Philosophe, grammairien et encyclopédiste
De son enfance à Marseille, où il est né en 1676, les éléments les plus notables furent la disparition prématurée de son père, la dilapidation de la fortune familiale par la mère et la nécessité de vendre la bibliothèque dont il hérita. L’idée de voir disparaître les livres qu’il chérissait traumatisa tant le garçon de sept ans qu’il cacha tous ceux qu’il pouvait soustraire.
Il rejoignit ensuite pendant un temps la congrégation des oratoriens qu’il abandonna toutefois pour étudier le droit et devenir avocat en 1704. Il fut obligé d’abandonner également cette profession pour devenir précepteur dans de grandes familles, dont celle du président Des Maisons, celle du financier John Law ou encore auprès du marquis de Bauffremont. C’est à cette époque qu’il publia ses premiers écrits, dont la reconnaissance publique ne lui apporta aucun gain financier. Il ouvrit alors un pensionnat au Faubourg Saint-Victor, ce qui n’empêcha pas ses difficultés financières de subsister.
Du Marsais était réputé pour être modéré et calme, son esprit n’étant jamais torturé même par les plus grands accidents qui survinrent dans sa vie. Il meurt dans la misère à Paris le 2 juin 1756.
Chesneau du Marsais est d’abord connu pour ses contributions dans l’Encyclopédie, pour laquelle il écrivit 149 articles, dont l’article PHILOSOPHE. Il a été célébré comme étant le « grammairien philosophe par excellence ». « Des Tropes » (1730) était devenu un manuel obligatoire dans les collèges, avant qu’il ne fût interdit sous l’influence de Victor Cousin en 1840. Chesneau du Marsais incarnait si bien la grammaire que Le Prospectus de l’Encyclopédie le présentait à l’époque par ces termes : « La grammaire est de M. du Marsais, qu’il suffit de nommer ». Avec du Marsais, la grammaire entre dans l’abstraction la plus élevée. Il chercha à expliquer les mécanismes consacrés par l’usage à l’aide de la logique. Il décéda avant de parvenir à l’article GRAMMAIRE, le dernier article portant sa signature étant FUTUR, qui sera achevé par Bauzée et Douchet.
Les travaux de Du Marsais se distinguent par une approche individualiste. Ses points de vue sur l’éducation l’amenèrent à écrire une nouvelle méthode d’apprentissage du latin, « Méthode raisonnée pour apprendre la langue latine » (1722) critiquée en son temps et qui représentait une rupture avec les méthodes d’apprentissage de l’époque. Sa théorie philosophique du langage, s’inspirant des théories de John Locke et sujette à controverse, met l’accent sur la validité universelle de l’ordre naturel des mots et du processus de la pensée (article CONSTRUCTION). Par opposition, le langage figuratif et poétique est alors vu comme expressif, émotif et décoratif. Le sens figuré n’est pas uniquement un instrument rhétorique mais également une nécessité pour la cognition humaine. Il en considère l’origine comme provenant de la liaison entre les idées sensibles et l’impression qu’elles engendrent sur les organes sensoriels.
Malgré cette reconnaissance dès son époque, les meilleurs travaux de Chesneau du Marsais ne seront appréciés à leur juste valeur que bien plus tard. D’Alembert le qualifie alors de « La Fontaine des philosophes ». Son oeuvre sera publiée en sept volumes en 1797.