Heredia, Le trophée, Soir de Bataille
Poème étudié
Le choc avait été très rude. Les tribuns
Et les centurions, ralliant les cohortes,
Humaient encor dans l’air où vibraient leurs voix fortes
La chaleur du carnage et ses âcres parfums.
D’un œil morne, comptant leurs compagnons défunts,
Les soldats regardaient, comme des feuilles mortes,
Au loin, tourbillonner les archers de Phraortes ;
Et la sueur coulait de leurs visages bruns.
C’est alors qu’apparut, tout hérissé de flèches,
Rouge du flux vermeil de ses blessures fraîches,
Sous la pourpre flottante et l’airain rutilant,
Au fracas des buccins qui sonnaient leur fanfare,
Superbe, maîtrisant son cheval qui s’effare,
Sur le ciel enflammé, l’Imperator sanglant.
Heredia, Le Trophée
Introduction
Sonnet régulier.
2 quatrains : tableau du champ de bataille.
2 tercets = « c’est alors que » : apparition de l’imperator.
Effet de surprise, accumulation de détails pour le nommer qu’à la fin. « L’imperator sanglant » = sujet à la fin. Mise en relief de ce personnage, vue d’ensemble puis vue particulière.
Analyse
Épique = amplification, caricature, exagération.
Emploi au pluriel. Tout au pluriel sauf « l’imperator » = singulier.
Sensations visuelles importantes « un œil morne » v.5/6 « visage brun » dans les tercets : « vermeil », « rouge », « pourpre », « enflammé », « sanglant », sensations auditives (bruits, sons) « vibraient leur voix forte » allitération en v. Consonne soufflante. Évocatrice d’un son.
Synesthésies : accord de sensations entre elles.
Odorat associé au son. « Fracas », « fanfare » allitération en « f ». Sensation olfactive : « nez », « parfum », sensation tactile : « l’air », « chaleur », notations sensuelles, prédominance de la vue, toutes les façons de rendre la couleur rouge. « Pourpre », « rutilant », « vermeil », « sanglant ». Palette très riche de la gamme de rouge. Dès la première phrase , impression générale = choc, rude, qui évoque la violence de la guerre, superlatif « très ». Evoque les personnages, les vivants, les morts. « Comptant leur compagnons défunts » : assonance en « on », « un », « en ». Voyelles nasalisées qui ajoutent, mettent en relief d’une manière sonore les sons profonds, sourds. Prolongement, emploi de l’imparfait, impression de durée puis choc du passé simple. « C’est alors qu’apparut ».
Souffrance, violence, pluriel collectif « les tribus » etc. Masse indifférenciée (ennemis et romains) : aussi bien les vivants et les morts. Impression d’assister à une tempête, une mêlée indistincte comme si c’était un tableau d’apocalypse. « Tourbillon », « feuilles mortes » : le poète oppose les quatrains et les tercets. Quatrain = bataille, carnage, adjectif « acre » = violence très forte. « r » ensemble du tableau champ de bataille. Mouvement des projectiles, des armes v.6/7 termes de la mort « défunts », « mortes », et pourtant « tourbillon » et « vies » qui signifient la vie. Les personnages n’ont pas d’identité. Apparition, mise en évidence par le changement de temps, par le verbe antéposé, par le fait que nous sont donnés d’abord tous les attributs du sujet. Silhouette victorieuse, qui s’impose, émergée, se dessine glorieusement sur l’horizon de la bataille : « tout hérissé de flèches », apothéose, présentée avec sa cuirasse « l’airain » qualités de l’expression, recherche formelle. Couleur rouge, « superbe », superbe dans le 2nd sens de orgueilleux, fier. Apparition sur son cheval (qui se cabre), rythme v.11 très régulier, 4×3 rythme très cadencé, militaire, fanfare, superbes, maîtrisant. 3 syllabes. Sonorités en « a ». Allitération en « s ». Rouge = guerre violence. Terme latin imperator. Accentue la solennité, dieu, héros, carnage imperator/sanglant. Effet oxymorique. Association pouvoir, gloire, violence, souffrance.
Conclusion
Décrire une atmosphère et des lieux de bataille, recréer un passé historique. Met en lumière un général des armées. Sonnet qui apparaît comme un tableau, fresque picturale, la figure générale illustre le souci de perfection formelle. Visée descriptive.