Voltaire, L’Ingénu, Chapitre 5, Le mariage impossible
Introduction
Cet extrait du chapitre 5 de L’Ingénu, conte philosophique écrit par Voltaire en 1767 mais dont l’action se déroule en 1689 sous le règne de Louis XVI. L’Ingénu est un Huron en voyage en France dont les questions naïves permettent à Voltaire de faire la satire de la société monarchique.
Dans cet extrait, il est question de l’avenir du Huron. En effet, à peine arrivé, il a été reconnu et adopté par la famille d’un ecclésiastique. Monsieur de Kerkabon s’est empressé de le baptiser. Devant les réticences de l’Ingénu, on lui a choisi pour marraine : une jeune femme noble, Mademoiselle de Saint-Yves dont il est amoureux. Il vient d’ailleurs de lui demander sa main, et elle a accepté. Il reste à obtenir l’accord des familles. Nous allons voir comment Voltaire utilise une péripétie romanesque pour en réalité s’attaquer à la religion. Nous verrons d’abord les personnages en présence et ensuite ce que nous dit Voltaire dans la double énonciation.
I. Les personnages en présence : de l’entente au malentendu et à la mésentente
Une amicale réunion de famille :
– l’entente règne.
– que va devenir l’Ingénu ? Selon Kerkabon, il faut assurer son avenir, il faut qu’il soit Bas-Breton, Chrétien et ecclésiastique. Selon l’Ingénu, « je serais heureux si j’épouse Mademoiselle de Saint-Yves ».
Le malentendu :
– réaction de Kerkabon : « eh, que me dites vous, Hélas, c’est impossible ».
– l’Ingénu rassure : « si si, j’ai obtenu son consentement ». Il n’imagine pas d’autre obstacle, cela est possible.
La mésentente :
– cela n’est pas possible, il est interdit.
– révolte de l’Ingénu : « Morbleu, vous vous moquez de moi », « je me passerai de votre accord ».
Pour finir, le prieur est dans l’embarras, Kerkabon en pleurs.
II. La double énonciation : que nous dit Voltaire ?
Il nous donne une image très négative de la religion.
La vénalité des charges ecclésiastiques : manque de vocation des prêtres, il n’est question que d’argent, jamais de foi ni de religion. L’Ingénu est prêt à se débaptiser, sa vocation n’est pas évidente ! Pourtant on envisage de le faire entrer dans les ordres.
Malhonnêteté de Kerkabon et de Saint-Yves : « on me prive de la belle de Saint-Yves sous prétexte de mon baptême », ils savaient en lui donnant cette marraine que cela excluait un futur mariage, ils ne lui disent qu’après ! La religion est vécue ici par l’Ingénu comme un piège, les prêtres sont des fourbes.
Un dogmatisme sans fondement : Kerkabon lui répète que c’est impossible et que ce n’est pas permis. Les lois s’y opposent et c’est un pêché épouvantable. Mais l’Ingénu se demande où est- ce que cela est écrit. Et il oppose une loi arbitraire avec une loi naturelle ainsi que le faite qu’elle soit sa marraine mais qu’elle est également jeune et jolie.
Conclusion
Il est impossible d’être « chrétiennement heureux », la conclusion du conte le confirme ! C’est en écartant les conseils immoraux d’un confesseur que Saint-Yves acceptera se donner à un autre homme. Torturée par les remords, elle en meurt.
Voltaire se sert de la trame romanesque pour faire réfléchir le lecteur tout en le divertissant, ce qui est le propre de tout apologue.