Victor Hugo

Hugo, L’Année Terrible

Texte étudié

Conseils :

– Prendre un ton vivant pour bien rendre le texte.
– Faire attention

on aux rejets et aux enjambements qui sont ici présents.

Sur une barricade, au milieu des pavés
Souillés d’un sang coupable et d’un sang pur lavés,
Un enfant de douze ans est pris avec des hommes,
– Es-tu de ceux-là, toi? – L’enfant dit : Nous en sommes.
– c’est bon, dit l’officier, on va te fusiller.
Attends ton tour. – L’enfant voit des éclairs briller,
Et tout ses compagnons tomber sous la muraille.
Il dit à l’officier : Permettez-vous que j’aille
Rapporter cette montre à ma mère chez nous?
– Tu veux t’enfuir, – Je vais revenir – Ces voyous
Ont peur! Où loges-tu? – Là, près de la fontaine
Et je vais revenir, monsieur le capitaine.
– Va-t’en drôle! – L’enfant s’en va. – Piège grossier!
Et les soldats riaient avec leur officier,
Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle;
Mais le rire cessa, car soudain l’enfant pâle,
Brusquement reparu, fier comme Viala,
Vint s’adosser au mur et leur dit : Me voilà.
La mort stupide eut honte, et l’officier fit grâce.

Plan d’étude

Ce texte fait penser à une fable. Nous allons pour cela faire une étude linéaire.

– Du vers 1 au vers 3 : l’exposition
– Du vers 4 au vers 18 : les péripéties
– Vers 19 : la morale

On peut présenter ce texte comme une pièce de théâtre ; avec le décor : la barricade ; les personnages : l’enfant et les soldats. Ce texte aurait pu être une scènette. Notons d’ailleurs que Victor Hugo a aussi été un dramaturge.

Introduction

Ce texte a été écrit en 1872 par Victor Hugo. A cette date, Hugo a 70 ans. Ce poème est donc une œuvre de maturité. Il maîtrise alors à peu près toutes les techniques d’écriture, ce qui n’empêche pas le texte de rester simple. Il y dénonce la guerre civile et fait allusion à la « Commune ». En fait, c’est l’enfance dans la guerre qui est dénoncée. Ce texte contient une leçon. Il est comparable à une fable par le dernier vers qui fait penser à une morale. Il n’y a de plus pas de structure strophique.

La première et la dernière phrase forment un tout et pourraient constituer le résumé de ce texte : « Sur une barricade, au milieu des pavés, la mort stupide eut honte, et l’officier fit grâce ». On aurait pu tout simplement mettre comme titre à ce poème « La barricade ».

Étude

Le mot barricade (vers 1) attire dès le départ notre attention, il porte une connotation de dureté. Il appartient au champ lexical de la révolution, donnant de plus le lieu du combat.

L’article « une » (vers 1) veut nous montrer qu’il s’agit d’une barricade parmi tant d’autres, de n’importe quelle ville et de n’importe quel pays. « Sur une barricade » : Cette simple expression occupe la première partie du premier hémistiche. Ces trois mots suffisent à planter le décor.

Les pavés (vers 1) évoquent la rue, la ville donc la guerre civile. Le pavé est l’arme des révolutionnaires. Il y a une idée de combat qui commence dès les premiers vers. On est tout de suite plongé dans l’action et dans le décor. Le premier vers se termine par un enjambement, et fait ressortir un décor de dureté.

Alors que l’on attend un acteur et une action, Hugo précise son décor (vers 2). Le mot « sang » est répété plusieurs fois et est mis en opposition. Deux notions différentes s’opposent alors. C’est l’opposition entre « le sang coupable » et « le sang pur lavé ». Les adjectifs « souillés » et « lavés » viennent renforcer cette opposition. On note donc qu’il y a deux camps fortement opposés.

« Un enfant de douze ans » (vers 3) : Enfin, le personnage apparaît, mais le lecteur est surpris puisqu’il s’agit d’un enfant. D’ailleurs, il occupe tout le premier hémistiche. Hugo précise l’âge de l’enfant pour montrer qu’il va pouvoir être capable de comprendre l’ampleur de la situation qui va se présenter.

« est pris » (vers 3) : Le verbe est à la forme passive, donc le sujet subit l’action. Ceci pour montrer l’idée de prisonnier. Ce terme chosifie l’enfant : il est en quelque sorte un pion de la guerre civile. Dans ce vers, il y a une opposition radicale entre les termes « enfant » et « hommes ». Hugo veut montrer que l’enfant n’a pas sa place dans l’univers de la guerre.

Transition : Le décor, le contexte, le personnage principal et les figurants ont été présentés en trois vers. L’exposition se termine et les péripéties peuvent commencer.

« Es-tu de ceux-là, toi ? (vers 4) : Ces termes sont monosyllabiques. Les sons sont durs et la tournure est familière. Ce qui montre que l’officier n’a aucun respect envers l’enfant, par l’usage notamment du ton direct. A fortiori, l’officier parlant comme cela, les soldats ne peuvent qu’être pires.

« Nous en sommes » : L’enfant se remet dans le camp auquel il appartient : il corrige l’officier en s’exprimant correctement. Hugo utilise un terme simple pour introduire la parole de l’enfant et ne fait aucune recherche (il aurait pu dire : « pleurnicha », « balbutia »…).

Au vers 5, l’officier est furieux, contrarié. Il ne tient pas compte des remarques de l’enfant. Ce dernier à l’audace de vouloir être traiter comme les autres hommes.

« Attends ton tour » (vers 6) : Cela indique qu’il y a de nombreuses autres personnes à fusiller avant l’enfant, il va devoir voir la mort de ses camarades avant de mourir lui-même, ce qui montre la réelle méchanceté de l’officier. D’un autre côté, on peut penser que l’officier lui laisse une chance : il laisse à l’enfant le temps de s’enfuir, pouvant de plus changer d’avis entre temps et le laisser partir. Peut-être aurait-il des remords à faire fusiller un enfant.

« L’enfant voit des éclairs briller » (vers 6) : C’est une métaphore pour désigner les fusillades. La scène est alors vue à travers l’enfant. La longueur de cet alexandrin nous fait comprendre qu’il y a beaucoup d’hommes à fusiller.

« Il dit à l’officier » (vers 8) : On voit encore ici la même simplicité avec laquelle s’exprime l’enfant.

Vers 9 : Les mots ne sont pas à leur place, la syntaxe n’est pas correcte. L’enfant met en valeur certains mots en les changeant de place. Mais chacun de ces mots à un sens. De plus, la formulation reste simple.

« Rapporter cette montre chez nous » (vers 9) : L’enfant est suffisamment mûr pour aller rendre la montre à sa mère et ne pas la garder pour lui. Il veut lui laisser un souvenir. A seulement douze ans, il pense à quelqu’un d’autre que lui alors qu’il est sur le point de mourir. Remarquons cependant qu’il n’anticipe pas sa mort, il ne dit pas « chez elle » mais « chez nous ».

« Tu veux t’enfuir » (vers 10) : L’officier pense à la fuite en la proposition de l’enfant. Il croit voir ici une ruse.

« Devais revenir » (vers 10) : L’enfant ne proteste pas. Cette réponse montre à quel point l’enfant est mûr. Il répond avec le même nombre de syllabes que la question posée. On peut ainsi encore une fois voir s’illustrer la supériorité de l’enfant sur l’officier.

Vers 11 : L’enfant ne perd jamais son calme.

Vers 12 : L’enfant est ironique. C’est un non respect. La répétition de « devais revenir » montre tout son sérieux.

Le terme « drôle » (vers 13) est un mot ambigu qui désigne l’enfant des rues.

« L’enfant s’en va » : Il ne part pas en courant. Il aurait pu le faire mais celui-ci reste posé et calme.

« Piège grossier » (vers 13) : L’officier ou l’auteur ? On ne sait pas. L’officier pense que l’enfant ne reviendra plus. Il pense notamment que l’enfant n’est pas très futé, sa technique de fuite étant assez facile et connue. Il ne croit en aucun cas l’enfant.

Vers 14 : Le rire des soldats exprime certainement leur soulagement de ne pas avoir à fusiller un enfant. Ils sont plutôt contents de le laisser partir.

« Mais » (vers 16) : A ce moment du récit, on ne voit pas vraiment comment cela pourrait se terminer. Le terme « Mais » crée une rupture dans le récit.

« Rire » : le terme apparaît encore une fois. Il est présent trois fois en trois lignes. L’enfant réapparait alors sans aucune explication.

« L’enfant pâle » (vers 16) : L’enfant est entièrement conscient qu’il va mourir. C’est alors la deuxième fois qu’il s’approche de la mort. Il est parfaitement lucide et va prendre un chemin héroïque en choisissant la mort plutôt que de la subir. Il prend par là-même sont destin en main.

« Viala » (vers 17) : Le retour vers l’Histoire vient donner de la crédibilité au texte et vient montrer que l’héroïsme peut consister en des actes très simples.

Vers 18 : L’enfant a rempli son devoir, il a fait ce qu’il avait à faire. Ses paroles sont encore très simples : il utilise seulement trois syllabes. Notons que depuis le début du texte, il n’a jamais dit un mot de trop. Suite à la réplique de l’enfant, Hugo ne fait pas répondre l’officier.

Le dernier vers se détache car il ne rime avec aucun autre vers. Cet alexandrin est total. Tout y est dit. Il n’y a plus de décor mais un étrange parallélisme entre la mort et l’officier. Notons aussi la présence d’un chiasme, un croisement des termes. L’utilisation du passé simple montre qu’il s’agit d’un fait ponctuel. On aurait pu ajouter « pour une fois » à la fin du vers, étant donné le caractère exceptionnel de ce fait.

Conclusion

Avec peu de moyens, Hugo nous a surpris. Avec un texte très simple, il nous a fait passer le message qu’il souhaitait. La chute de la fin nous donne la clef du texte. La simplicité du poème est en parfaite harmonie avec la simplicité du personnage principal. L’enfant dans la guerre est une réalité au XXème siècle, et il nous touche aussi car ce fait subsiste dans certains pays à travers le monde.

Ce n’est pas le seul texte d’Hugo à dénoncer les enfants à la guerre. Le texte « l’enfant » traite du même sujet, mais à l’inverse.

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