Denis Diderot

Diderot, Le Neveu de Rameau, La pantomime des gueux

Texte étudié

Commentaire de « Puis il se met à sourire » à « Cela est supérieurement exécuté, lui dis-je ».

Introduction

Né en 1713, Diderot se voit confier la rédaction en chef de L’Encyclopédie pendant 30 ans, ce qui l’absorbe et l’empêche de produire des œuvres personnelles. Il a souvent repris ce manuscrit du Neveu de Rameau avant de le publier à 50 ans.

On approche de la fin du dialogue. C’est la douzième et dernière pantomime du neveu, et également une des plus célèbres : la pantomime des gueux.

Mots

Abbé Galiani : écrivain Italien du XVIIIe siècle, ami des Encyclopédistes.

Pantalon : Dans la commedia dell’arte, vieillard amoureux, vicieux et avare.

Satyre : Bouc désireux de violer les nymphes dans l’Antiquité à séducteur obsédé.

Cénobite : Moine

Pourceau : pourceau d’Épicure = qui ne pense qu’au plaisir.

Un pourceau dans un cénobite : réduire au strict minimum l’épicurien au stade de l’animal.

Bouret : trésorier très riche de Louis XV, mourut ruiné.

I. Pantomime

A. Les causes de la pantomime

Il est un musicien de cœur : le langage n’est donc pas primordial à ses yeux.

Il a une vocation d’acteur : faute d’avoir une individualité sociale, il aime jouer des rôles.

B. La qualité du mime se fonde sur ses dons d’observateur

Observation des flatteurs devant ceux dont ils ont besoin

Observation de tous ceux qui ont à obéir, comme les valets.

En fait, cette pantomime représente à la fois l’homme complaisant (flatteurs, courtisans), l’homme admirateur (valets) et l’homme suppliant (gueux).

Il parvient à découvrir les gens de leur apparence sociale, pour ainsi mieux les apprécier, ou les déprécier.

C. Le caricaturiste s’attaque aux hypocrites

L’hypocrisie religieuse d’un abbé faux dévot.

L’hypocrisie politique d’un fermier général.

D. Richesse de la narration

Dans les passages narrés, le philosophe exprime ses sentiments profonds sur son interlocuteur.

Ici, il exprime ses pensées quand à la prestation du Neveu en train de mimer les gueux. Il place le Neveu sur la même ligne que Rabelais et l’abbé Galliani.

Il décrit une série de comportements au présent (comme La Bruyère, Portraits), sur un rythme très vif : parataxe, verbes juxtaposés.

II. Les différents niveaux d’influence de Lui sur Moi

Dès le début de la rencontre, Diderot était attiré par le Neveu. Dans sa jeunesse, Diderot était un pauvre asocial sans métier fixe jusqu’à 35 ans : il était comme le Neveu.

A. Influence sociale

Nous arrivons vers la fin du récit. Il semble que Diderot ait lentement évolué au cours du long dialogue et que maintenant il épouse le regard sévère du Neveu sur la société du XVIIIe siècle.

En empruntant la direction prise par le Neveu, le philosophe va même plus loin : il applique au Monde ce que le Neveu applique à la France. Il souligne que chacun dispose d’un riche protecteur, lui-même ayant une maîtresse.

B. Influence politique

Ici encore, le philosophe va plus loin que le Neveu : le Roi aussi est esclave et hypocrite : il s’incline devant une maîtresse et devant Dieu (la maîtresse du Roi et Dieu sont donc placés sur la même ligne, au sommet de la hiérarchie politique).

L’Église a la même servitude hypocrite : après des fidèles qui la payent.

D’après la démonstration du philosophe, chacun s’incline devant quelqu’un, chacun  » prend position  » et exécute  » son pas de pantomime « .

III. L’art du conteur

A. Diderot a la vocation du dialogue

Ce n’est pas un homme d’affirmation, mais de confirmation (avec tous les auteurs de l’Encyclopédie).

C’est un homme amoureux du théâtre : il a crée le drame bourgeois et a écrit  » le paradoxe sur le Comédien « .

B. Emploi d’un vocabulaire presque oral

Pas de mots rares, recherchés, ce qui assure la vraisemblance d’une causerie improvisée.

C. Le rythme des phrases peint le personnage

Ponctuation très abondante qui découpe le texte en gestes sans cesse modifiés traduisant la mobilité du Neveu exécutant sa pantomime.

Conclusion

En approchant de la fin du récit, on mesure que l’auteur a voulu inquiéter le lecteur trop conformiste, et le forcer à remettre en cause les idées reçues par la tradition.

De plus, les deux interlocuteurs sont en total accord sur le plan des idées, de la satire sociale avec un parallélisme entre le discours et la pantomime.

Le Neveu a une importance historique : son mépris pour la société contemporaine ébranle déjà les fondements du régime, 20 ans avent que Beaumarchais ne lance son Figaro.

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