Rimbaud, Illuminations, Nocturne Vulgaire
Poème étudié
Un souffle ouvre des brèches opéradiques dans les cloisons, – brouille le pivotement des toits rongés, – disperse les limites des foyers, – éclipse les croisées. – Le long de la vigne, m’étant appuyé du pied à une gargouille, – je suis descendu dans ce carrosse dont l’époque est assez indiquée par les glaces convexes, les panneaux bombés et les sophas contournés – Corbillard de mon sommeil, isolé, maison de berger de ma niaiserie, le véhicule vire sur le gazon de la grande route effacée ; et dans un défaut en haut de la glace de droite tournoient les blêmes figures lunaires, feuilles, seins. – Un vert et un bleu très foncés envahissent l’image. Dételage aux environs d’une tache de gravier.
– Ici, va-t-on siffler pour l’orage, et les Sodomes, – et les Solymes, – et les bêtes féroces et les armées, – (Postillon et bêtes de songe reprendront-ils sous les plus suffocantes futaies, pour m’enfoncer jusqu’aux yeux dans la source de soie).
– Et nous envoyer, fouettés à travers les eaux clapotantes et les boissons répandues, rouler sur l’aboi des dogues…
– Un souffle disperse les limites du foyer.
Rimbaud, Illuminations