Voltaire

Voltaire, Candide, Chapitre 5, La moitié des passagers…planche

Introduction

Recueilli en Hollande par l’anabaptiste Jacques, Candide y retrouve Panglos atteint de la petite vérole transmise par Paquette. Panglos est lui aussi recueilli par Jacques. Tous les trois doivent se rendre à Lisbonne pour les affaires de commerce de l’anabaptiste. Mais soudain, une tempête éclate.

Enjeu : Le texte est l’occasion pour Voltaire de présenter un récit plus ou moins parodique des descriptions traditionnelles de tempête. C’est aussi pour lui le moyen d’exprimer de façon plaisante son opinion quant à l’absurdité du destin, et dès lors quant aux caractères vains de l’optimisme.

I. La moitié des passagers… regarder

Le récit insiste sur un atmosphère de catastrophe :

En multipliant les termes comme « expirants », « angoisses », « danger », « cris ».
Ce qui apparaît dans ces circonstances, c’est la diversité des réactions humaines face à l’adversité, ce que révèle la construction symétrique : « la moitié … l’autre moitié », qui est soulignée par l’asyndète des deux premières phrases.
Les termes « angoisses » et « inconcevables » renforcent l’aspect dramatique. Tous sont prisonniers du bateau et il y a un atmosphère d’étouffement. Le terme « inconcevable » insiste sur le caractère exceptionnel du moment.
La faiblesse des uns est d’ordre médical : « nerfs » et « corps » (mal de mer) et pour les autres le malaise se manifeste par des « cris » et « prières ».
Comme dans les récits traditionnels (tempête de l’Odyssée et de l’Enéide), Voltaire ponctue l’épisode d’éléments pittoresques : « mâts brisés », « vaisseau entrouvert », « voiles déchirés » : absence de liaison et de l’auxiliaire être à la fin de l’énumération. Il rejette tout détail superflu (économie narrative). On obtient un rythme saccadé et un vocabulaire technique.
Le désordre général dû à l’agitation provient du roulement du bateau.

II. Travaillait… commandait

Formule lapidaire qui souligne l’inefficacité des mouvements. L’inversion du sujet souligne que toutes les actions sont faîtes à l’encontre de ce qu’il faudrait faire.

III. L’anabaptiste… première

Caractère vain de toutes les tentatives. Les verbes sont à l’imparfait au début. Ces imparfaits de durée montrent que l’anarchie dure. Ils contrastent avec les présents de narration et le passé simple de la scène théâtrale qui suit :

Présent de narration : « frappe » indique l’entrée en scène du matelot.
Cette scène souligne le caractère actif de Jacques même si « un peu » souligne quant à lui le caractère vain de toute entreprise.
Antithèse du matelot et de l’anabaptiste : deux adjectifs sont utilisés pour caractériser le matelot de façon négative : « furieux » et « violent ».
Succession mécanique de faits, de péripéties plus ou moins incohérentes. Les gestes sont saccadés, désordonnés, les allitérations en [f] et en [r] suggèrent que la tension est en train de monter.

Scène tragi-comique que l’on pourrait résumer en « Tel est pris qui voulait prendre ».

IV. Il restait suspendu… rompu

Par sa position, le matelot semble puni de son attitude mais…

V. Le bon Jacques… le regarder

Tout se passe d’une façon rapide et l’expression « abrupte » souligne l’absurdité du destin.
La phrase met en relief la méchanceté de l’homme (La nature humaine est foncièrement méchante). Contradiction entre les actions secourables de Jacques (« secours », « l’aide », « l’effort ») et la réaction du matelot (« laissa », « sans daigner »). D’un mouvement vers le bas est suivi un déplacement vers le haut, mouvement de chute qui préfigure la noyade de tous les passagers.
L’adverbe « seulement » montre combien Voltaire récuse cette violence.

Conclusion de la partie
Elle se divise en 3 sous-parties :

Description générale du désordre.
Focalisation sur une scène particulière : l’anabaptiste cherche à sauver le matelot, mais celui-ci, au lieu de l’aider à son tour provoque sa mort.
Dénonciation de l’absurdité du destin : le bon est puni, le mauvais est sauvé.

VI. Candide… noyât

Candide manifeste une générosité spontanée. Mais en montrant sa réaction spontanée, Voltaire fait une satire des âmes sensibles, impulsives.
Panglos est raillé pour ses théories absurdes (son désir de tout justifier même l’injustifiable).

VII. Tandis qu’il… planche

Coup de théâtre qui dément l’optimisme de Panglos : l’évocation du chaos se clôt dans une mort généralisée.

Les trois rescapés sont Candide, Martin et le matelot : encore une fois, le coquin s’en réchappe.
Voltaire montre combien il est choqué par la brutalité du sort et son incohérence :
« heureusement » montre l’ironie de Voltaire dont le récit n’est qu’apparemment détaché. Les trois rescapés sont : un criminel, un sot et un naïf, preuve de l’injustice du sort.
Intervention du hasard : Candide et Panglos sont sauvés sur une planche providentielle. Cette « planche de salut » est mise en valeur car c’est le dernier mot du paragraphe. Ainsi la fin n’est pas totalement catastrophique. L’homme est un fétu de paille baladé par les événements. On peut voir ici une parodie de la Genèse : la planche correspond à l’arche protectrice.

Conclusion

Voltaire s’attaque à la théorie de l’optimisme qui se trouve réduite à une simple planche. Il met en évidence la fragilité et l’incertitude des choses humaines et souligne l’image de l’homme, jouet du destin (le passif du dernier verbe est éloquent). Cette scène est un prétexte pour Voltaire : il parvient à donner une leçon par l’animation d’un récit, un style burlesque et des procédés qui sont tragi-comiques.

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