Poète français.
Maurice Scève est né à Lyon en 1501, à une époque où la cité était un centre économique et culturel important, lieu de résidence de banquiers et terreau artistique et littéraire. L’histoire n’a pas retenu d’éléments importants dans l’enfance et l’adolescence de celui qui sera l’un des poètes majeurs de la Renaissance lyonnaise. On sait juste qu’il fut le fils d’un magistrat qui sera nommé ambassadeur à la cour après l’accession de François 1er au trône, et que sa famille fit partie des plus illustres familles de la ville.
Scève se fit connaître en 1533 en « découvrant » le tombeau de Laure de Sade, grand amour de Pétrarque, à Avignon. Il convient de mettre cette découverte dans la perspective de l’importance du poète italien chez les poètes français, qui tous en faisaient leur modèle. Scève se positionna donc dans l’imaginaire de ces poètes comme étant celui qui désormais était le plus proche émotionnellement et intellectuellement du maître italien.
Scève publia anonymement son premier écrit en 1535, une traduction d’un roman de l’espagnol Juan de Novette, « Grimalte y Gradissa », intitulée « La déplourable fin de Flamete ». Cette même année, à l’instigation de Clément Marot alors installé auprès de la cour de Ferrare, un certain nombre de poètes français participèrent à une joute poétique célébrant l’anatomie féminine, Blasons du corps féminin. La contribution de Scève, un blason du sourcil, sera désignée comme la meilleure par la duchesse Renée de Ferrare, ce qui marquera le premier succès de cour de Scève.
En 1536, la cour de François 1er stationnait à Lyon en vue des campagnes italiennes quand le jeune Dauphin mourut. Sous la direction d’Etienne Dolet, l’humaniste le plus prestigieux de Lyon, les poètes de la ville composèrent un volume collectif, « Recueil de vers latins et vulgaires, de plusieurs Poëtes françoys, composés sur le trépas de feu Monsieur le Dauphin ». Scève fournit au moins un tiers de ce volume, avec cinq épigrammes en latin, deux huitains en français et un long églogue, « Arion », ce qui démontre l’ascendant qu’il possédait sur ses confrères lyonnais.
En 1536 toujours, Scève tomba profondément amoureux. Cet état d’innamoramento violent est un coup mortel porté à l’intégrité de son identité, écrivit-il dans le premier dizain de « Délie, objet de plus haute vertu » (1544), l’oeuvre qui le fera passer à la postérité. « Délie » est composée d’un huitain décasyllabique en préface (qui sera dans la seconde édition déplacé à la fin), de 449 dizains décasyllabiques regroupés par neuf et séparé par des emblèmes. Cette oeuvre est considérée comme le premier canzoniere français, et est aussi bien un poème amoureux qu’une extraordinaire célébration de toutes ses influences : les textes grecs et latins, les poètes médiévaux de l’amour courtois, Dante, Pétrarque, Marot et les Rhétoriqueurs, pour ne citer qu’eux. Elle est à la fois une preuve d’érudition et une démonstration de maîtrise de la poésie. L’identité de Délie demeure discutée jusqu’à aujourd’hui. S’agit-il de la poétesse Pernette Du Guillet, de vingt ans sa cadette et dont le mariage en 1538 fit que sa passion demeura inassouvie à jamais ? En tout cas, ce texte commença à circuler vers la fin des années 1530 dans les cercles lyonnais, avant sa publication en 1544 par Sulpice Sabon.
Parmi les œuvres de Scève dans les années suivantes, on peut citer « La Saulsaye, églogue de la vie solitaire » (1547), « Marguerytes » (1547) en l’honneur de sa protectrice Marguerite de Navarre et de Valois, suivi de « Suytes des Marguerites » la même année. Puis avec « La Magnificence de la superbe et triomphante entrée de la noble et antique cité de Lyon » (1549), il narra les festivités de l’entrée de Henri II et de Catherine de Médicis à Lyon, dont il fut le principal responsable de l’organisation.
Le reste de la vie de Scève fut consacrée à l’écriture de « Microcosme », une épique biblique de 3003 vers en trois livres de mille alexandrins et une conclusion de trois lignes qu’il acheva en 1559, mais qui ne sera publiée qu’en 1562, à une époque où la ville de Lyon était dévastée par les émeutes de la guerre de Religion et sera bientôt décimée par la peste.