Poète français.
Fils d’un capitaine de l’armée, le jeune Verlaine grandit au sein d’une famille ordinaire. Né à une époque où le romantisme était encore le courant littéraire dominant, il eut treize ans lorsque furent publiées « Les fleurs du mal » de Baudelaire. Avec ce recueil si controversé, Baudelaire marque le recul définitif du romantisme et la naissance de la littérature moderne. Adolescent, Verlaine lut alors énormément et commença à composer des poèmes, qu’il qualifiera plus tard d’obscènes macabres.
Après avoir achevé ses études au Lycée Bonaparte en 1862, il commença des études de droit qui ne l’intéressèrent pas beaucoup et se mit à fréquenter les cafés latins, à boire et à se consacrer à la poésie. L’année suivante, il publie un poème pour la première fois, « Monsieur Prudhomme » dans La revue du progrès moral littéraire, scientifique et artistique. Inquiet au sujet de son fils, son père l’obligea à travailler dans une compagnie d’assurance et ensuite comme employé à l’hôtel de Ville, mais ne put le détourner de ses ambitions poétiques ni de sa vie dissolue. La nuit, quand il n’écrivait pas ses poèmes Verlaine s’adonnait à la vie de bohémien en compagnie d’autres poètes comme Leconte de Lisle, Mallarmé et Théodore de Banville, se délectant d’absinthe et de liberté. Il fut déjà émotionnellement instable à cette époque, passant rapidement de l’exaltation la plus totale au désespoir le plus entier.
En 1865, la mort de son père laissa davantage de liberté à Verlaine, sa mère étant beaucoup plus permissive. Il tomba amoureux d’Élisa Moncomble, qui l’aida à publier son premier recueil composé des poèmes de son adolescence et des poèmes amoureux inspirés par Élisa, « Poèmes saturniens ». La même année, Le Parnasse contemporain, une anthologie de poèmes, vit le jour et contint sept poèmes de Verlaine. Le mouvement parnassien cherchait à combattre la quête romantique de l’inspiration et de subjectivité par une esthétique plus scientifique basée sur l’impartialité et l’objectivité. La contribution de Verlaine était toutefois un peu trop personnelle et trop passionnée pour être entièrement parnassienne. Et ses « Poèmes saturniens » révèlent des influences baudelairiennes, romantiques et parnassiens, signe qu’il était un poète en construction, en quête de sa propre voix. On y voit également les premiers signes du ton verlainien : la sensualité, la tendance à la mélancolie et aux rêveries et une versification qui s’éloigne des règles strictes de la prosodie française traditionnelle. Il n’en demeure pas moins que ce recueil est une collection de poèmes disparates sans thème unificateur et sans succès.
Il publia clandestinement « Les amies » (1867), un recueil de sonnets érotiques, puis tomba amoureux de Mathilde Maute peu de temps avant de publier « Fêtes galantes » (1869). Ce recueil se distingue nettement du premier en ce que des liens thématiques forts y existent entre les poèmes. Il contient des réflexions sur l’art de son époque – les tableaux de Watteau ou la commedia dell’arte -, mais également le sentiment personnel que tout n’est pas que légèreté et insouciance, que les nuits d’ivresse sont toujours suivies des angoisses de l’aube, et que le bonheur est un château de cartes construit sur la mélancolie.
La vie de Verlaine fut à cette époque tout en contradiction : les poèmes raffinés des « Fêtes galantes » suivirent les amours saphiques des « Amies » ; son amour déclaré pour Mathilde ne l’empêcha pas de participer à des orgies d’alcool et de sexe. En 1870, fiancé à Mathilde, il publia « La bonne chanson », un recueil qui vante les joies de la vie conjugale, du bonheur de la vie familiale bien ordonnée. Ce recueil d’amour et d’espoir de bonheur n’eut toutefois pas une qualité poétique extraordinaire, tandis que le recueil suivant, « Romances sans paroles » (1874) est sans doute composé des meilleurs poèmes qu’il ait écrits. Constitué de courts poèmes exquis, délicats et évanescents, il fut écrit pendant une période où sa vie connut de grandes turbulences. La guerre franco-prussienne, le siège de Paris et la Commune eurent des conséquences importantes sur sa vie, réduisant toute perspective de gagner de l’argent dans un Paris tourmenté et instable. Mais ce ne fut rien par rapport à ce qui suivit.
Lorsqu’il invita à Paris le jeune Rimbaud, au génie poétique précoce et hors norme, à demeurer dans l’immeuble où il vivait avec sa belle famille, il initia une série d’événements qui se révèleraient autant désastreux sur le plan personnel que prolifiques sur le plan artistique. La liaison entre les deux poètes le mit au ban d’abord de sa belle famille puis d’une grande partie de la société parisienne. Le couple erra en Angleterre et en Belgique, se sépara et se réconcilia maintes fois, vécut dans la débauche et l’alcool une relation tumultueuse. Après une énième dispute et des menaces de séparation de la part de Rimbaud en Belgique, Verlaine lui tira dessus, le blessant au poignet et fut emprisonné, mettant fin à une des histoires d’amour les plus célèbres de la littérature. Tout cela donna naissance à « Romances sans paroles », publié alors que Verlaine était en prison en Belgique.
En prison, Verlaine connut un de ces renversements d’attitude dont il fut coutumier, et trouva du réconfort dans la religion catholique. Cette conversion donna naissance à des poèmes touchants et sensibles et à des poèmes religieux qui formeront le cœur de « Sagesse » (1880), et qui furent jugés comme étant des vers sans saveur pour les uns et comme de la grande poésie religieuse pour les autres.
A sa sortie de prison, Verlaine continua sa vie irrésolue et sans direction. Il revit une dernière fois Rimbaud à Stuttgart en 1875, enseigna le français en Angleterre en 1876 et 1877, revint en France pour enseigner à Rethel, où il eut une liaison avec un de ses élèves, Lucien Létinois, liaison qui dura jusqu’à ce que Lucien décédât de la typhoïde en 1883. La même année, il écrivit sa fameuse série des « poètes maudits », qui consacrèrent entre autres Rimbaud et Mallarmé. Il publia « Jadis et naguère » en 1884, un volume de poèmes inégaux regroupant des créations récentes mais également d’autres plus anciennes. Il y publia surtout son art poétique, écrite une dizaine d’années plus tôt, et dans lequel il en appela à la musique, un art qui libère les réponses dans leurs formes les plus pures et réarticule les éléments de la semi-conscience. Il s’y fait l’avocat d’une certaine insouciance dans le choix des mots, de la nuance par rapport aux couleurs claires, rejette les vers satiriques et y énonce sa volonté de réduire la domination de la rime et de mettre en avant la musique interne des mots.
Après « Jadis et naguère », la qualité de ses poèmes se détériora. « Amour » (1888) ne fut pas du niveau de ses devanciers, l’apologie du catholicisme que le poète y fit manque cruellement de qualités artistiques. « Parallèlement » (1889), qui célébrait les joies du plaisir physique, ne fit guère mieux. Les recueils suivants furent en majorité du même niveau, même si quelques joyaux se trouvèrent encore dans les pages de « Chansons pour elles » (1891) ou des « Odes en son honneur » (1893), « Dans les limbes » (1894) ou « Epigrammes » (1894). Néanmoins, sa célébrité ne s’affadit pas, il fut invité à donner des lectures aux Pays-Bas, en Belgique et en Angleterre pendant cette période et, en 1894, à la mort de Leconte de Lisle, il fut élu Prince des poètes par ses pairs. Après s’être confessé et reçu les derniers sacrements, Verlaine décéda d’une congestion pulmonaire le 8 janvier 1896. Plus de 3000 personnes assistèrent à ses funérailles, et il fut enterré à l’Eglise Saint-Étienne du Mont.