Poète et peintre français d’origine belge.
Envoyé dans un pensionnat d’Anvers pendant une partie de son enfance, Henri, fils d’Octave et de Jeanne Michaux, montra une indifférence particulière aux choses de l’école et se sentit à l’écart de ses condisciples. Il revint à Bruxelles en 1910 pour étudier le latin chez les jésuites, chez qui il manifesta également un vif intérêt pour la mystique chrétienne. Le langage, l’art et la religion permirent à cet adolescent asocial et angoissé de transcender la misère de l’existence quotidienne et de se consoler de son isolement. Il commença à écrire ses premiers poèmes à cette époque, mais considéra très vite que le langage altère la pensée et empêche de saisir l’essentiel de l’expérience vécue.
L’occupation de la Belgique par les allemands lors de la Première Guerre Mondiale différa ses études universitaires de deux ans, période pendant laquelle il dévora une grande quantité de littérature, de la vie des saints aux poèmes d’avant-garde. Il envisagea d’entrer en religion avant de se conformer aux souhaits de son père et d’étudier la médecine en 1919, qu’il abandonna au bout d’une année pour s’embarquer dans la marine marchande. Une année plus tard, il quitte son bateau et effectue son service militaire, raccourci à cause de problèmes cardiaques.
En 1922, lors de son séjour à l’hôpital consécutif à ces problèmes cardiaques, il découvre Lautréamont, dont l’oeuvre lui donne la liberté et l’étincelle créative pour écrire ses propres poèmes. « Cas de folie circulaire », fut son premier poème publié en 1922 dans la revue littéraire Le Disque Vert, dirigée par Franz Hellens. Celui-ci, fervent amateur de Michaux, ira jusqu’à le nommer co-directeur de la revue. En 1924, après une réception tiède de ses écrits par les gens de lettres de Bruxelles, il part pour Paris où il devient livreur dans la maison d’édition de Simon Kra. Il y rencontre Jules Supervielle qui l’engage comme secrétaire personnel. Il sera ainsi amené à fréquenter le milieu littéraire parisien, dont Jean Paulhan qui l’encourage. Il découvre également la peinture à travers les oeuvres imaginatifs de Paul Klee ou de Giorgio de Chirico. A l’instar de sa découverte de Lautréamont, cela lui ouvre de nouveaux horizons et il commence à composer ses propres oeuvres picturales.
En 1927, il publie son premier livre chez Gallimard, « Qui je fus », recueil de ses poèmes déjà précédemment publiés. Il reniera plus tard ces écrits et interdira leurs rééditions de son vivant. En 1929, un voyage en Amérique du Sud avec le poète Alfredo Gangotena amène à l’écriture d’ « Ecuador », récit d’antivoyage. En 1933, suite à un voyage de huit mois en Asie pendant lequel il tient des notes impressionnistes sur chaque peuple qu’il croise, il publie « Un barbare en Asie », ouvrage qui sera plus tard accusé de racisme latent. Son oeuvre littéraire commence à prendre sa forme définitive, mélange d’horreur, de cruauté et d’humour, une préoccupation du corps et une intense introspection de l’esprit humain à l’exclusion de toute réalité externe, avec « La nuit remue » (1935).
En même temps qu’un succès littéraire toujours grandissant, Michaux tient sa première exposition picturale en 1937 à la Galerie Pierre. En 1939, il publie « Peintures », qui regroupe des poèmes et ses propres dessins abstraits. En 1941, « Découvrons Henri Michaux », d’André Gide, attira l’attention du grand public sur l’artiste, ce qui amena son oeuvre au premier plan, mais heurta l’auteur discret et réservé. Malgré cette renommée, illustrée par exemple par sa publication dans la série Poètes d’aujourd’hui en 1945, Michaux tint à préserver sa quiétude, refusant ainsi toute publication de sa photo.
Pendant cette même époque de l’occupation, il épouse Marie-Louise, qui décède en 1948. Cette mort bouleverse Michaux qui se met plus intensément à peindre et publie « Nous deux encore » (1948), sur sa relation avec sa femme et les suites de sa disparition. La peinture prenant le pas sur l’écriture, il tient sa première rétrospective en 1951 à la Galerie Rive Gauche. Au milieu des années 50, il commence à expérimenter des drogues, et notamment la mescaline, voies alternatives d’exploration des mécanismes de la conscience humaine. Ces expériences, dont il a tiré « L’Infini turbulent » (1957), « Les Grandes Épreuves de l’esprit et les innombrables petites » (1966) ou « Misérable miracle (La mescaline) » (1972), dureront une dizaine d’années.
Dans les années 70, il devient une des figures artistiques les plus éminentes grâce à l’admiration que lui portaient les surréalistes ou la Nouvelle Vague, et son oeuvre aussi bien écrite que peinte obtient une reconnaissance mondiale. A cette époque, il écrit sur ses rêves, rédige des critiques sur l’art des malades mentaux et s’immerge dans la spiritualité orientale, dans laquelle il sera de plus en plus captivé jusqu’à la fin de sa vie.