Heredia, Les Trophées, Brise Marine
Poème étudié
L’hiver a défleuri la lande et le courtil.
Tout est mort. Sur la roche uniformément grise
Où la lame sans fin de l’Atlantique brise,
Le pétale fané pend au dernier pistil.
Et pourtant je ne sais quel arôme subtil
Exhalé de la mer jusqu’à moi par la brise,
D’un effluve si tiède emplit mon cœur qu’il grise ;
Ce souffle étrangement parfumé, d’où vient-il ?
Ah ! Je le reconnais. C’est de trois mille lieues
Qu’il vient, de l’Ouest, là-bas où les Antilles bleues
Se pâment sous l’ardeur de l’astre occidental ;
Et j’ai, de ce récif battu du flot kymrique,
Respiré dans le vent qu’embauma l’air natal
La fleur jadis éclose au jardin d’Amérique.
De Heredia, Les Trophées
Introduction
En quoi ce poème évoque t-il à la fois la thématique de la mort et le désir d’exotisme d’Heredia ?
I. L’évocation de la mort
A. Une vie éphémère
Dans le premier quatrain, le poète suit la vie d’une fleur : « le pétale fané pend au dernier pistil ». Ici, la fleur n’est pas qu’un simple ornement poétique, elle symbolise le côté éphémère de la vie.
D’un point de vue métaphorique, la fleur représente la vie humaine. Nous pouvons relever le champ lexical de la fleur : « défleuri », « pétale », « fané », « pistil », « la fleur », « éclose ».
Au vers 14, la fleur éclose peut faire penser à la fleur déclose de Ronsard. Ainsi nous pouvons dire que les grands thèmes poétiques sont éternels.
B. La mort dans le poème
Tout d’abord nous pouvons relever le champ lexical de la mort : « mort », « fin », « pend ». De plus nous savons que la mort est très souvent présente dans les poèmes d’Heredia.
Le vers 2 contient la phrase la plus courte du poème : « Tout est mort ». La phrase est aussi courte que la mort.
La « roche uniformément grise » est une image de la pierre tombale. L’adverbe « uniformément » insiste d’autant plus sur la mort par sa longueur. De plus, notons que l’adjectif « grise » est repris au vers 7 par le verbe « griser ». On a donc des échos de la mort.
II. Un voyage poétique
A. L’évolution du poème
Le dernier vers du premier quatrain est très précis, le poète décrit la fleur en détail. Alors que dans le dernier tercet, Heredia est moins précis. On a donc une sorte de confrontation entre le proche et l’éloignement.
Le poème évolue du froid au chaud : « hiver » et « tiède ». Il évolue aussi en passant par la mort puis par le voyage poétique : « mort » et « exhalé par la mer ».
Ainsi, face à la mort, Heredia apporte l’espoir par le voyage poétique.
B. Un voyage fictif
A travers le poème apparaît le désir d’exotisme d’Heredia notamment à travers le champ lexical de l’exotisme : « arôme », « tiède », « parfumé »…
Ainsi, l’exotisme étant perçu comme étrange et lointain, il stimule l’imaginaire du lecteur comme celui de l’auteur.
L’exotisme est renforcé par l’idée d’éloignement : « Ouest », « Atlantique », « là-bas », « Amérique », « Antilles ». Ce champ lexical contribue à créer un voyage poétique.
Conclusion
Il s’agit d’un poème original qui reprend une forme et des thématiques classiques, et notamment les thèmes de la mort et de la fugue poétique.