Dramaturge et écrivain français.
Fils d’un père roumain et d’une mère française, Eugène Ionesco vécut pendant son enfance en France, mais retourna pendant son adolescence en Roumanie après le divorce de ses parents, y devint professeur de français après des études de littérature française à l’université de Bucarest. Il publie son premier article dans la revue Zodiac, suivi d’un recueil de poèmes, « Elégies pour des êtres minuscules» (1931) et du recueil d’articles « Non » (1934). En 1938, il revient en France pour réaliser un doctorat, mais, surpris par la guerre, est obligé de partir à Marseille. Il devient alors relecteur et traducteur pour des maisons d’éditions dans les années qui suivent.
Ionesco arriva tardivement au théâtre, en 1950. Frappé par l’inanité des conversations qui remplissaient les pages de son manuel d’anglais, langue qu’il avait décidé d’apprendre, il se mit à écrire sa première pièce inspirée par ces phrases sans aucun intérêt. « La cantatrice chauve » est un récit du ridicule de la vie quotidienne d’une société bourgeoise enfermée dans la vacuité de ses formalités. « La cantatrice chauve » rejette l’intrigue traditionnelle et la caractérisation des protagonistes des pièces de théâtre pour créer un nouveau type de comédie. Suite au grand succès de la pièce, donnée au Théâtre des noctambules sous la direction de Nicolas Bataille, Ionesco entame une carrière d’auteur de ce qu’il qualifie d’anti-pièces, combinant une atmosphère onirique ou cauchemardesque avec un humour grotesque et fantaisiste.
Les pièces qui suivirent connurent un succès équivalent : « La leçon » (1951), dans laquelle un enseignant parvient à dominer son élève grâce à sa maîtrise supérieure du langage et finalement la tue, « Les chaises » (1952), ou « Jacques ou la soumission » (1955). La pièce « Les chaises » est l’histoire d’un vieux couple qui à la fin de leurs vies convie un grand nombre d’invités – qui ne viendront jamais – afin de partager l’expérience de toute leur vie à l’humanité, et se retrouvent face à des chaises vides. Le vieux couple se suicide, laissant leur message à un orateur qu’ils ont engagé, et qui se révèlera être sourd-muet .
Cette pièce illustre la frustration d’Ionesco en tant que dramaturge qui essaie de transmettre son expérience à une salle remplie de chaises vides, par l’intermédiaire d’acteurs qui ne comprennent pas son message. Le succès de ces comédies fut tellement important qu’en 1958, le critique de théâtre britannique Kenneth Tynan accusa Ionesco d’être le « messie » des ennemis du réalisme. Cela amena par la suite à de vifs échanges publics entre les deux hommes sur la valeur de la communication par le langage.
En janvier 1960, Jean-Louis Barrault dirige à l’Odéon la première de « Rhinocéros ». Ionesco, s’appuyant sur son expérience personnelle du fascisme, dépeint la lutte d’un homme pour préserver son intégrité et son identité, seul dans un monde où tous les autres ont succombé à la beauté de la force brute. « Rhinocéros » sera considéré par beaucoup comme la meilleure pièce écrite par Ionesco.
En 1962, Martin Esslin désigna Ionesco, personnage majeur du théâtre d’avant-garde parisien, comme étant l’un des premiers auteurs dramatiques de l’école du « théâtre de l’absurde ». Dans un monde qui était encore traumatisé par l’absurdité de la seconde guerre mondiale, l’expression frappa le public, et Ionesco rejoignit d’autres auteurs de l’« absurde » comme Samuel Beckett, Jean Genet ou Harold Pinter. En 1970, il est reçu à l’Académie Française.