Écrivain et scénariste espagnol.
Petit-fils d'Antonio Maura, premier ministre espagnol sous le règne d'Alphonse XII au début du siècle, Jorge Semprún quitta l'Espagne en Juillet 1936, lorsque l'éclatement de la Guerre Civile l'empêche avec sa famille de retourner à Madrid alors qu'ils étaient en vacances sur la côte nord du pays. La famille s'installe alors à La Haye, ou le père représentait la République espagnole. En 1939, Semprún part étudier la philosophie à la Sorbonne et s'installe définitivement à Paris.
Membre du groupe de résistants communiste « Franc-tireurs partisans », il est arrêté par la Gestapo en novembre 1943 et interné au camp de Buchenwald jusqu'à la libération du camp par les alliés en avril 1945. Buchenwald plus tard sera au centre de trois de ses romans autobiographiques, ainsi que présent dans plusieurs autres de ses ouvrages. « Le grand voyage » (1963), son premier roman, raconte ainsi le transport des prisonniers français vers le camp ; « Quel beau dimanche » (1980) narre un dimanche à Buchenwald, montrant toute la complexité et la difficulté de la vie dans le camp ; « L'évanouissement » (1967) traite du problème du retour à la vie ordinaire, à l'existence normale à travers l'histoire d'un codétenu. Son expérience de la déportation sera également le thème principal de « L'écriture ou la vie » (1994), qui mettra l'accent sur le travail de survie et de reconstruction de soi, ainsi que sur les obstacles qu'un auteur doit franchir afin d'évoquer les atrocités de l'Holocauste. Le camp de Buchenwald figurera également en arrière-plan dans « La montagne blanche » (1980) et « Netchaïev est de retour » (1987). On notera que les limites entre le récit et la fiction sont perméables pour Semprún : il donne ses pseudonymes à des personnages, s'intègre ou incorpore des membres de sa famille dans ses romans, et les sujets sont toujours réels et la plupart du temps personnels.
En 1945, il rentre en France et rejoint le parti communiste espagnol, dont il sera plus tard membre du bureau politique, jusqu'en 1964, quand il en sera expulsé pour divergences de vue sur la ligne du parti. Ses expériences avec le nazisme et le franquisme lui apprirent en effet que toutes les organisations se doivent d'être irréprochable, incorruptible et au-dessus de tout soupçon. Il décide alors de se consacrer à l'écriture de romans et de scénarios. Il écrira ainsi « La guerre est finie » (1966) d'Alain Resnais, qui sera nominé pour l'oscar du meilleur scénario. Parmi ses œuvres notables, on remarquera également « Z » (1969), drame politique de Costa-Gavras, « Stavinsky » (1974) de Resnais ou « Une femme à sa fenêtre » (1976) de Pierre Granier-Deferre. Il se mettra ensuite à la réalisation avec « Les Deux mémoires » (1974).
Il écrira tous ses livres en langue française, à l'exception de deux autobiographies politiques, « Autobiographie de Federico Sánchez » (1977), qui raconte sa période d'appartenance au parti communiste, Federico Sánchez étant son nom d'emprunt lors de la lutte contre le régime de Franco, et « Federico Sánchez vous salue bien » (1993), au sujet de son passage à la tête du ministère de la culture espagnol (1988 – 1991) dans le gouvernement de Felipe Gonzalez ainsi que de «Veinte años y un día » (Vingt ans et un jour) (2003), son premier roman écrit directement dans cette langue. Il a été récompensé de plusieurs prix, dont le prix Femina en 1969, et est membre de l'académie Goncourt depuis 1996.