La Boétie, Discours de la servitude volontaire
Introduction
La Boétie est né à Sarlat en 1530 et fait ses études au collège de Guyenne à Bordeaux. Il est nommé conseiller au parlement de Bordeaux en 1553 où il rencontrera Montaigne : c’est le début de leur amitié. C’est un partisan de l’autorité royale, c’est un conservateur : il dénonce ici non la royauté mais la tyrannie. Montaigne à la mort de La Boétie, renonce à publier Le Discours car les polémistes protestants l’utilisent comme pamphlet contre la monarchie sous un titre postum Contr’un. Réquisitoire contre la tyrannie, plaidoyer pour la liberté, le Discours illustre l’intérêt des humanistes pour la réflexion politique. Dans ce texte, nous étudierons le but didactique de La Boétie ainsi que les divers procédés argumentatifs mis en œuvre. Nous verrons aussi dans ce discours les caractéristiques d’un humanisme commençant.
I. Dénonciation de la tyrannie
1. Les méfaits de la tyrannie
La première phrase est une phrase exclamative qui dénonce la lâcheté du peuple. L’exclamation donne un ton grave à la phrase. Il utilise un vocabulaire dépréciatif pour caractériser le peuple afin d’éveiller la colère : procédé de persuasion « bien », « famille », « vie » gradation ascendante qui marque la gravité, l’importance des dégâts de cette tyrannie qui cause la perte de bien, de la famille, de la vie.
La Boétie utilise le champ lexical du pillage : « piller », « dévaster », « dépouiller » pour énoncer les dégâts de la tyrannie.
2. Les méfaits du tyran
Toutes ces infortunes infligées au peuple ne viennent pas « des ennemis » mais « de l’ennemi » : le tyran.
La Boétie dénonce l’ambition, le désir de conquête du tyran pour sa propre gloire, pour sa vanité.
Par le biais d’une comparaison rabaissante : « rien de plus que le dernier des habitants » l’auteur montre la faiblesse réelle du prince qui n’a : « que deux yeux, deux bras ».
II. Le peuple est son propre bourreau
L’antithèse entre « un grand bonheur » et « seulement la moitié » (l.6) marque l’aveuglement du peuple face à ce tyran.
Dès la première phrase, on remarque « les nations opiniâtres » (qui s’enterrent). Ce paradoxe du peuple est finalement son propre bourreau est repris tout au long du texte.
La succession de questions oratoires sont en réalité des affirmations, elles incitent le peuple à se rendre à l’évidence : le tyran n’est qu’un homme.
A travers, l’opposition entre « il » et « vous » La Boétie dénonce la complicité entre le peuple et le tyran. Le tyran serait vulnérable sans le peuple : « comment oserait-il ? ». Il dénonce ainsi cette domestication du peuple par le biais de la métaphore de « la bride » du cheval (l.28).
Le futur, à partir de la ligne 31, exprime une promesse de liberté : « vous serez libre », une invitation à l’issue.
III. Caractéristique d’un humanisme commençant
L’humanisme (1500-1600) consiste à croire en l’homme, à le placer au centre du monde, et d’en faire la mesure de toute chose.
On remarque avec le mot « cité » (l.17) une allusion à l’antiquité propre à l’humanisme. La Boétie dresse donc ici un idéal politique, rappelant la vertu de la liberté et appelant ses lecteurs à « ne plus soutenir » toutes les formes de tyrannie.
On peut rapprocher cette recherche d’un idéal politique à Utopia (1513) de Thomas More : l’île d’Utopia est l’œuvre de la raison humaine, l’institution d’un homme seul qui a calculé et mesuré ce qui devait être la cité parfaite.
Conclusion
L’idée centrale du discours est que la tyrannie, c’est à dire la domination absolu d’un seul, est inexplicable à moins de supposer que le peuple consent volontairement à la servitude.
On peut rapprocher le discours de la servitude volontaire au Prince de Machiavel : pour faire régner l’ordre, le prince doit employer la dureté et la ruse et c’est la naïveté du peuple qui va provoquer la réussite du prince.
On peut cependant opposer ces deux textes dans leurs soucis de légitimé : ce souci de légitimité est absent chez Machiavel, contrairement à La Boétie qui se fait le prôneur d’un idéal de tolérance.