Poète et philosophe français.
La Boétie est né à Sarlat, dans le Périgord, en 1530, dans une famille d’aristocrates. Ayant très tôt perdu ses parents, il fut élevé par son oncle. Il suivra les pas de son père en étudiant le droit à l’université d’Orléans, dont il sera diplômé en 1553. L’année suivante, il deviendra l’un des plus jeunes conseillers jamais admis au Parlement de Bordeaux, où il rencontrera Montaigne qui en deviendra également membre en 1557.
L’université d’Orléans était à l’époque un ferment de libre-penseurs. L’étude du droit y était une quête de la vérité et des principes fondamentaux. C’est dans ce cadre favorable qu’Etienne de la Boétie composa le texte qui le consacrera pour la postérité, « Discours de la servitude volontaire ou Contr’un». Ce texte radical circulera uniquement sous forme de manuscrit et ne sera jamais publié par La Boétie, peut-être à cause de son caractère trop révolutionnaire pour l’époque.
« Discours de la servitude volontaire ou Contr’un» est une réflexion profonde sur la nature de la tyrannie et les fondements du pouvoir étatique, et qui porte ce qui devrait être au centre de toute réflexion de philosophie politique : le mystère de l’obéissance civile. Pourquoi est-ce que, en tout temps et en tous lieux, le people s’est-il toujours soumis aux gouvernants, qui ne représentent qu’une infime minorité de la société ?
Contrairement aux autres textes de nature comparable de cette époque, textes essentiellement huguenots et qui se basaient sur un raisonnement historique et inductif, La Boétie propose une réflexion abstraite et déductive, non rattachée aux circonstances politiques particulières du moment et donc universelle. On pourra ainsi faire un parallèle formel entre sa démarche et celle de Machiavel, à la différence majeure que là où Machiavel instruisait le Prince sur la manière de préserver son pouvoir, La Boétie réfléchit sur la liberté individuelle et par conséquent sur la perte de pouvoir des dominants. « Discours de la servitude volontaire ou Contr’un» sera une des influences essentielles du siècle des lumières, ainsi que des tenants de la résistance non-violente, de Tolstoi aux anarchistes.
Une fois revenu à Bordeaux, La Boétie mène une vie de royaliste fidèle, à contre-courant de ce qu’il prônait dans son texte fondateur, et écrit même plus tard un autre manuscrit non publié dans lequel il fait preuve de conservatisme modéré, pour la protection du Catholicisme mais contre les abus de l’Eglise, prônant pour les huguenots le choix entre la conversion ou l’exil.
Erudit et humaniste, La Boétie traduisit de nombreux textes classiques grecs en français, dont « Lettre de consolation » et « Les règles de mariage » de Plutarque, et « La mesnagerie » de Xenophon, traductions qui seront publiées par Montaigne en 1571. Il composa également des poèmes en latins ainsi que des poèmes en langue française (les « Vers françois »). Il mourra à trente-trois ans d’une dysenterie.
Outre son texte fondateur, La Boétie est également resté dans l’histoire pour son amitié avec Michel de Montaigne, qui fera d’ailleurs connaître son oeuvre à la postérité. Cette amitié est le sujet d’une des oeuvres principales de Montaigne, « De l’amitié ». La relation entre les deux hommes était complexe, fraternelle, paternelle, amicale. Cette amitié fut tellement unique et incomparable aux yeux de Montaigne qu’il la distingua des autres formes d’amour, entre un père et son fils, entre frères, entre un mari et sa femme, entre amoureux hétérosexuels ou homosexuels. La mort prématurée de La Boétie altèrera profondément la vie et l’oeuvre de Montaigne.