Voltaire, Candide, Chapitre 14, Début du chapitre, [Début] … sa révérence
Introduction
Sitôt débarqués à Buenos Aires, Candide et Cunégonde doivent se séparer car cette dernière est l’objet des assiduités du gouverneur. Le valet Cacambo devient le nouveau compagnon d’errance de Candide, et c’est lui qui conduit son maître aux territoires que les pères jésuites se sont appropriés par les armes au Paraguai.
Enjeu : Dans ce début de chapitre, Voltaire nous fait découvrir le personnage de Cacambo, valet digne d’un roman pittoresque et qui prend le relais de la vieille auprès de Candide. Il dénonce le comportement scandaleux des jésuites en Amérique du Sud.
I. Candide avait… disait Candide
Opposition entre un valet plein d’initiative et de bon sens et un maître naïf et irrésolu.
1. Cacambo
C’est un déraciné : il n’appartient ni à une race ni à une société déterminée (c’est un « quarteron ») mais il a de l’expérience (longue énumération de ses divers métiers). Il est donc débrouillard et réaliste.
Il prend son maître en charge, le pousse à agir : cela se note par les verbes d’action à l’impératif : « allons », « suivons », « partons », « courons » (gradation), et par la reprise de « courons » dans la réplique suivante.
Il est misogyne : « elle deviendra ce qu’elle pourra » en parlant de Cunégonde.
2. Candide
Il est toujours tourné vers le passé (contrairement à Cacambo qui lui conseille de ne pas regarder en arrière).
Il est naïf et touchant :
Sens ironique de « nos » (dans « nos noces »). Le gouverneur veut épouser Cunégonde alors que Candide croit que le gouverneur veut faire leurs noces.
Il pleure et répète le nom de Cunégonde.
Il est en plein désarroi, ce qui est marqué par la triple interrogation : « où me mènes-tu… ».
Candide est donc mené, par les hommes et par les événements.
II. Par Saint-Jacques de Compostelle… l’exercice bulgare
Un valet opportuniste et aventurier fait découvrir à Candide les jésuites du Paraguai.
1. Le projet de Cacambo
Cacambo propose tout simplement à Candide de devenir mercenaire, car au Paraguai, les jésuites enrôlaient de véritables armées et commandaient de très nombreux indigènes.
Le terme « royaume » fait allusion au bruit qui courait selon lequel un père jésuite avait été élu roi sous le nom de Nicolas 1er.
Ironie du terme « charmés » dont le caractère mondain s’oppose à ce que nous savons depuis le chapitre des pratiques de l’enrôlement.
Réalisme des opportunistes de Cacambo :
Il promet la gloire de Candide.
Il n’attache aucune importance à l’engagement d’un côté ou d’un autre, ce qui est mis en évidence par le parallélisme de la phrase.
Seule l’aventure compte : « quand on n’a pas … autre ».
2. Récit de Cacambo et dénonciation des pratiques jésuites
Par l’utilisation du terme « royaume », Voltaire semble donner raison à ceux qui prétendaient qu’un père jésuite avait été élu roi sous Nicolas 1er. Le terme « déjà » insiste sur le fait que le pouvoir va encore s’accroître, et que rien ne peut réduire cette expansion.
Antiphrase ironique : « C’est le chef-d’oeuvre de la raison et de la justice ».
Le fait que les hommes d’église fassent la guerre aux rois est une contradiction de la doctrine chrétienne.
Rapprochement ironique entre « tuent » et « envoient au ciel » : un meurtrier est différent d’un chef spirituel.
3. La conclusion de Cacambo, son approbation devant les actes de Los Padres confirme son caractère sans scrupule
Vocabulaire de la satisfaction : « ravit », « heureux », « plaisir ».
Leitmotiv de l’expérience bulgare (donc de la cruauté).
« avançons » : Cacambo est le moteur de cette expédition.
III. « Dès qu’ils furent arrivés… dans le pays » : une organisation militaire et efficace
1. Une organisation militaire
« Monseigneur le commandant » : réunion de deux termes appartenant à des hiérarchies différentes (religieuse et militaire).
Il y a toute une organisation qui entoure les jésuites (« garde avancée », « grande garde ») ce qui souligne leur manque d’humilité.
Exagération du respect de la garde qui se prosterne : « aux pieds ».
Description du costume du commandant qui met en évidence le double statut de Los Padres :
« le bonnet à trois cornes » : signe distinctif des jésuites.
« la robe retroussée », « l’épée », « l’esponton » : caractéristiques des soldats.
Voltaire les tourne donc en ridicule.
2. Une protection efficace
Candide et Cacambo à peine arrivés sont dépossédés brutalement de leurs biens (« on se saisit ») : peur, méfiance des jésuites, et sont traités en ennemis (« 24 soldats »).
La déclaration du sergent au style indirect donne l’impression qu’il récite une leçon.
« Le Révérend père » désigne le commandant : mélange de deux ordres.
Conclusion
Dans ce chapitre, Voltaire montre le manque d’humilité des jésuites amoureux du luxe et des biens matériels, et qui ne cessent de confondre le spirituel et le terrestre. Cet épisode est une parodie du roman d’aventure : l’effet de surprise se mêle à l’effet du burlesque. Le monde d’expression de Cacambo, inattendu chez un valet, participe au burlesque.