Molière

Molière, Dom Juan, Acte V, Scène 2, La Défense de l’Hypocrisie

Introduction

Molière, après des débuts difficiles, reçoit la protection du Roi. Il réalise des satires violentes de la société dans laquelle il vit, ce qui gêne certaines personnes et plus particulièrement les dévots, dont il dénonce l’hypocrisie : c’est dans ce contexte qu’il rédige « Tartuffe« . Mais cette pièce fait scandale, et est interdite. Molière n’a alors plus aucune pièce de ses compositions à présenter dans son théâtre du Palais Royal. Il décide alors de reprendre une pièce espagnole de Tirso de Molina. Il l’écrit en trois semaines afin de pouvoir donner du travail à ses comédiens. Même s’il ne change ni l’intrigue ni les personnages, il arrive tout de même à donner un caractère particulier, original et moderne à sa reprise. La réaction est immédiate et violente : la pièce, pourtant prudemment censurée par Molière lui-même dès sa deuxième représentation, disparaît de l’affichage dès sa quinzième représentation.

Nous étudierons la scène 2 de l’acte V. Au début de l’acte V, Don Juan annonce à son père sa conversion et son repentir ; le vieillard, attendri, s’en réjouit. Mais après son départ, il détrompe Sganarelle qui se réjouissait de l’attitude de son maître et fait l’éloge de l’hypocrisie qui lui permet d’être libertin en tout impunité.

I. Un éloge paradoxal de l’hypocrisie

Tout le long de la tirade, on note de nombreux modalisateurs de temps : « à la mode, aujourd’hui, maintenant » associés à l’indicatif présent, qui a valeur de vérité générale. Don Juan justifie donc l’hypocrisie par la mode – comme étant d’actualité.

Cet éloge de l’hypocrisie est mis en relief par l’usage de tournures impersonnelles simulant un discours moral. En effet, Don Juan a recours à des structures impersonnelles : « il n’y a », « on » : il généralise ainsi sa perception de l’hypocrisie, et ne fait pas de cas particulier.

Le lexique est très porté sur la morale, nous citerons : « hypocrisie, honte, vice, vertu, homme de bien ». Celui-ci montre bien que le débat est porté sur la morale.

Par l’utilisation d’un ton appréciatif et mélioratif, avec notamment les hyperboles « meilleur de tous » ou « merveilleux avantages », mais aussi avec l’assimilation de l’hypocrisie à la vertu « tous les vices à la mode passent par la vertu », « toujours respectée », « on n’ose rien dire contre elle », « vice privilégié », « impunité souveraine », il fait l’éloge de ce vice et de son efficacité.

On note aussi le champ lexical du métier : « la profession », « personnage », « jouer », « un art », « imposture », « grimaces », « grimaciers », « stratagèmes », « sous cet habit ». Don Juan présente donc l’hypocrisie comme un véritable jeu, un art de vivre.

On remarque également le jeu des figures de rhétorique, avec par exemple la métaphore de l’hypocrisie qui « de sa main, ferme la bouche à tout le monde ». Ces évocations concrètes contribuent à l’efficacité de sa parole et cherchent à convaincre Sganarelle et le spectateur de la justesse de ses idées.

Enfin, l’utilisation de formules sentencieuses « qui en choque un, se les jette tous sur les bras », accentuent la portée de sa démonstration.

II. Don Juan : défenseur hypocrite de la foi pour continuer son libertinage

Don juan use d’une question oratoire associée à un exemple personnel pour montrer comment il veut se servir de l’hypocrisie : « combien crois-tu que j’en connaisse ? ». Il se justifie ici par le nombre. Il part d’un constat : il parle de manière générale, utilisation de la troisième personne du pluriel « ils » pour désigner les dévots qui se cachent derrière une fausse humilité : « quelques baissements de tête, soupir mortifié, roulement d’yeux ». Mais en fait, c’est ce qu’il veut appliquer à sa propre personne. On note ainsi l’opposition entre ce que Don Juan est réellement et ce qu’il veut paraître aux yeux de la société.

Don Juan triche sur ce qu’il est : « bouclier du manteau de la religion », « sous cet habit respecté » : il veut dissimuler ce qu’il est vraiment, et changer d’habit, comme si celui-ci faisait le moine.

Apparaissent alors le pronom personnel « je » et le pronom tonique « moi » : Don Juan quitte alors la généralisation pour appliquer l’hypocrisie à sa propre personne, et révèle ses véritables sentiments envers la religion et l’hypocrisie.

On note également le champ lexical du mensonge : « grimace, dupe, singe, intrigue, stratagème ».

Don Juan veut mentir pour se protéger, ce qui se note par le champ lexical de la sécurité : « Cet abri favorable, me sauver, mettre en sûreté mes affaires ».

On remarque que ce changement se justifie par la prudence vis-à-vis de la société.

Du présent, on passe alors au futur. Ce changement met en évidence le caractère certain de ce faux changement : Don Juan a décidé d’adopter cette attitude pour le reste de son temps.

On note le « Mais » qui marque l’opposition : Il ne changera pas ses « douces habitudes », il veut continuer le libertinage « faire tout ce que je voudrai », sous le couvert de la fausse dévotion : « cacher, petit bruit, je serai défendu ».

Don Juan revendique ouvertement l’exercice de l’hypocrisie et se révèle de plus en plus méchant, cynique, et détestable : Il veut se retourner contre la société qu’il méprise et haït : « censeur, jugerai mal, n’aurai bonne opinion que de moi ».

Conclusion

Dans cette tirade de Don Juan, l’hypocrisie devient la dernière, c’est-à-dire la plus lourde des fautes du séducteur : elle marque le véritable endurcissement de Don Juan. Finalement, avec la scène 6 arrive la punition, lors de laquelle Don Juan, ferme dans ses convictions, s’en ira en enfer guidé par le spectre.

L’enjeu de cette scène tient dans la dualité de la parole de Don Juan : condamnable parce que cynique, elle porte en même temps une profonde critique du monde. En effet, la confidence de Don Juan travesti en parfait hypocrite offre à Molière l’occasion rêvée d’une violente satire des mœurs et de la fausse dévotion, et règle ainsi ses comptes avec les dévots qui ont fait interdire sa pièce « Tartuffe« .

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