Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, Acte II, Scène I
Introduction
Figaro, le valet du comte, veut épouser Suzanne. Leur projet est malheureusement voué à l’échec car le Comte a décidé de faire de Suzanne sa maîtresse. Cette décision remet ainsi en cause deux faits :
– il trompe sa femme
– il remet en cause ses engagements concernant le droit du seigneur qu’il avait officiellement aboli
Dans cette scène, Suzanne et la Comtesse se retrouve. Après un bref récapitulatif de l’acte I, la Comtesse expose ses sentiments, ses doutes et ses chagrins. C’est une nouvelle manière de comprendre le personnage.
Par cette scène, une nouvelle complicité s’installe avec la mise en place d’un duo féminin, nécessaire au dénouement de la pièce.
Axe 1 : Un duo féminin
1. Une relation classique du 18ème siècle
La relation entretenus entre les deux femmes s’illustre dans un premier temps sous une forme classique du siècle des lumières, sous une forme que l’on pourrait qualifier de conventionnelles avec :
– une supériorité hiérarchique de la Comtesse sur sa servante
– une hiérarchie sociale (« Madame »(l.3), « Monseigneur »(l.5)« sa servante » (l.5)
Mais elle voit l’apparition d’un nouveau sentiment chez la Comtesse qui se remet en doute, en remettant en cause son propre rang au sein de l’entreprise dans laquelle Beaumarchais expose ses personnages. Les deux femmes sont du point de vue de l’intrigue au même niveau. Il y a une forme d’égalité sociale qui est revendiquée.
La conversation est menée par la Comtesse, celle-ci cherche à élucider certains mystères par l’intermédiaire de Suzanne:
« conte-moi » (l.2), « mon époux à fini par te dire ?… » (l.28-29).
Les rôles restent toutefois classique à la hiérarchie et au genre théâtrale.
Suzanne, même si fidèle à sa maîtresse, conserve les caractéristiques typiques de son rôle (servante/valet) par sa répartie et son espièglerie.
Elle obtient la confiance de sa maîtresse en avouant certains faits tel que la scène avec Chérubin (celle du ruban) et montre ainsi sa fidélité: « j’ai voulu le lui ôter » (l.20).
Mais son côté manipulateur s’illustre par le jeu qu’elle entretient avec sa maîtresse en dramatisant la situation de la scène du ruban afin de s’approprier les meilleurs sentiments de la Comtesse « c’était un lion : ses yeux brillaient » (l.20-21).
2. Une relation originale et affective
La relation qu’entretiennent les deux femmes, même si supportée par l’ordre social établi entre ces deux dernières, se montre très complice voir même amicale.
Une certaine alliance voit alors le jour au cours de cette scène. On distingue donc:
– de l’affection: « Ma pauvre Suzon » (l.29)
– du respect
– de la confiance : « Conte-moi tout dans le plus grand détail »
– une situation intime : « ferme la porte » (l.1), « je n’ai rien à caché à Madame »
Axe 2 : La Comtesse
1. Un dilemme
Plusieurs émotions et sentiments envahissent la comtesse face à l’amour qu’elle peut porter envers son mari et l’attachement évoqué envers Chérubin, véritable révélation au cours de cette scène. Ces deux remarques se distinguent par le champ lexical de l’amour, des didascalies et de nombreuses exclamations.
La Comtesse se voit ainsi fataliste, réaliste et culpabilise en évoquant le Comte d’Almaviva: « Les hommes sont bien coupables » (l.47), « Comme tous les maris » (l.35), « Il ne m’aime plus du tout » (l.33).
Elle évoque sa relation comme un fait passé et se dit « lassé » (l.36) et « fatigué » (l.37).
Le personnage de Chérubin semble considérablement influé sur les émotions de la comtesse. Cette dernière se montre pudique mais trompé par son comportement (points de suspensions qui exposent implicitement sa jalousie envers Suzanne lorsque cette dernière lui évoque les tentatives de Chérubin pour l’embrasser).
D’autre part, la conversation est orienté vers Chérubin sous l’impulsion de la Comtesse elle-même.
2. Des sentiments profonds et pudique
– La comtesse est blessé et touché par le comportement de son mari qui la trompe, et porte un intérêt réel envers Chérubin.
Ces deux faits s’exposent par une certain pudeur envers les sentiments qu’elle se refuse d’avouer (points de suspension, exclamation, champ lexical de l’amour..)
Conclusion
Une complicité assez forte entre la Comtesse et Suzanne se met en place pour mieux affronter les projets du Comte. Une complicité typique du siècle des lumières, conventionnelle mais qui apporte beaucoup au dénouement de la pièce que ce soit par les sentiments de la comtesse que par le rapprochement entre les deux protagonistes.
Beaumarchais suggère sans tout révéler ce qui témoigne de son talent de dramaturge. Poussé par sa curiosité, le spectateur est ainsi projeté dans la suite de la pièce.