Supervielle, Pour un Poète Mort
Introduction
Jules Supervielle : 1884-1960.
Extrait de « Les Amis Inconnus » : 1934 (Les Amis Inconnus sont les lecteurs du poète).
Sous partie du livre : « Les Veuves« . Avant dernier poème : « Les Amis Inconnus » (Le titre nous indique déjà le type de textes que l’on va trouver).
Petit recueil, 74 poèmes, c’est le recueil de la maturité (Il a 50 ans).
Monteiro : femme spécialiste de Supervielle.
Grande leçon du livre : On ne peut surmonter l’angoisse de la mort que par la rencontre (rapports d’amitié, rapports d’amour).
On sent une certaine nostalgie dans ce recueil même si cela ne lui donne pas un caractère lourd.
Il n’y a pas d’abstrait, de théorie dans les poèmes, pas de résolution non plus ? L’auteur nous donne simplement des conseils dans les démarches de vie. Il ne bouscule pas son lecteur, c’est un homme de compromis.
Attention : Ne pas dire que c’est un poète dramatique ou romantique (car il a toujours l’espoir et nous donne des conseils de vie).
Présentation du poème
2 strophes.
Vers de 7-8 pieds puis de 12 pieds (première strophe).
Vers de 9 pieds puis de 12 pieds (seconde strophe).
Les vers de 12 pieds sont décalés sur la gauche.
La première strophe est marquée par l’idée de l’urgence, d’où le rythme léger de la strophe, plus rapide.
Rythme musical pour la seconde strophe : les vers sont un peu plus longs, on est moins dans l’urgence.
On est dans une sorte de troc : on peut donner quelque chose à ce poète mort, et s’il le voulait, il pourrait aussi nous offrir quelque chose.
La tonalité est élégiaque ? tristesse, mais on sent un certain contraste entre le titre (très marqué) et le début du poème. On sent au final que le poète n’est pas si mort que ça.
Originalités
Suite d’images proposée.
Humour, naïveté, poème modeste.
Poète concret, jamais de discours ni d’arguments abstraits chez Supervielle.
Intérêt : Côté surprenant de l’échange entre nous et le poète mort.
I. L’offrande des vivants (aux morts)
Titre de poème élégiaque. On s’attend à un hommage triste, comme généralement.
La première strophe n’est pas du tout comme cela, et surprend donc le lecteur : « Donnez lui vite une fourmi » = Impératif. Tout se passe comme si on connaissait ce poète mort.
Sonorités en « -i » : « Donnez lui vite … » semble être en accord avec le chant d’un oiseau.
Fourmis : plus infime trace de vie, elle est visible à l’œil nu. Animal familier, quelque chose de courant chez Supervielle. Il a en effet une certaine tendresse pour la nature.
Les plus petites choses peuvent suffire aux morts car elles sont concrètes.
L’impératif est là car il y a urgence, pour rassurer le poète mort. Il y a urgence de l’offrande du vivant au mort.
? La mort est un état que Supervielle repousse. Elle n’est ni acceptée, ni souhaitée. Elles est endurée.
• Partie décalée :
1ère strophe : « Donner » est dans le vers.
2nde strophe : « Cadeau » est dans le vers.
? Cela correspond bien à l’offrande.
Les cadeaux renvoient au concret mais « un bout de Paris » fait penser à l’abstrait.
Ce n’est pas la taille du cadeau qui lui fait plaisir : « Petit », « bout » … c’est le fait que cela vienne du monde concret qui donne de la satisfaction au poète mort.
• Deux derniers vers :
« vide » : synonyme du néant, du rien (même si un peu moins dramatique).
Ce poète mort est encore surpris par sa mort : il « comprend mal son sort ».
Dimension élégiaque « encore », puisqu’il endure cette situation mais ne la comprend toujours pas.
Supervielle veut jouer sur les sonorités en fin de phrase : sonorités en « elle » (« hirondelle »), en « i » (« fourmi, lui … ») et en « or ».
Transition :
• 1ère strophe : Don du vivant au mort (urgence) : essentiellement des rimes masculines (= puissance, cliché de l’homme, énergie).
• 2nde strophe : Don du mort au vivant : que des rimes féminines.
II. L’offrande du poète mort (aux vivants)
« A choisir, il vous donne » = si le mort avait le choix (évidemment, il ne l’a pas), il rentrerait dans l’échange, le troc, et ferait un cadeau aux vivants.
Le mot « cadeau » est positif dans ce poème marqué par la tristesse et l’élégie.
Le poète mort nous fait 5 propositions de cadeaux, mais on ne peut les prendre ou se les approprier. Ce sont toutes des métaphores.
La seule angoisse de l’auteur avec la mort est la perte de la communication. Le seul cadeau que l’on puisse faire à un poète mort est de continuer à le lire.
Tant qu’on est sur Terre, on a des quêtes (on court après des « fumées » abstraites).
Quand il passe dans l’au-delà, soit il regrette les sens, la lumière … soit le moindre cadeau lui fait plaisir.
Antithèse : « silence »/ »tapage ».
Ce poème est une petite leçon philosophique.
Conclusion
Poème nostalgique : communication rompue avec l’au-delà.
Il nous parle de la possibilité d’échapper à l’absence, la solitude ? On peut sortir de cette mécanique.
La mort nous prive du contact avec les vivants mais la poésie peut nous sauver du néant, de l’impalpable, si on s’y interroge.
Le poème n’est pas abstrait. Même la tristesse s’exprime sous forme d’image.
Charme du poème par son humour, son côté enfantin.