Giraudoux, Electre, Acte II, Scène 1
Introduction
Présentation d’Electre : tragédie suivant le modèle Grec, à la montée du fascisme.
Acte I : Electre a reconnu Oreste comme son frère. A la fin, Electre et Oreste sont prêts à la vengeance. Monologue du mendiant : il veille sur eux.
Entre l’acte I et l’acte II : le lamento du jardinier : on évacue la question du mariage et on se tourne vers la vengeance dans l’acte II.
Acte II scène 1 : avant l’aube ; le mendiant a annoncé qu’Electre allait lutter pour la vérité ; le spectateur attend cette lutte = une scène en dehors de l’action, tout le monde attend.
I. Scène en retrait de l’action
A. Incertitudes
Dans le moment :
« peu avant le jour », « un coq » = incertitudes sur la luminosité nuit/jour.
Discours du mendiant : il définit le jour comme une bonne et une mauvaise chose :
– Bonne chose pour les animaux : « ceux-là savent partir » ligne 1868.
– Mauvaise chose pour les hommes : « ce sont de mauvais départs » ligne 1867.
Dans les personnages :
Electre pose une question, elle ne sait pas quoi faire ligne 1829 « je le réveille ? ».
Entre mendiant et Electre : pensées opposées sur la vie :
– Mendiant pense que vie = cadeau « c’est sa vraie vie » ligne 1845.
– Electre pense que vie = « pauvre cadeau » ligne 1832.
Mouvements contraires des personnages : on oscille entre mouvement et immobilité dans les propos des personnages :
– Champ lexical du mouvement : « partis, départ, surgit, bond, galop,… ».
– Champ lexical de l’immobilité : « dormir, sommeil ».
– Propos ambigus : « Il tombe mal » ligne 1851, « il va se réveiller sur l’épouvante » ligne 1856, « puisque tu as le choix » ligne 1858.
B. Modalités du dialogue
Sujets du dialogue montrent l’inaction : discussion sur le jour ou lumière = discussion linguistique = on fait de la poétique.
Les sujets abordés ne portent pas à l’action car se sont des sujets de réflexion sur le comportement humain et animal : vocabulaire de la joie, des animaux, de la vie de tous les jours, de la notion de vérité.
Enchaînement des répliques :
– Reprise de mots : « je le réveille » ligne 1829-30, « vraie vie » ligne 1844-45.
– Par analogie avec la vie d’un insecte.
– Par des mots de logique : « puisque » ligne 1854, « d’autant qui, puisque » ligne 1858.
II. Signification de la scène
A. Relation entre les interlocuteurs
Première fois qu’Electre et le mendiant se parlent alors qu’ils ont déjà été ensemble. C’est un échange à la fois courtois et familier, ils restent assez calmes et se tutoient : « dis moi tout » ligne 1846.
Les personnages ont des statuts différents : Electre est de sang royal et son rôle dans la tragédie est important ; le mendiant a un rang très inférieur à Electre, non classé, il a peu d’importance dans l’action de la pièce mais on sait qu’il a un statut à part, il n’est pas comme les autres. Les personnage inversent leur rôle en cours de scène : au début, Electre semble dominer ligne 1824 « non, je veux » et le mendiant pose des questions ligne 1823 ; les rôles s’inversent ligne 1829, c’est le mendiant qui répond ligne 1874.
B. Mendiant
Est-ce un vagabond ? vocabulaire de la nature : flore et faune lignes 1858 à 1875. Il connaît tout ce qui n’est pas humain.
Un sage : il semble avoir des réponses ligne 1861 « c’est cela qui serait d’une jeune fille ». Il donne des réponses énigmatiques. Il prépare Electre à l’action : il lui donne le sens du mot vérité par rapport au mot aurore ligne 1860. Electre prend cela pour une leçon. ligne 1876 : « goujon, abeille ». Le mendiant invite le spectateur à la même démarche : nature = vie, il faut trouver dans la nature nos leçons de vie. La vérité des rossignols est la vérité de l’amour = sens figuré, les deux personnages qui l’entendent sont les deux amoureux = Agathe + jeune homme : Le spectateur est sollicité pour construire le sens de la tragédie.
Le mendiant est aussi un intermédiaire entre les Dieux et les hommes. Giraudoux reprend ce rôle : le mendiant sait tout. Par le langage soutenu qui n’est pas celui d’un mendiant : « cacochyme » ligne 1835 et « morganatique » ligne 1838. Il comprend les allusions d’Electre sans les lui faire expliquer « oui, il ne tombe pas très bien » ligne 1852. Il comprend les hommes ligne 1863 … « la vérité des hommes colle trop à leurs habitudes » + anachronismes « grève, ouvrier » + langage de la vie quotidienne. Il comprend la nature, l’univers ligne 1868 « moi je suis habitué aux animaux » et il comprend le sens caché de l’univers, il fait établir une relation entre les deux mondes qui sont la nature et l’homme.
Conclusion
Une scène hors de l’action qui a une dimension exceptionnelle :
– Elle met en valeur l’action à venir.
– Elle propose des éléments d’interprétation.
– Elle éclaire le rôle dramatique et symbolique du mendiant.