Poète et dramaturge français.
Issu d’une famille de banquiers d’origine basque, Jules Supervielle naquit à Montevideo en 1884. Très vite orphelin quand ses parents furent emportés par le choléra, il fut élevé par des membres de sa famille d’abord en Uruguay, puis fut envoyé en France. La perte de ses parents influencera sa sensibilité et lui inspirera des œuvres sur les thèmes du manque, de l’absence et de la mort.
Une fois en France, le jeune Supervielle – qui parlait le français, l’anglais, l’espagnol et le portugais – découvrit les poètes du dix-neuvième siècle comme Alfred de Vigny, Leconte de Lisle ou Victor Hugo. C’est ainsi que ses premiers poèmes furent d’inspiration clairement parnassienne. Après avoir effectué son service militaire, il décrocha une licence d’espagnol à la Sorbonne et revint en Uruguay. Il s’y maria l’année suivante avec Pilar Saavedra. Son amour pour Pilar lui inspira le recueil « Comme des voiliers » (1910). Il retourna à Paris par la suite, mais continua à faire des fréquents voyages en Amérique Latine.
Il publia « Poèmes : voyage en soi, paysages, les poèmes de l’humour triste, le goyavier authentique » en 1919. Dédiés à sa mère, ces poèmes créent des images de paysages terrestres et maritimes, d’arbres, de plaine et de montagnes vus à travers les yeux du poète-voyageur. Il trouvera cependant sa vraie voix poétique avec « Débarcadères » (1922). Désormais bien installé dans le milieu littéraire parisien, il devint l’ami de Paul Valéry et de Henri Michaux, publia les recueils qui, dans la lignée de « Débarcadères », continrent ses meilleurs poèmes : « Gravitations » (1925), « Le forçat innocent » (1930) et « Les amis inconnus » (1934).
Dans le même temps, il écrivit également de la prose, avec « L’homme de la pampa » (1923), roman d’une extrême inventivité, « Le voleur d’enfants » (1926) et « Le survivant » (1928).
Supervielle était en Uruguay lorsque la seconde guerre mondiale éclata, et il vécut très mal cet exil. Son amour de la France et sa santé défaillante l’inspireront pour écrire le recueil intitulé « Poèmes » (1945). En 1946, il revint à Paris en tant qu’attaché culturel honoraire uruguayen. Son ultime recueil, « Le corps tragique » fut publié en 1959, et il meurt l’année suivante.
Situé à la marge du surréalisme mais évoluant dans un parcours indépendant, Supervielle est un poète de la nature, dialoguant avec les animaux, les plantes et les minéraux. Son écriture a une apparence de spontanéité et de simplicité, composée de vers libres ou métriques d’une grande musicalité. Il y parvient à mêler l’abstrait et le concret, le passé et le présent, les perceptions habituelles et les perceptions extraordinaires, le tout dans une formulation lyrique et humoristique de la réalité.
Supervielle souffrit de problèmes cardiaques, et les battements de son cœur, battements de la vie, eurent ainsi une importance primordiale dans son oeuvre. Cette peur de la mort, dans un calme et une curiosité toute intime qui semble presque l’espérer, lui donne une perception unique de la disparition vers le vide et de la renaissance qui en découle. Supervielle se situe ainsi toujours à la frontière entre la vie et la mort, le corps et l’âme, la réalité et les rêves, avec une légèreté et un humour qui permettent à sa poésie de s’élever malgré la gravité des thèmes.