis : choc brutal devant l’esclavage pour insister sur l’inhumanité du fait. Il s’agit aussi d’une réalité historique qui sert à la dénonciation de Voltaire de l’optimisme.
Surinam : en Amérique sur la côte de Guyane, hollandaise depuis 1667.
Axes :
Constat ironique.
Éléments de dénonciation : efficacité de l’épisode narratif pour dénoncer = fil conducteur.
Structure :
paragraphe 1 à 9 : introduction générale sur l’esclavage.
paragraphe 10 à 27 : développement : condition de vie particulière de l’esclave et sa famille.
paragraphe 28 à 31 : conclusion de Candide.
I. Constat ironique
A. Constat
Dans le récit :
On présente le personnage sans s’apitoyer (sauf l’adjectif « pauvre » qui indique un jugement) : description objective : détails vestimentaires et éléments manquants (jambe et main).
Tous les éléments sont mis sur le même plan (habits et membres) : moins de valeur pour l’Homme. Les faits sont donnés à l’état brut sans raisonnement pour choquer un peu plus.
Paroles :
Attitude d’attente de l’esclave (l5) en opposition à l’attitude horrifiée de Candide (l3-4-5).
Explication, toujours calme, sur l’usage : phrases courtes, rythme régulier, qui énumèrent les différents cas : anaphore de « quand » l6 et parallélisme de construction : subordonnée de temps + principale.
Synthèse : constat pur « je me suis trouvé dans les deux cas » l8 : sans liaison logique ni exagération.
Il fait preuve de logique dans son raisonnement « mais, or » l17-23-25.
B. Ironie
Il semble y avoir acceptation de l’esclavage, d’un ordre établi (cf. code noir) mais en fait c’est un procédé d’ironie de Voltaire : il y a un décalage entre l’objectivité du constat qui est feinte et l’horreur de la situation.
Plusieurs éléments d’ironie :
Priorité aberrante entre l1 et 3 : ce qui manque dans le costume passe avant ce qui manque dans le corps. On devine ainsi sans commentaire la situation de l’esclave.
Distorsion (~décalage) entre ce fait révoltant de mutilation et les paroles de l’esclave calme : distorsion de ton.
Mots ou expressions à double sens l4 :
« fameux » : premier sens valorisant c’est-à-dire qui a bonne renommée, deuxième sens dépréciatif c’est-à-dire qui est célèbre pour quelque chose, ici pour sa cruauté.
Jeu de mot dans « Venderdendur » : premier sens : nom hollandais, et deuxième sens : vient du jeu sur les sonorités, et qui insiste sur la cruauté du personnage.
Insistance sur les clauses du contrat : l’ironie se voit dans le caractère systématique des choses : verbes au présent de vérité générale et utilisation de « on, nous » : on a l’impression que l’on se détache de l’horreur, mais en fait, on la met en évidence.
Rapprochements de termes inattendus :
Esclavage/sucre c’est-à-dire mutilation (= souffrance) et sucre (= douceur).
= conséquence du rapprochement : phrase lapidaire l9 « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. »
Formules et formes d’insistance à propos de l’hypocrisie des prêtres :
Contradiction des prêcheurs qui est mise en évidence dans un discours indirect :
l’antithèse « blanc/noir » est annulée par « nous et tous » et « enfants d’Adam ».
Raisonnement logique de l’esclave l24 à 27 : il reprend les mêmes termes que les prêtres « enfants » et ajoute « cousins, parents » mais il fait une différence entre lui et les prêtres : il dit « je ». « Nous » et « on » n’ont pas le même sens dans la bouche des prêtres et de l’esclave : le « on » de la fin représente les blancs contre les noirs.
L’inacceptable est accepté.
II. Éléments de dénonciation
A. Appel à la pitié, à la sensibilité du lecteur pour donner plus de force à la dénonciation
Apostrophes, exclamations, interjections (l3-15).
Petits mots qui marquent le jugement (outil = énonciation).
B. Dénonciation de l’esclavage
Vocabulaire de l’horreur, de l’inhumanité : mutilation et situation de l’esclave : « couper, attraper, manquer ».
Règlement, l’usage : vocabulaire animal introduit par une comparaison hyperbolique l18 à 20 (code noir).
C. Dénonciation de l’illusion optimiste
L’illusion optimiste conduit à l’esclavage : l12 à 16 : illusion vue à travers le discours des parents de l’esclave : impératif et futur.
Discours puéril, primaire, mis en évidence par des antithèses : « heureux, bonheur, fortune » opposé à « esclave » : ce rapprochement de termes incompatibles détruit la crédibilité de leur discours, du coup le côté positif n’est qu’une illusion.
D. Dénonciation de l’Optimisme (dernier paragraphe l28 à 31)
Réaction de Candide : apostrophe et vocabulaire qui rendent compte de son indignation.
Cet épisode est un démenti de plus à la théorie de l’optimisme de Pangloss et de tous les philosophes du XVIIIe siècle. On a donc une nouvelle définition de l’optimisme construite sur une antithèse pour montrer le ridicule de l’optimisme.
C’est une étape décisive dans l’évolution du héros : il est contre l’optimisme : temps des verbes = passé et futur.
Conclusion
Un récit où se mêlent ironie et pathétique, mais ici l’ironie l’emporte puisque c’est une dénonciation.
Candide devant l’inhumanité arrive à douter de l’optimisme.
Passage important pour le conte par sa portée philosophique, passage où apparaît un combat de Voltaire contre toute forme d’intolérance politique et religieuse.