Saint Luc

Saint Luc, Évangile, La parabole du fils prodigue

Introduction

L’Évangile de Luc est le troisième des quatre évangiles du Nouveau Testament, dans lequel sont rapportées la vie et les paroles du Christ. Il s’agit d’annoncer la « bonne nouvelle », celle de la rédemption, de la victoire du Bien sur le Mal. Cet enseignement est dispensé sous forme de récits courts, les paraboles, qui délivrent une morale. L’une des plus célèbres est sans conteste « La parabole du fils prodigue » qui raconte de manière très organisée une histoire fictive pour délivrer plusieurs leçons au lecteur.

I. Un récit bien structuré

On reconnaît le schéma narratif dans ce texte, mais nuancé par un rebondissement (la jalousie du fils aîné) :

1. Situation Initiale : état d’équilibre l.1-4 ; le père partage sa fortune entre ses deux fils. Analogie avec le début d’un conte « avait » l.1. Temps du récit : imparfait et passé simple.

2. Élément perturbateur l.4-5 : rapidité de la ruine du cadet.

3. Péripéties l.5-11. Hyperboles, champ lexical de la misère et de la privation : l.5 « famine sévère », l.5-6 « manquer », l.8 « personne ne lui en donnait », l.9 « périr de faim ».

4. Élément de résolution l.12-17 : le père pardonne spontanément à son fils qui se repent. Antithèse avec la situation de manque précédente : champ lexical de l’abondance et du luxe.

5. Mais nouvel élément perturbateur : l.18-25 jalousie du frère aîné.

6. Situation Finale l.26-28 : morale.

Cette structure est renforcée par les répétitions : l.9-10 // l.11 (partir-aller // partir-venir) ; l.10-11 // l.13-14 ; l.16-17 // l.27-28 (2 formules parallèles) + l.15-16 et 20-25 (référence au veau gras).

L’expression de la faute, la « récompense » apparemment paradoxale de celle-ci et le pardon sont ainsi mis en valeur, au-delà de l’anecdote narrative.

De plus la répétition du verbe DIRE (9 occurrences l.1 (2 fois), 8, 10, 13, 14, 20, 22 et 26) traduit une certaine sobriété argumentative : il ne s’agit pas de raconter pour le plaisir de raconter, avec un « style » littéraire mais de convaincre le lecteur ou l’auditeur de la justesse de la parole de Dieu.

Les indices de l’allégorie sont nombreux :

le veau gras : sacrifice offert à Dieu dans l’Ancien Testament
l’anneau l.15 qui rappelle l’alliance avec Dieu
l.7 « revenant à lui » : il se ressaisit.
l.10 et 13 : majuscule à « père » qui désigne Dieu.
polysémie de « perdu » : au sens propre, on ne savait plus où il était ; au sens figuré, il s’était égaré sur une mauvaise voie, il est revenu dans le droit chemin (cf. l.21 : la « bonne santé » est d’abord spirituelle).
discours rapporté : c’est Jésus qui parle l.1 « il dit encore ».
aucun détail dans le récit : pas de prénom (ce sont simplement des rôles sociaux : le père, le fils aîné, le fils cadet) ; pas de nom de lieu ni de date (imprécision des repères spatio-temporels : l.2 « peu de jours après », l.3 « un pays lointain », l.6 « ce pays », l.6 « ses champs ») : cette histoire a une portée généralisante.

La parabole véhicule un enseignement qui doit être aisément perceptible. En conséquence, le récit et les personnages qui le composent présentent une caractérisation marquée, qui ne laisse place à aucune ambiguïté. Le récit se déploie de manière linéaire en quatre temps de longueur inégale. Le départ du fils et sa vie dissolue sont présentés en deux lignes, signe évident que là n’est pas l’enseignement à rechercher. La déchéance du fils et son repentir occupent en revanche une place beaucoup plus importante. La prise de conscience de son inconduite constitue véritablement le point de départ de la parabole, puisqu’elle va commander la réaction du père. Celle-ci, qui constitue le troisième temps du récit, en est aussi l’élément central : en pardonnant à son fils au lieu de le rejeter ou de lui faire des reproches comme on pourrait s’y attendre, le père illustre par son comportement l’enseignement de la parabole. Le quatrième moment du récit n’a qu’une fonction d’explicitation : le parallèle avec le fils qui est sagement resté à la maison familiale et ne comprend pas l’attitude de son père est destiné à en souligner la portée morale, sa fonction didactique est évidente.

II. Les enseignements de la parabole

Les personnages représentent des types de comportement : Le père est magnanime, bon, généreux. Le frère aîné se sent défavorisé : il estime n’avoir jamais rien eu de son père (l. 23-25 comparaison entre le veau gras, une pièce de choix, réservé au cadet, et le chevreau, une pièce beaucoup moins grosse et moins noble).

On remarque un contraste saisissant entre les deux situations : l.23-24 et 24-25 : le père a tout sacrifié pour celui qui était le moins méritant. Le fils aîné n’emploi pas d’euphémisme (l.24 // l.3-4) : il accuse directement son jeune frère d’être un prédateur sans scrupules.

La morale est mise en valeur par un jeu des pronoms personnels avec Chiasme (structure en miroir ABBA) : l.26 TOI MOI MOI TOI : insiste sur la valeur du partage ; relation fusionnelle père-fils aîné qui consiste à ne pas séparer leurs biens.

Dès lors, en se référant au contexte religieux, il est aisé de voir que le père représente Dieu, le fils prodigue est la « brebis égarée », le pécheur, et le fils aîné, le juste, celui qui suit les commandements et les préceptes de Dieu. L’enseignement de la parabole rejoint alors celui de bien d’autres textes du Nouveau Testament : au Dieu de colère se substitue le Dieu d’amour, au châtiment, le pardon. L ‘un des points essentiels de l’enseignement du Christ, par différence avec la tradition juive, réside en effet dans ce déplacement d’accent qui privilégie l’amour de Dieu pour ses créatures et valorise en conséquence l’idée de pardon. Le pécheur repenti apparaît alors comme aussi important, sinon plus, que le fidèle qui ne s’est pas écarté de Dieu, idée qui peut choquer une certaine conception de la justice. Si la parabole insiste sur l’attitude paradoxale du père et met en scène l’aîné, furieux de l’accueil réservé à son frère, c’est pour bien souligner le sens de ce comportement qui n’était pas dans les habitudes des auditeurs du Christ. C’est en songeant à la nouveauté que devait représenter pour eux cette partie de son enseignement que l’on peut mieux comprendre son insistance.

Cependant plusieurs morales peuvent être comprises :

1. Il faut que jeunesse se passe : l.1-2 impatience de la jeunesse qui veut profiter de la vie très rapidement. On peut lire la parabole comme le désir d’émancipation du fils qui doit, pour s’affirmer, quitter le domicile paternel et aller vivre sa propre expérience, quitte ensuite à y revenir « plein d’usage et raison ». Le père ne s’oppose pas à cette expérience car il sait qu’on apprend de ses erreurs.

2. Il faut savoir pardonner.

3. Les derniers seront les premiers (morale chrétienne).

En fait le texte montre que les relations père-fils sont faites d’amour réciproque, d’attentes et de rivalité.

Conclusion

Ce récit est celui d’une véritable « résurrection » qu’on peut croire physique à la première lecture, mais qui est surtout une renaissance morale et spirituelle. En ce sens, le pardon accordé au pécheur constitue une caractéristique majeure de l’enseignement de Jésus et rompt avec l’image d’un dieu vengeur véhiculée dans l’Ancien Testament.

Du même auteur Saint Luc, Évangile, Chapitre 14, Étude d'un Extrait, Paraboles sur le repas Saint Luc, Évangile, Section IV, 16,19,31 vers 70, l'Homme riche et lazare

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