Phèdre

Phèdre, Le Chien et le Loup

Texte étudié

– Combien la liberté est douce, c’est ce que je vais dire en peu de mots. Un chien bien nourri se trouva par hasard sur le chemin d’un loup d’une maigreur extrême. Ils se saluent et s’arrêtent.
– D’où te vient, dis-moi, ce poil brillant ?
– Que manges-tu pour avoir un tel embonpoint ? Moi qui suis bien plus fort que toi, je meurs de faim.
Le chien, franchement, répond :
– Cette condition t’appartient si tu peux rendre au maître les mêmes services que moi.
– Lesquels ? dit l’autre.
– Garder la porte, défendre, même la nuit, la maison contre les voleurs. – Eh bien, je suis prêt. Maintenant j’ai à supporter la neige, les pluies violentes ; dans les forêts je traîne une vie rude. Combien il me serait plus facile de vivre sous un toit et sans rien faire, de me rassasier largement.
– Alors, viens avec moi.
Chemin faisant, le loup voit le cou du chien que la chaîne avait pelé.
– D’où vient cela, ami ?
– Ce n’est rien.
– Mais encore, dis !
– Comme on me trouve un peu vif, on m’attache de jour, pour que je dorme le matin et que je veille, la nuit venue. Vers le soir on me délie et je puis errer où bon il me semble. Sans que je demande, on m’apporte du pain ; le maître me donne des os de sa table ; ses gens me jettent des morceaux et du ragoût quand personne n’en veut plus.. Ainsi sans rien faire, je remplis mon ventre.
– Bien, mais si tu veux t’en aller quelque part, le peux-tu ?
– Pas tout à fait.
– Alors, jouis de ce sort si vanté, Ô chien. Je ne voudrais pas d’un royaume, s’il doit m’en coûter la liberté.

Phèdre L.I-F.5.

Introduction

Un récit où les animaux sont personnifiés, mis en scène, plus une morale = une visée argumentative dans le but d’instruire et divertir.
Deux formes d’énonciation : l’auteur édicte la morale et le récit : la morale au début, oriente la lecture du récit.
« C’est ce que je vais dire en peu de mots » : les deux énoncés disent la même chose.
La morale : présent de vérité générale, détermine plus une notion générique, plus une notion philosophique. Le récit vient préciser la morale.

I. La progression du récit

Rencontre entre un chien bien portant et un loup maigre :

Dialogue.
Le loup ne veut plus faire comme le chien.
La succession chronologique recouvre une progression logique.
Le problème du loup.

Deux façons de mettre en évidence ce problème.

– L’exagération : « je meurs de faim », et l’opposition entre le chien et le loup : « maigreur extrême » / « bien nourri », « embonpoint » / « je meurs de faim ».
– Différence d’apparence physique et des conditions de vie.
Conditions fondées sur l’échange des services donnés : « sous un toit, ne rien faire », « se rassasier largement » / « neige » et « pluie violente » (vie rude, forêt).
– Différence de nature : domestique / sauvage.

Une résolution possible…

Changer de condition de vie, c’est-à-dire changer de nature.
Le loup cède à la tentation. Il n’aura alors plus une vie de souffrance.

… Mais rejetée

Le coup du chien pelé : image de la servitude du chien vu comme de l’esclavage par le loup, ce qui explique son refus.
? La liberté est tellement douce que le loup est prêt à payer contre toute une vie de souffrance pour garder sa liberté.

II. La fiction

Récit

Dialogue

– Rencontre entre les deux animaux – Questions du loup sur leurs différences
– Caractérisation très courte des animaux – Proposition du chien, puis il expose les conditions de vie
– « chemin faisant » : le loup a accepté la proposition du chien – Lamentations du loup
– L’élément perturbateur : le loup voit le cou du chien pelé par la chaîne – Question du loup
– Explications du chien
– Refus du loup

Le récit est limité, le dialogue domine, l’auteur s’efface, il laisse donc parler les personnages. La personnification rend le texte plus vivant.

Rythme du dialogue

Le loup a l’initiative du dialogue mais ne parle pas beaucoup. Le loup exerce une pression sur le chien mais celui-ci utilise une stratégie d’évitement. Il minimise les inconvénients : « ce n’est rien », « qu’importe », « pas tout à fait ».

Comment il idéalise sa condition ?

Il se présente comme un héros, quelque chose d’indispensable.
Le chien essaie de persuader le loup que sa condition est meilleure : « où bon me semble », « sans que je me demande », « sans rien faire ».
Le loup insiste pour faire parler le chien.
Le loup comprend que le chien a minimisé les inconvénients.
L’indice du point de vue de l’auteur est qu’il fait parler le loup.
Il défend la thèse de l’auteur : « ses gens me jettent… ».

Conclusion

Ce récit vient donner un sens concret à la morale. Il s’agit là de rendre compte d’un problème humain, social et politique par une argumentation, choisir des animaux pour divertir. Phèdre était un écrivain romain affranchi par Auguste. Il permet de transposer l’histoire et la styliser, afin de prendre de la distance.

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