Poète français, cofondateur du mouvement surréaliste.
Né Eugène Grindel à Saint-Denis en 1895, ce fils de comptable eut une enfance et une adolescence tranquille jusqu’à l’âge de seize ans où la tuberculose l’obligea à rejoindre un sanatorium à Davos, en Suisse. De retour en France un an et demi plus tard, il fut mobilisé pour la Première Guerre Mondiale. L’inhalation de gaz toxique dans les tranchées affecta ses bronches, et, démobilisé, il rentra pour épouser Elena Dmitievna Diakanova (Gala), qu’il a rencontré au sanatorium et qui sera l’inspiration d’un grand nombre de ses poèmes amoureux.
Pendant sa convalescence, il lit de nombreux oeuvres de poésie, dont ceux d’Arthur Rimbaud. Malgré la souffrance qui pèse sur ses écrits, il est mû par le désir de changer le monde et d’en réduire la misère. Il publie « Le devoir et l’inquiétude » (1917) et « Poèmes pour la paix » (1918), premiers recueils d’une oeuvre riche de plus de soixante-dix ouvrages. En 1919, Eluard rencontre André Breton et Louis Aragon, avec qui il entretiendra des relations jusqu’en 1938. Jusqu’alors membres actifs du dadaïsme, ce groupe de jeunes auteurs s’en va bientôt vers le surréalisme.
Dérivé du dadaïsme, qui prône le nihilisme, le renversement de l’ordre établi et la dérision, le surréalisme puise son inspiration dans l’expression de la pensée, en l’absence de tout contrôle de la raison. Eluard est alors l’un des signataires du premier manifeste surréaliste, et ces nouvelles fréquentations influenceront son oeuvre de cette période. Il commence recourir à l’«écriture automatique», au cours duquel l’auteur produit un flot ininterrompu de mots sans sujet préconçu ni contrôle qui au-delà de l’absence de logique apparente était censée être le reflet de la pensée inconsciente.
Après l’échec de son mariage, Eluard disparaît de Paris et les rumeurs de sa mort commencent à courir. Il est en fait parti pour un voyage autour du monde de sept mois au cours duquel il visite Panama, la Nouvelle Zélande, l’Australie, l’Inde ou encore Ceylan. De retour à Paris, il reprend sa place dans le mouvement surréaliste, en s’occupant des revues « Révolution Surréaliste » et « Surréalisme au Service de la Révolution ».
En 1926, la publication de « Capitale de la Douleur » établit définitivement sa réputation en tant que poète. Il explore, avec André Breton, les chemins du désordre mental dans « L’immaculée conception » (1930), et ses poèmes dans « La Rose publique » (1934) et « Les Yeux fertiles » (1936) sont considérées comme les plus grands chefs d’oeuvre du mouvement surréaliste.
Une nouvelle fois, la guerre (cette fois la guerre civile espagnole) exalte son oeuvre, et il est mobilisé de nouveau en 1938. Pendant l’occupation, il se joint à la Résistance, participe à la création et la fourniture de faux papiers et à la distribution de la littérature clandestine. « Poésie et vérité » (1942) attire sur lui l’attention de l’occupant, l’obligeant à changer de résidence tous les mois. Fuyant la Gestapo, il se cache dans un asile psychiatrique, où la vie et la misère des patients le bouleversent. C’est pendant ces mois qu’il écrit « Souvenirs de la maison des fous » (1946), qui sera publié après guerre. Ses poèmes sur la résistance et l’occupation, dont « Au rendez-vous allemand » (1944) et « Dignes de vivre » (1944), écrits parfois sous les pseudonymes Jean du Hault et Maurice Hervent, participèrent à soutenir le moral des français. Dans le même temps, il adhère au parti Communiste, dont la proximité l’avait déjà éloigné des surréalistes.
En 1946, il publie « Poésie ininterrompue », composé de cinq poèmes, et « Le désir de durer », illustré par Chagall. La mort de Nusch, sa seconde femme, le frappe douloureusement la même année. Il continue à composer des poèmes populaires comme « Le phénix » (1952) et à militer pour les idées communistes, visitant plusieurs pays comme ambassadeur de la nouvelle poésie. Il meurt à cinquante-six ans en 1952 à Charenton-le-Pont.