Poète, écrivain et homme d’Etat franco-sénégalais.
Fils d’un riche propriétaire agricole sénégalais, le jeune Senghor fut envoyé à l’école catholique et ensuite au séminaire, conformément à ses premiers souhaits de devenir prêtre-enseignant. Réalisant à 20 ans qu’il n’avait pas la vocation, il finira ses études secondaires au lycée de Dakar. Il arriva ensuite à Paris et bénéficia d’une bourse pour étudier à la Sorbonne et à Louis-Le-Grand, où parmi ses condisciples se trouvaient Aimé Césaire et Pompidou. Pendant cette période, il découvrit les œuvres de Mallarmé, Rimbaud, Verlaine et Valéry. Après un échec au concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure, il devint en 1935 le premier africain agrégé, et enseigna à Tours et au lycée Marcelin Berthelot à Paris.
Lorsque la seconde guerre mondiale éclate, il fut mobilisé. Un an plus tard, il fut capturé par les allemands et envoyé dans un camp de prisonniers de guerre jusqu’en 1942. Il y apprit l’allemand et rédigea des poèmes qui paraîtront dans le recueil « Hosties noires » (1948).
En 1944, Senghor fut nommé professeur de langues et civilisation négro-africaines à l’École Nationale de la France d’Outre-Mer. Il publia son premier recueil, « Chants d’ombres », en 1945, inspiré par le philosophe Henri Bergson. Ce recueil est empreint d’une nostalgie profonde. La même année, il est élu pour représenter le Sénégal à l’Assemblée nationale, tout en créant avec Alioune Diop Présence Africaine, journal culturel qui avait dans son conseil d’administration André Gide, Albert Camus et Jean-Paul Sartre. En 1948, il fut l’éditeur d’un recueil de poème africains d’expression française, recueil qui deviendra un des textes fondateurs du mouvement de la Négritude, expression artistique et littéraire des noirs africains, et concept dont il était à l’origine en compagnie d’Aimé Césaire et de Léon Damas. Il publia dans les années qui suivirent une série de réflexions sur ce sujet, dont « Liberté 1: négritude et humanisme » (1964) ou encore « Ce que je crois : négritude, francité, et civilisation de l’universel » (1988).
Sur le plan politique, il rompit avec Lamine Gueye, allié du SFIO et à qui il devait sa candidature à l’Assemblée en 1947. Il créa alors son propre mouvement, le Bloc Démocratique Sénégalais, avec lequel il remporta les élections de 1951 et renouvela son mandat parlementaire. Il participa ensuite à deux gouvernements, celui d’Edgar Faure et celui de Michel Debré.
Lorsqu’à la fin des années 50 le Sénégal se joignit au Soudan français (actuel Mali) pour former la Fédération du Mali, Senghor devint président de l’Assemblée fédérale. En 1960, le Sénégal se sépara de la fédération et élut Senghor comme son premier président. Il gardera cette position pendant vingt ans, période pendant laquelle il affronta un certain nombre de tentatives de coups d’état et d’assassinat, d’émeutes et de révoltes estudiantines. En 1962, sa querelle avec son propre premier ministre, Mamadou Dia, amena à une lutte politique sévère entre les deux hommes, lutte qui s’acheva par la condamnation de ce dernier à la prison à vie. Il ne sera libéré de prison qu’en 1974.
Senghor adopta une position modérée pendant sa présidence sur tous les grands sujets qui agitaient le continent africain : il renforça les relations panafricaines, mais ne coupera pas les ponts avec la France, s’engagea comme nombre de ses pairs dans l’utopie socialiste, mais non sans vouloir adapter celle-ci aux réalités africaines. Il traita d’ailleurs de ce sujet dans l’une de ses œuvres en prose les plus importantes, « Nation et voie africaine du socialisme » (1961). Il milita pour la cause africaine tout en restant fidèle aux idéaux de l’humanisme français. Une certaine cohérence existait ainsi entre l’homme politique et le poète de la négritude et de la francité. En 1980, il renonça à la présidence au profit d’Abdou Diouf et rentra en France pour se consacrer à la littérature et à ses combats humanistes.
Senghor reçut plusieurs prix et récompenses pour son oeuvre littéraire, mais également pour son oeuvre politique. Commandeur des Arts et des Lettres, il reçut entre autres le Prix de la Paix des libraires allemands (1968), le prix Guillaume Apollinaire (1974), le Prix International du Lion d’or de Venise (1986). Son oeuvre est traduite dans toutes les langues, et en 1983, il fut élu à l’Académie française au fauteuil du duc de Lévis-Mirepoix. Il décéda en 2001 en Normandie, et fut inhumé à Dakar.