Verlaine, Poèmes Saturniens, Soleils Couchants
Poème étudié
Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s’oublie
Aux soleils couchants.
Et d’étranges rêves
Comme des soleils
Couchants sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants sur les grèves.
Verlaine, Poèmes saturniens, Soleils couchants
Introduction
Ce poème fait partie des poèmes saturniens. Verlaine a alors 22 ans.
Le poème est dédié à Catulle Mendes.
Le poème est composé d’une strophe de 16 vers (pintamètre). Il est construit sur quatre rimes : ant-i-èves-eil . Les rimes sont croisées sauf les quatre dernières qui sont embrassées. Alternance de rimes masculismes et féminines.
Étude linéaire
Le poème est composé de trois phrases : Deux phrases constituent le premier mouvement jusqu’au vers 8, et une phrase le second mouvement jusqu’à la fin du poème.
Le premier mouvement est dominé par la mélancolie, la contemplation d’un paysage mélancolique.
Le second mouvement poursuit et complète le premier : il constitue les effets de cette contemplation sur le poète. On passe alors d’un paysage extérieur à un paysage intérieur.
• Titre du poème : « soleils couchants » : Par la mise au pluriel, Verlaine restitue ainsi une sorte de bilan d’expériences répétées, les effets du crépuscule sur le poète.
• Note sur le titre du recueil : Saturne était le Dieu du temps.
• Le terme « aube » au premier vers vient de Alba (Albâtre : pierre blanche).
• Comparaison entre le levant et le couchant : vers 1 à 4, impression de raccourci du temps, ou d’accélération du temps : on a l’impression que l’aube et le couchant se confondent, ce qui exprime l’image du temps qui lui échappe.
• « par les champs » : donne une impression d’étendue. Le lieu n’est pas vraiment défini, mais on imagine bien un paysage de campagne.
• Le poète apparaît au vers 7 avec la première personne. On nous dévoile ses sentiments, son affection, sa sensibilité. « qui s’oublie », il se laisse aller ; ce qui montre une harmonie parfaite entre la nature et les sentiments du poète. La nature est comme une mère, elle berce le poète : « Berce de doux chants ». Le sentiment dominant est la mélancolie, se qui se note par :
? Les sonorités : nasales, engourdissement de la nature qui va s’endormir ;
? Se dégage une atmosphère de douceur, et de bien être, de calme. La mélancolie est ici une tristesse douce : ce n’est pas le désespoir. La mélancolie est comme une mère aimante. C’est la complaisance du poète qui s’oublie.
Transition : Opposition entre le premier et le second mouvement : dans le second mouvement, il y a plus de mouvement, le poète est moins passif. Sa mémoire est sollicitée par la nature qui sert de support au vers.
Abondance de la ponctuation : 5 virgules. Cela donne un rythme, une accélération du rythme. La ponctuation marque ainsi les différentes étapes de la rêverie.
Ces rêves sont étranges, comparés à des soleils couchants sur les grèves :
Côté flou des rêves ;
La disparition, la fugacité, le côté insaisissable, incontrôlable des rêves ;
Côté obsessionnel.
« vermeils » : rouge intense, représente les couleurs du couchant. « fantômes vermeils » fait allusion au passé disparu ; les rêves mettent le poète en présence des personnages disparus qu’il a connu.
Les rêves arrivent en foule, « défilent », et sont comparés deux fois à des soleils « pareils », « comme ».
On passe d’un paysage campagnard à un paysage marin encore plus infini, flou.
La structure cyclique du poème, par le premier et le dernier vers, exprime le jour et la nuit, et la vie et la mort.
La présence du temps est évoquée par le titre du recueil : « Poèmes saturniens » (Saturne : Dieu du temps).
On est parti d’une description extérieure qui évoque l’état d’âme du poète qui s’implique avec la première personne du singulier. Voltaire suggère plus qu’il ne précise. Il procède par petites touches (technique picturale des impressionnistes).
Le poème se termine par une impression d’ambiguïté, de froideur. Il se termine de façon assez curieuse.
Voila ce qu’inspire le paysage intérieur de l’âme. La dernière strophe suggère les sentiments de Verlaine qui est fasciné par le paysage, celui-ci est beau mais la tristesse domine. C’est un poème qui révèle les réactions de Verlaine qui n’arrive pas à percer la vraie personnalité de la femme.
Conclusion
Ce texte est une substitution d’un paysage pictural imprégné d’affectivité. Illustration métaphorique de l’âme et de la sensibilité de la femme et du poète. Verlaine suggère la peinture de Watteau à qui il rend hommage.