Michel de Montaigne

Montaigne, Les Essais II-12, Apologie de Raimond de Sebond, Les écrits des Anciens (…) Nous contentent à cette heure

Texte étudié

Les escrits des anciens, je dis les bons escrits, pleins et solides, me tentent, et remuent quasi où ils veulent : celuy que j’oy, me semble tousjours le plus roide : je les trouve avoir raison chacun à son tour, quoy qu’ils se contrarient. Cette aisance que les bons esprits ont, de rendre ce qu’ils veulent vray-semblable ; et qu’il n’est rien si estrange, à quoy ils n’entreprennent de donner assez de couleur, pour tromper une simplicité pareille à la mienne, cela montre evidemment la foiblesse de leur preuve. Le ciel et les estoilles ont branslé trois mille ans, tout le monde l’avoit ainsi creu, jusques à ce que Cleanthes le Samien, ou (selon Theophraste) Nicetas Syracusien s’advisa de maintenir que c’estoit la terre qui se mouvoit, par le cercle oblique du Zodiaque tournant à l’entour de son aixieu. Et de nostre temps Copernicus a si bien fondé cette doctrine, qu’il s’en sert tres-reglément à toutes les consequences Astrologiennes. Que prendrons nous de là, sinon qu’il ne nous doit chaloir lequel ce soit des deux ? Et qui sçait qu’une tierce opinion d’icy à mille ans, ne renverse les deux precedentes ?

Sic volvenda ætas commutat tempora rerum,
Quod fuit in pretio, fit nullo denique honore,
Porro aliud succedit, Et è contemptibus exit,
Inque dies magis appetitur, florétque repertum
Laudibus, Et miro est mortales inter honore.

Ainsi quand il se presente à nous quelque doctrine nouvelle, nous avons grande occasion de nous en deffier, et de considerer qu’avant qu’elle fust produite, sa contraire estoit en vogue : et comme elle a esté renversée par cette-cy, il pourra naistre à l’advenir une tierce invention, qui choquera de mesme la seconde. Avant que les principes qu’Aristote a introduicts, fussent en credit, d’autres principes contentoient la raison humaine, comme ceux-cy nous contentent à cette heure.

I. Le constat

– l.1-8 : « les écrits… de leurs preuves » : développement de la thèse : Preuve ? argumentation.

– Montaigne se rend compte qu’il est touché/convaincu par tous les bons écrits : « les bon écrits, pleins et solides, me tentent et remuent quasi où ils veulent ».

– Contenant (éloquence : « aisance ») primant sur le contenu (argumentation).

Paradoxe : ces textes ce contredisent : « celui que j’ouïs me semble toujours le plus roide, je les trouve avoir raison chacun à son tour, quoi qu’ils se contredisent ».

– « rendre ce qu’ils veulent vraisemblable » (éloquence) ? « trompé une simplicité » (réalité).

– On ne peut pas décider de la vérité ou de l’erreur d’une idée mise sur son apparence à cause des changements potentiels (thèse) : « cela montre la faiblesse de leur preuve ».

II. Développement, l’exemple : le mouvement terrestre

– l.8-17 : « le ciel… précèdent » : exemple avec l’astronomie (évolution des connaissances sur la rotation terrestre).

– Champ lexical : « étoiles », « zodiaque », « astronomique ».

– 1ère période : le ciel et les étoiles en mouvement : « le ciel et la étoiles ont branlé trois milles ans ».

Aristote : univers géocentrique (la Terre est le centre de l’univers).

– 2ème période : (antiquité grec, Cléanthe la Samien ? Théophraste) : la terre en mouvement, ébauche de l’orbite terrestre : « c’était la terre qui se mouvait par des cercles oblique du Zodiac tournant à l’entour de son essieu » (métaphore).

– 3ème période : Copernic (astronome polonais) : justifie la doctrine précédente (« a si bien fondé cette doctrine »).

? Interrogation (mise en relation des exemples précédents): « que prenons-nous de là ? » (déduction/conclusion) : il ne faut pas considérer une idée comme certaine de manière absolue car cette idée est susceptible d’évoluer dans le temps : « sinon qu‘il ne nous doit chaloir lequel ce soit des deux » (restriction).

– Pré-visage une quatrième période : « et qui sait qu’une tierce opinion, d’ici mile ans, ne renverse les eux précédente).

? Esprit ouvert sur les découvertes futures dans le domaine scientifique : principe de la Tolérance.
(Scientifique ? mœurs/coutume…).

Conclusion

1ère Illustration :

l. 18-21 : « Ainsi […] mortels » ; citation de Lucrèce (poète latin).
Notion de relativité ; tout change avec le temps, tout est sur le même plan.

2ème Illustration / conclusion :

l.22-29 : « Ainsi […] à cette heure ».

Conclusion : il faut se méfier des opinions certaines, inébranlables : « nous avons grande occasion de nous en défier ».

Une opinons est toujours le résultat d’une ébauche ultérieure : « avant qu’elle fut produite, sa contrainte été déjà en vogue ».

Une opinion/idée est toujours susceptible d’évoluer : « il pourra naître à l’avenir une tierce opinion qui choquera de même la seconde ».

Élargissement à la philosophie : (passe des sciences exactes à la condition humaine) : exemple d’Aristote.

Du même auteur Montaigne, Essais I-30, Des Cannibales Montaigne, Essais I-28, De l'Amitié Montaigne, Essais I- 23, De la Coutume, Les Lois de la Conscience (...) La bêtise ordinaire de son jugement Montaigne, Essais, Avant-propos Montaigne, Essais II-18, Du démentir Montaigne, Essais III-9, De la Vanité, Laisse lecteur courir encore ce coup d'essai Montaigne, Essais III-9, L'Art de voyager Montaigne, Essais III-9, De la Vanité, A sauts et a gambades Montaigne, Essais III-2, Du repentir Montaigne, Essais III-6, Des coches

Tags

Commentaires

0 commentaires à “Montaigne, Essais III-6, Des coches”

Commenter cet article