Shakespeare, Hamlet, Acte III, Scène 1, Le monologue d’Hamlet
Texte étudié
HAMLET. – Être, ou ne pas être, c’est là la question. Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou bien à s’armer contre une mer de douleurs et à l’arrêter par une révolte ?. Mourir… dormir, rien de plus ;… et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux maux du cœur et aux mille tortures naturelles qui sont le legs de la chair : c’est là un dénouement qu’on doit souhaiter avec ferveur. Mourir… dormir, dormir ! peut-être rêver ! Oui, là
est l’embarras. Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la mort, quand nous sommes débarrassés de l’étreinte de cette vie ?. Voilà qui doit nous arrêter. C’est cette réflexion-là qui nous vaut la calamité d’une si longue existence. Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations, et les dédains du monde, l’injure de l’oppresseur, l’humiliation de la pauvreté, les angoisses de l’amour méprisé, les lenteurs de la loi, l’insolence du pouvoir, et les rebuffades que le mérite résigné reçoit d’hommes indignes, s’il pouvait en être quitte avec un simple poinçon ?. Qui voudrait porter ces fardeaux, grogner et suer sous une vie accablante, si la crainte de quelque chose après la mort, de cette région inexplorée, d’où nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté, et ne nous faisait supporter les maux que nous avons par peur de nous lancer dans ceux que nous ne connaissons pas ?. Ainsi la conscience fait de nous tous des lâches ; ainsi les couleurs natives de la résolution blêmissent sous les pâles reflets de la pensée ; ainsi les entreprises les plus énergiques et les plus importantes se détournent de leur cours, à cette idée, et perdent le nom d’action…
Shakespeare, Hamlet, Acte III scène 1, Le monologue d’Hamlet
Introduction
Le texte se situe à l’acte III scène 1. Être ou ne pas être, c’est une méditation sur la vie et sur la mort. On sait qu’il y a « quelque chose de pourri au royaume du Danemark ». Le roi Hamlet est mort. Gertrude s’est remariée avec Claudius, Hamlet a appris que c’est Claudius qui a tué son père. Il ne sait comment agir. Il fait face à un dilemme. Son comportement change alors et son entourage devient inquiet pour lui.
On ne connait alors pas le problème d’Hamlet, et on pense qu’il est fou d’amour pour Ophélie. Polonius et Claudius deviennent les espions légitimes. Ils organisent une rencontre entre Ophélie et Hamlet puis ils se cachent.
C’est un faux monologue : Le personnage se croit seul mais le spectateur sait qu’il ne l’est pas. Cela intensifie l’action. Cependant, il y a une certaine méfiance et une maîtrise du langage telle qu’il ne peut pas réfléchir ainsi tout seul. Hamlet a besoin de temps pour réfléchir. Le dilemme est « être ou ne pas être ». Il ne sait pas quoi faire et porte une réflexion sur le suicide.
Première partie : « être, … rêver » : Être, ne pas être, dormir, rêver.
« Être, ou ne pas être, c’est là la question » : Problème au choix, vivre ou se suicider. C’est vraisemblable car Hamlet subit une grande tension. Le suicide mettrait alors fin à une vie insupportable.
« Ne pas être » : Il peut mettre fin à sa solitude et éviter de tuer son oncle. Dans sa situation, il ne comprend pas pourquoi il hésite.
être = « subir la fronde » : Ce monologue est fait pour qu’il comprenne. Il utilise des métaphores. Hamlet pense qu’on subit sa vie.
« Ne pas être » = « s’armer contre » : Pour mourir, il pense qu’on agit et qu’on prend son destin en main. Hamlet veut se suicider. (être : allitérations en [f] = fuite de la vie; ne pas être : allitérations en [r] = réaction pour choisir sa vie).
« Mourir » : glissement proche de l’euphémisme : « Mourir… Dormir, rien de plus » (idée rassurante de la mort).
Lignes 69/70 : avantage : La mort enlève les souffrances de la vie.
« nous » : Généralisation : il parle de tous les hommes et pas seulement de lui.
« dénouement » : Pour Hamlet, vivre c’est mourir :
– connotation théâtrale : la vie est une pièce de théâtre.
– la mort est la fin d’une crise.
« peut-être rêver » : Cela le fait s’interroger sur la nature de ses rêves (la mort n’est plus l’oubli total de la vie).
Deuxième partie : « ou … pas ». La crainte de quelque chose après la mort.
Hamlet réfléchit à voix haute.
Lignes 73/74 : Phrase de transition : Elle récapitule la première partie. C’est la preuve qu’Hamlet n’est pas fou.
Ligne 76 : Formulation de l’aboutissement de son raisonnement : Il énonce une affirmation et ensuite il l’énonce avec des images.
Lignes 77 à 82 : Énumération des malheurs. Ce sont les raisons de se tuer.
Hamlet n’est donc pas concerné mais il parle pour tous les hommes, car pour eux ce sont de bonnes raisons. Pour Hamlet, la vie est un fardeau.
Lignes 86/87 : La mort, c’est l’inconnu, personne n’en revient (aspect effrayant). De plus, Hamlet a eu un terrifiant témoignage de la mort de son père. Cette crainte aboutit à l’affirmation …
Ligne 87/88/89 : … C’est la réponse : « On ne meurt pas ».
La mort n’est ni un espoir, ni un soulagement, ni une solution comme il l’aurait voulu.
Troisième partie : « Ainsi … action ». La conscience fait de nous des lâches.
« ainsi » : revient trois fois. Le raisonnement se conclut donc logiquement. Il y a trois temps :
– Ligne 89 : vérité générale : la conscience de la mort fait de nous des lâches, car on ne réagit pas, on subit sa vie.
– Ligne 90 : « les couleurs natives de la résolution » : Son envie de mourir a diminué au cours du texte. C’est une métaphore.
– Ligne 91 : répétition de la même idée pour la troisième fois : « les entreprises (= se suicider) se détournent (=subir sa vie) ».
Conclusion
A la fin de ce monologue, Hamlet choisit de vivre. Mais alors que va t-il faire ? Il ne fait pas avancer l’action par son monologue. Au début, il y a un espoir de solution pour son dilemme, mais à la fin son problème reste entier. Pour éviter d’avoir à tuer Claudius, il choisit de feindre la folie (On peut se réfugier dans un autre monde pour éviter ses problèmes). A la fin, Hamlet va t-il sombrer dans la folie? On ressent une certaine inquiétude lorsqu’il parle ensuite avec Ophélie, par son attitude ambigüe.
Ouverture sur Hamlet. Shakespeare a créé plus de 900 personnages. Les plus connus universellement sont ceux d’Hamlet. Ce sont des personnages fictifs mais proches de la réalité. Hamlet est le personnage le plus connu et le plus controversé. Quels motifs le font agir ? On ne sait pas ce qu’il va faire. Sur 1,200 vers, il en dit plus du tiers. C’est le personnage le plus important. Quand il n’est pas là on parle de lui. C’est celui qui réfléchit le plus. Il généralise ses propos et intellectualise tous les problèmes. Hamlet a cette supériorité et en plus, il se moque de tout le monde. C’est un révolté. Il est indigné par la frivolité des femmes, l’injustice, la sottise.
Le monologue se termine par l’arrivée d’Ophélie. Vus les propos d’Hamlet, on se demande s’il n’y a pas un peu de folie. Il y a beaucoup de contradictions (« je vous aimais », « je ne vous aimais pas »). Sa folie n’est pas amoureuse. Alors de quelle nature est-elle ? Ophélie sert de cible à Hamlet pour condamner toutes les femmes. Hamlet parle, Ophélie agit.