Poète italien.
Torquato Tosso est né à Torrente en 1544. Fils de Bernardo Tosso, poète et courtier, il traversa une enfance tumultueuse : alors que le père suivit le prince de Salerne en exil, la fortune familiale fut saisie et sa mère décéda en 1556. En 1554, Le Tasse partit rejoindre son père à la cour du duc d’Urbino, où il reçut la même éducation que le fils du duc. Son imagination s’enflamme alors sur l’histoire des croisades, et la nouvelle d’une attaque turque à Sorrente, où sa sœur échappa de justesse au massacre, le marque.
L’année suivante à Venise, il commence à composer un poème épique en ottava rima (stance de huit vers à onze syllabes) traitant des croisades, « Gerusalemme» (Jérusalem). Il ne mène cependant pas cette tentative jusqu’au bout, sans doute réalisant qu’il n’a pas encore la maîtrise nécessaire pour composer une oeuvre d’une telle ampleur. Il se tourne alors vers des sujets chevaleresques, qui formeront « Rinaldo» (Renaud, 1562), poème écrit à la manière de l’ «Orlando furioso» d’Arioste et de l’ « Amadigi » de son propre père.
En 1560, son père l’envoie suivre des études de droit à Padoue. Il y rencontrera Sperone Speroni qui lui fera découvrir les poèmes d’Aristote. Il n’y restera qu’un an, puis essaiera de poursuivre ses études à Boulogne, d’où il sera promptement renvoyé après avoir écrit des satires sur les professeurs et les étudiants. Il se fixe à Ferrarre en 1565, entre au service du cardinal d’Este et fréquente la cour du duc Alphonse II d’Este, sous la protection des sœurs du duc, Lucrezia et Leonora, pour lesquelles il écrira certains de ses poèmes les plus achevés. En 1565, il publie «Discorsi dell’arte poetica » (Discours de l’art poétique), dans lequel il annonce la tâche à laquelle il se prédestine : l’écriture de la première vraie oeuvre épique depuis l’antiquité. En 1570, Le Tasse part à Paris avec le cardinal, et y rencontre le poète Pierre Ronsard. De retour à Ferrare en 1571, il reprend ses travaux poétiques. Suivra un drame pastoral, « Aminta » (1573) puis que d’autres poèmes, dont plusieurs chants de « Gerusalemme Liberata » (Jérusalem délivrée), certains ayant été écrits lorsqu’il n’était qu’un adolescent.
En 1575, il achève la composition de ce chef d’oeuvre sur lequel il travaille depuis qu’il est à Ferrare. Il y fait le récit épique des actions de l’armée chrétienne dirigée par Godefroy de Bouillon durant les derniers mois de la première croisade, avec la prise de Jérusalem et le siège d’Ascalon comme points culminants. En plus des scènes historiques, Le Tasse y ajoute un certain nombre d’épisodes imaginaires où il peut donner libre cours à son imagination. « Jérusalem délivrée » est une oeuvre où le poète parvient à équilibrer les aspirations morales de son temps et ses propres élans sensuels, à harmoniser les règles formelles du poème épique laissées par les maîtres de la Renaissance et ses propres fantaisies lyriques, à mêler faits historiques et récit imaginaire.
Après les critiques sévères dont « Jérusalem délivrée » est l’objet, notamment sur les histoires d’amour fictives que l’on considérait comme des digressions, et qui pourtant seront les éléments qui marqueront la postérité, il développe une manie de la persécution, commence à voir des assassins partout, négocie avec les Médicis qui étaient les ennemis jurés de la famille d’Este et finit par attaquer un servant avec un couteau. Déclaré fou, il sera interné à l’hôpital de Santa Anna et placé en isolement. Il y écrira un certain nombre de dialogues philosophiques et moraux qui resteront parmi les meilleurs exemples de la prose italienne de son ère.
En 1568, il est libéré grâce à l’intervention du Prince de Mantoue, qui le prend dans sa cour. Il retrouve un élan créatif, écrit « Il re Torrismondo » (Le roi Torrismond, 1587), avant de replonger dans ses tourments internes et de quitter la cour. Il vagabonde alors entre Ferrare, Mantoue, Bergame et Naples, en composant des poèmes religieux. Hébergé à Rome par le cardinal Cinzio Aldobrandini, neveu du pape Clément VIII, il dédie à son protecteur une version remaniée de Gerusalemme, intitulée « Gerusalemme conquistata » (Jérusalem conquise, 1593), version expurgée, fade et privée des séquences amoureuses, qui marque sa soumission aux codes moraux de son temps. En 1595, malade, il meurt au cloître de Sant’Onofrio, à Rome.