Victor Hugo

Hugo, Les Contemplations, La Coccinelle

Texte étudié

Elle me dit : Quelque chose
Me tourmente. Et j’aperçus
Son cou de neige, et, dessus,
Un petit insecte rose.

J’aurais dû, – mais, sage et fou,
A seize ans on est farouche, –
Voir le baiser sur sa bouche
Plus que l’insecte à son cou.

On eût dit un coquillage ;
Dos rose et taché de noir.
Les fauvettes pour nous voir
Se penchaient sur le feuillage.

Sa bouche fraîche était là ;
Je me courbai sur la belle,
Et je pris la coccinelle ;
Mais le baiser s’envola.

– Fils, apprends comme on me nomme,
Dit l’insecte du ciel bleu,
Les bêtes sont au bon Dieu,
Mais la bêtise est à l’homme.

Introduction

« La Coccinelle » est un petit poème extrait de la première partie des « Contemplations » qui est le grand poème lyrique d’Hugo. Le titre est original et déroutant : il a une connotation infantile et sans intérêt.

Or ce texte se présente comme une petite histoire répartie en cinq strophes composées de quatrains. Les vers sont des heptasyllabes (huit syllabes). Ils sont cours et ont une forme légère. Il s’agit d’une anecdote amusante qui est la mésaventure d’un baiser volé qu’Hugo transforme en baiser raté. Hugo prend sur lui pour raconter une mésaventure personnelle. On découvre ici le Hugo lyrique. Ce texte a l’apparence d’une fable, c’est un récit qui raconte l’apprentissage amoureux vécu par le jeune Hugo de seize ans. Cette fable met en scène la naïveté de l’adolescence sous la plume d’Hugo âgé alors de 54 ans. Il parle de lui pour nous parler de nous.

I. Le récit de l’apprentissage amoureux

A. La mise en place des personnages

Elle repose sur deux pronoms « elle  » et « je ». Les pronoms annoncent qu’il s’agit d’une poésie lyrique et romantique qui met en scène le poète et celle qu’il aime. Le « je » est plus cité que le « elle », car ce dernier va se préciser et va être évoquée par : « son cou de neige » (vers 3), « sa bouche » (vers 7), « son cou » (vers 8), « la belle » (vers 14).

Hugo laisse libre court à l’imagination des détails physiques et de l’apparence de la « belle » par le lecteur. Il y a un petit rapprochement des personnages par les pronoms : « J’aperçus son cou de neige » (vers 2 et 3), « Je me courbai sur la belle » (vers 14). Il y a des échanges de paroles, de regards.

B. Le décor

Hugo crée une intimité entre les deux personnages. Tout est fait pour que le baiser ait lieu. Tout ce qui entoure les amoureux renforce cette intimité. On s’aperçoit que la nature se prête au jeu des amoureux (« les fauvettes » – vers 11 et « le feuillage » – vers 12).

Ce décor est renforcé par l’utilisation des couleurs : blanc, rose, vert et bleu. Des couleurs fraîches et claires qui évoquent le bonheur. Hugo utilise aussi le vocabulaire de la relation amoureuse : « tourment » (vers 2), « baiser » (vers 7).

C. L’intervention de l’insecte

L’insecte est l’élément perturbateur. La coccinelle arrive ici comme une fausse note.

Un petit insecte rose, qui a l’air mignon, apparaît plusieurs fois dans le texte (vers 8, 9, 10, 15, 18) et commence à devenir plus présent que la belle, devenant ainsi sa rivale. Elle est en trop. Le désir est compromis. Le baiser s’envole.

II. La naïveté de l’adolescence

A. Le récit d’une méprise

Tout est la faute du jeune Hugo : « J’aurai du » (vers 7). Il ne pense pas que la belle puisse attendre un baiser. La confusion est double entre le baiser et l’insecte, la bouche et le cou. Les vers 15 et 16 expriment l’acte manqué. Remarquons la présence d’un chiasme entre ces deux vers.

L’échange est total entre ce qu’il aurait du faire et ce qu’il a fait. Hugo nous montre l’erreur du jeune homme aux vers 5 et 6 (« j’aurai du »).

« A seize ans, on est farouche » : Hugo a pris du recul par rapport à cet évènement. Hugo juge le petit Victor, laissant entrevoir un certain regret. Il compense la naïveté de sa jeunesse.

B. Une expérience psychologique

Ce texte est l’occasion d’une réflexion psychologique sur la naïveté de l’adolescence.

« A seize ans, on est farouche » : Hugo utilise dans cette phrase un présent et un « on » de vérité générale.

Puis il dépasse sa nature et tire une expérience : « Les bêtes sont au bon Dieu, mais la bêtise est à l’Homme » (vers 19 et 20). Cette phrase est prononcée par la coccinelle. Le texte prend alors une dimension didactique et fait penser à une fable.

Hugo profite de ce texte pour faire une réflexion sur la nature humaine : « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous ».

Ce qui fait le succès de ce texte est sa légèreté et sa note d’humour. On pourrait lui donner comme titre « La Belle et la Bête ».

C. Une note d’humour

« Mais le baiser s’envola » (vers 16) : Hugo fait un jeu de mots entre « baiser s’envola » et « baiser volé ».

« Les bêtes sont au bon Dieu » (vers 19) : Hugo en profite pour glisser les mots « bêtes » et « bêtise ».

Hugo utilise dans ce poème des vers impairs que l’on peut rapprocher au fait qu’il nous relate un acte manqué ; ainsi que des rimes embrassées pour nous narrer un baiser volé.

Conclusion

La réussite de ce texte repose sur l’harmonie entre le fond et la forme.

Les souvenirs de jeune d’Hugo y sont évoqués. Il retrouve une fraîcheur d’écriture qui s’accorde avec la fraîcheur du texte. Hugo sourit de sa naïveté infantile. Il y a une sorte de petite autodérision.

Ce texte fait penser à « Vieille chanson du jeune temps », un autre poème de Victor Hugo.

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