Alexandre Dumas

Dumas, Pauline, Chapitre II, C’est une magnifique chose que la mer…

Texte étudié

C’est une magnifique chose que la mer vue la nuit à la lueur de la foudre et pendant une tempête : c’est l’image du chaos et de la destruction ; c’est le seul élément à qui Dieu ait donné le pouvoir de se révolter contre lui en croisant ses vagues avec ses éclairs. L’Océan semblait une immense chaîne de montagnes mouvantes, aux sommets confondus avec les nuages, et aux vallées profondes comme des abîmes ; à chaque éclat de tonnerre, une lueur blafarde serpentait de ces cimes à ces profondeurs, et allait s’éteindre dans des gouffres aussitôt fermés qu’ouverts, aussitôt ouverts que fermés. Je contemplais avec une terreur pleine de curiosité ce spectacle prodigieux, que Vernet voulut voir et regarda inutilement du mât du vaisseau où il s’était fait attacher ; car jamais pinceau humain n’en pourra rendre l’épouvantable grandiose et la terrible majesté. Je serais resté toute la nuit peut-être, immobile, écoutant et regardant, si je n’avais senti tout à coup de larges gouttes de pluie fouetter mon visage. Quoique nous fussions encore qu’au milieu de septembre, les nuits étaient déjà froides ; je cherchais dans mon esprit où je pourrais trouver un abri contre cette pluie : je me souvins alors des ruines que j’avais aperçues de la mer, et qui ne devaient pas être éloignées du point de la côte où je me trouvais. En conséquence, je continuai de monter par une pente rapide ; bientôt je me trouvai sur une espèce de plateau ; j’avançais toujours, car j’apercevais devant moi une masse noire que ne je pouvais distinguer, mais qui, quelle qu’elle fût, devait m’offrir un couvert.

Introduction

Nous allons étudier un extrait du chapitre II de « Pauline » d’Alexandre Dumas. Nous allons voir qu’il y a plusieurs narrateurs, ils se confondent avec Alfred, de même que nous avons plusieurs narrations qui s’enchâssent les unes dans les autres. Alfred fait part de son aventure au narrateur au cours d’un dîner, il lui raconte ses malheurs étant resté longtemps sans le voir. Il vient de le retrouver au cours d’un entrainement d’escrime. Lors du repas avec son ami, le narrateur, Alfred, raconte l’histoire de Pauline, celle qu’il a aimée et qui est décédée. Lors de ce passage, il est en Normandie en ballade en mer, il tente de figer le paysage quand une tempête s’annonce, il doit par conséquent rentrer au plus vite, au risque de chavirer, il lui faut trouver un moyen d’accoster. Son bateau échoue, il se retrouve sur la terre ferme et observe alors la tempête qui fait rage. Il nous fait part de ses sentiments, et nous évoque la tempête comme un paysage romantique, un tableau symbolique. La tempête était le thème de prédilection pour les auteurs ou peintres romantiques. Dans le but de répondre à la problématique, en quoi les personnages étudiés reflètent-ils une vision universelle du monde et de l’homme ? Nous verrons dans un premier temps, un paysage romantique puis, en second lieu, nous étudierons le tableau symbolique.

I. Un paysage romantique

La tempête est présentée dans toute sa démesure ce qui génère un grand désordre dans les éléments, « destruction », « se révolter », « éclat de tonnerre ». Tous les éléments semblent confondus, terre et eau sont mêlées ainsi que le suggère la métaphore de la montagne, « l’océan semblait une immense chaîne de montagnes mouvante », ainsi que la comparaison entre la côte, les falaises et la hauteur des vagues. Il en va de même pour l’eau et le ciel, ils sont « aux sommets confondus avec les nuages ». Le chaos est suggéré avec les deux éléments suivants, le feu et l’eau, « en croisant ses vagues avec ses éclairs ». Les repères d’une nature ordonnée ont disparu, le chaos domine au point d’être assimilé à la destruction de l’ordre naturel des choses. La violence de l’orage est également mise en évidence à l’aide de figures de rhétorique comme les hyperboles, « une immense chaîne », les comparaisons, « vallée profonde comme des abîmes », les antithèses, « de ces cimes à ces profondeurs », « aussitôt fermés qu’ouverts », nous pouvons souligner l’opposition entre « âmes » et profondeurs », et « fermés » et « ouverts ». Nous constatons que l’élément de l’abbaye en ruine à l’arrière plan est inquiétant, sa représentation s’apparente à une « masse noire ». Cela renvoie au romantisme. Certains décors sont privilégiés, Dieu se mêle aux évènements. La tempête revêt une allure à la fois divine et diabolique, « Dieu ait donné le pouvoir ». Les abbayes et leur atmosphère mystérieuse sont des lieux privilégiés des romans gothiques dans lesquels sont mis en place des personnages et des décors effrayants et inquiétants.

Ce paysage romantique s’apparente à un tableau, nous allons à présent en étudier l’aspect symbolique.

II. Un tableau symbolique

Les termes laudatifs nous montrent que Nerval est en admiration face à cette admiration, « magnifique chose », « prodigieux », « grandiose et la terrible majesté ». La dimension esthétique du paysage est mise en évidence. La description de ce tableau symbolique atteste de la grande technique du clair obscur ainsi que le connotent les notations de lumière et de couleur, « la nuit à la lueur de la foudre », « lueur blafarde », « masse noire ». Les contrastes renforcent cet aspect déjà exploités par les peintres de l’époque. La nature devient en fait le miroir de l’homme dans le sens où elle en reflète l’état d’esprit. La nature non seulement est objet d’admiration mais aussi un moyen d’y voir le reflet des ses propres tourments. Nous retrouvons la sensibilité des romantiques qui aiment les spectacles terribles, chaotiques, qui provoquent des émotions fortes et puissantes. Le sublime est atteint, la frayeur est quasi éprouvée devant un tel spectacle, « épouvantable grandiose », « terrible majesté », l’effet touche à son paroxysme grâce au jeu des antithèses qui en accentuent la puissance. « La terreur entre en opposition avec la « curiosité », et le « spectacle prodigieux ». La force des noms et des adjectifs est hyperbolique. La dimension est pour ainsi dire spirituelle, l’image du chaos et de la destruction domine l’ensemble du tableau ; la tempête nous offre l’image de l’apocalypse, c’est ici l’antithèse du cosmos créé par Dieu dans la Genèse (séparation de la lumière et des ténèbres, de l’eau et du ciel, de l’eau et de la terre). La tempête incarne la lutte des puissances contraires, le bien et le mal. La dimension est tant épique qu’apocalyptique et l’homme face aux caprices de la nature versatile reste impuissant, il peut juste contempler et subir, « se révolter contre lui en croisant ses vagues avec ses éclairs ».

Conclusion

Cet extrait au-delà de son intérêt esthétique au niveau pictural est très évocateur du personnage d’Alfred qui malgré la tempête, avec un maximum de détermination, parvient à sortir sain et sauf de cette première épreuve, cela révèle ses qualités, sang froid en particulier, et ses talents d’artiste car malgré la fatigue et la peur, il parvient à prendre en compte la beauté du paysage en la transcrivant avec toute la force et le chaos qu’il suggère. Nous retrouvons toutes les qualités du héros romantique à travers les effets d’un paysage romantique sur un personnage.

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