Epistolier et encyclopédiste français.
Damilaville, natif de Bordeaux, reçut dans son enfance une éducation plutôt sommaire. Soldat et membre de la garde royale, il appartint à la compagnie de cavalerie d’élite des Gardes du Corps et participa à de nombreuses campagnes pendant la guerre de succession autrichienne. Il devint ensuite procureur à la fin de sa carrière militaire, puis abandonnant le droit, il s’en alla travailler au Contrôle Général des Finances pendant dix ans comme premier commis dans le service qui collectait le Vingtième, un impôt direct qui correspondait au vingtième du revenu et qui devait toucher toute la population, nobles et ecclésiastiques compris.
Damilaville ne s’intéressa pas énormément à ses fonctions et considéra qu’on lui avait refusé injustement toute chance de promotion. De par son poste, Damilaville disposait toutefois du sceau du contrôle général, et put ainsi faire échapper à la censure et circuler en franchise et sans contrôle tout courrier ou paquet affublé de ce sceau. C’est ainsi qu’il put faire circuler des lettres entre Voltaire et ses amis, et qu’il fit la connaissance du premier, avec qui il échangera une volumineuse correspondance à partir de 1760.
Damilaville, qui n’était qu’un simple fonctionnaire, n’était pas très riche et se démarqua très nettement des autres personnages riches, brillants et puissants dans l’entourage du philosophe, comme d’Alembert ou Diderot. Certains de ses contemporains, dont le baron Grimm, éditeur du journal Correspondance Littéraire, n’eurent pas une très haute opinion de lui, ne lui trouvant ni grâce, ni esprit. Malgré cette apparente infériorité, qui fit également que d’Holbach le qualifia de gobe-mouches de la philosophie, car il aurait absorbé et restitué tout ce qu’il entendait sans avoir d’opinions propres, Etienne Damilaville participa néanmoins à l’écriture de l’Encyclopédie. Il rédigea ainsi les articles « Population » et « Paix » et l’article « Vingtième » qu’il co-écrivit avec Diderot.
L’un des traits caractéristiques de Damilaville, que Voltaire lui attribua dans une de ses lettres, est la haine de la religion. On lui doit ainsi une attaque en règle contre les religieux, « L’honnêteté théologique » (1767), un pamphlet en réaction à la virulence des attaques dont « Bélisaire » écrit par Marmontel fit l’objet. Voltaire, La Harpe et Lalande lui attribuèrent également la paternité de « Le christianisme dévoilé ou examen des principes et des effets de la religion chrétienne », même si cette affirmation demeure contestée par certains chercheurs qui penchent plutôt pour d’Holbach comme auteur de ce pamphlet. Dans sa lettre au marquis de Villevielle, Voltaire affirme enfin que Damilaville fut l’auteur secret d’autres écrits.
Si Damilaville commença par rendre des services aux philosophes, par exemple en faisant passer des lettres de Voltaire de Ferney en Suisse à ses divers correspondants à Paris, en livrant des documents à l’avocat de Beaumont pour l’affaire Sirven ou même en acheminant discrètement les lettres de Diderot à sa maîtresse, Sophie Volland, il devint un familier d’un grand nombre de ces grands hommes. Il fut très proche de Diderot et d’Alembert, mais il est surtout resté dans l’histoire pour son amitié avec Voltaire dont il fut l’un des principaux correspondants. S’il ne put pas échanger avec Voltaire au même niveau intellectuel que d’Argental ou d’Alembert, on peut lire dans la correspondance de Voltaire toute la tendresse et l’affection que celui-ci lui porta. Le volume de correspondance entre les deux hommes le démontre également, puisque si Voltaire a écrit plus d’un millier de lettres à d’Argental, leur correspondance dura une soixantaine d’années, tandis qu’il écrivit plus de cinq cent lettres à Damilaville en huit ans. Mais la chose la plus singulière dans cette relation entre les deux hommes fut qu’elle se construisit à distance, car les deux hommes ne se rencontrèrent que lorsque Damilaville vint visiter Voltaire à Ferney en 1765.
En 1765, Voltaire s’inquiéta des maux de gorge persistants de Damilaville. Il le fit traiter par son ami médecin, Tronchin, sans succès. Ce cancer de la gorge, car c’en fut un, emportera Damilaville trois ans plus tard, en 1768.