Moraliste français.
Fils d’un contrôleur général des rentes de l’Hôtel de Ville de Paris et d’une mère elle-même fille d’avocat, Jean de la Bruyère est né le 17 août 1645 à Paris. La période entre l’enfance de la Bruyère et son entrée à l’université d’Orléans demeure relativement obscure. Il semblerait qu’il ait étudié chez les pères de l’Oratoire, ainsi que le démontre sa parfaite maîtrise du grec, les oratoriens étant des hellénistes réputés.
A vingt ans, en 1665, il obtint son diplôme de droit à l’université d’Orléans, et revint à Paris pour exercer. Grâce une situation financière aisée à laquelle s’ajouta un legs reçu d’un oncle, il put se consacrer aux divertissements d’une vie faite essentiellement d’oisiveté pendant une certaine période. On ne sait pas précisément s’il exerça ou pas comme avocat, mais en tout cas son nom n’est lié à aucune affaire importante de cette période.
En 1673, il achète la charge très lucrative de trésorier des finances à Caen. La campagne l’ennuyait cependant, et il vint à Caen le moins possible. La charge lui permit cependant, outre les revenus qu’elle lui accordait, de passer de roturier à noble. Il vécut toujours à Paris, passant d’un appartement à l’autre, et travaillant. Mais son travail consistait à méditer, à bavarder et à étudier ; à observer la cour et la ville depuis les bancs des jardins publics, des Tuileries au Luxembourg.
En 1684, il abandonne cette vie dont l’histoire n’a pas retenu grand-chose et devient précepteur de Louis de Bourbon, petit-fils du Grand Condé, Louis II de Bourbon. On ne connaît pas les circonstances qui amenèrent à sa rencontre avec Bossuet, archevêque de Meaux et l’un des hommes les plus influents de l’époque, mais l’on sait que Bossuet, qui fut précepteur du Dauphin, recommanda La Bruyère à la maison Condé. On ne sait pas non plus les raisons qui poussèrent La Bruyère à accepter cet emploi qui le fit passer d’une vie d’indépendance à une condition sociale qui se rapprocha de la servitude, entre les mauvais traitements des maîtres et les moqueries des serviteurs. Valincourt dira plus tard qu’à cette époque, tout le monde se moquait de La Bruyère.
Sa situation s’améliora cependant au fil du temps. Les autres précepteurs rivaux seront progressivement renvoyés ; à la mort du Grand Condé, La Bruyère ne donna plus de cours au jeune duc de Bourbon, devenant gentilhomme de monsieur le Duc. Et surtout, il renonce à sa charge de trésorier des finances de Caen en 1687, preuve que sa situation financière s’était nettement améliorée. Il devint alors un membre important de la suite du duc et de la duchesse, évoluant entre Fontainebleau, Chantilly, Paris et Versailles. Pendant toute cette époque, il regarda, nota, réfléchit sur la vie de ses maîtres et de leurs fréquentations, observateur attentif d’un milieu particulier. Il en tira les « Caractères ».
« Les Caractères ou les moeurs de ce siècle » (1688) ne fut publié qu’en janvier 1688, mais on pense que son écriture avait commencé vingt ans plus tôt. Recueil d’observations sarcastiques et de caricatures sociales de son temps, le livre connaîtra un succès immédiat, connaissant sept éditions en quatre ans, chaque édition comprenant des ajouts à l’édition précédente ainsi que de nouveaux textes. « Les Caractères » traite de sujets aussi variés que la critique littéraire, la vie urbaine et à la campagne, la cour, les femmes, les jugements et les goûts. Compilation de textes courts – maximes, pensées, observations, portraits – sans liens apparents entre eux, « Les Caractères » explore plusieurs thèmes comme la vacuité de la vie aristocratique, le pouvoir de l’argent ou la tyrannie des usages sociaux.
Publié avec une traduction du grec des « Caractères » de Théophraste, l’oeuvre de La Bruyère dépassa progressivement en volume celle de Théophraste. Sa méthode était inspirée directement de celle de l’auteur du quatrième siècle avant JC : définir des qualités comme la dissimulation ou la flatterie, en trouver des exemples chez les personnes réelles, réfléchir sur les caractères ou les caractéristiques de son temps dans le but avoué d’améliorer les manières de l’époque. Grâce à son vocabulaire riche et à ses talents stylistiques, La Bruyère parvint à achever une maîtrise de l’exercice telle que Gustave Flaubert, Proust, Gide ou les frères Goncourt, entre autres, l’admireront.
La Bruyère sera reçu à l’Académie française en 1693 et décédera à Versailles en 1696.