Le Romantisme
Le terme « romantisme » vient de l’anglais « romantic » qualifiant les paysages pittoresques et sauvages. Au 18ème siècle, employé en France par Jean-Jacques Rousseau qui l’utilise dans sa signification anglaise (les Rêveries du promeneur solitaire), il perd peu à peu l’acception péjorative qu’il avait prise au 17ème siècle. En 1810, influencée par le terme allemand « romantish » qualifiant la poésie chevaleresque médiévale, Madame de Staël lui attribue son sens littéraire. Le romantisme se construit sur le rejet des contraintes esthétiques du classicisme et en réaction au rationalisme du siècle des Lumières. Il prône l’affirmation de la liberté créatrice, le règne de l’imagination et de la sensibilité. Le mouvement s’inspire dans un premier temps des littératures anglaises et allemandes.
I) Histoire du romantisme
Le romantisme éclôt et se développe en Europe dans la première moitié du 19ème siècle, après un lent processus de maturation d’un demi-siècle. En France, il correspond à la période historique de transition entre l’Empire napoléonien et la Seconde République.
1/ Les précurseurs du romantisme
En Angleterre, les précurseurs du mouvement sont Samuel Richardson (Clarisse Harlowe) pour le roman, Young (Les Nuits) et William Blake (Chants d’innocence 1789) pour la poésie. En Allemagne, l’oeuvre préromantique la plus marquante reste le Werther (1774) de Goethe, qui est une des personnalités maîtresses du Sturm und Drang (« tempête et passion »), mouvement lui-même inspiré de l’oeuvre de William Shakespeare. Johann Christoph Friedrich Schiller (Les Brigands 1781) tient aussi une place de choix dans ce panthéon préromantique allemand.
En France, l’oeuvre de Jean-Jacques Rousseau (la Nouvelle Héloïse 1761 et les Rêveries du promeneur solitaire 1778) est déjà marquée du sceau de la sensibilité romantique, notamment dans son rapport extatique et symbiotique avec la Nature. Le « mal du siècle », thème favori du théâtre et de la poésie romantique, est fortement présent dans les écrits de René de Chateaubriand (Mémoires d’outre-tombe et René). Madame de Staël, qui a popularisé en France le terme « romantisme » et lui a donné son sens littéraire, préfigure le romantisme par sa modernité (Delphine 1802 et Corinne ou l’Italie 1807).
2/ Les jalons du mouvement en France
– 1820 : Méditations poétiques de Lamartine
La publication de ces poèmes lyriques en vers signe l’acte de naissance du romantisme en France. Si la sensibilité et le lyrisme du chef-d’oeuvre de Lamartine sont d’essence romantique, sa forme reste encore conventionnelle par bien des aspects (versification régulière, registre élevé).
Alfred de Vigny, Victor Hugo, Alfred de Musset et Théophile Gautier emboîtent le pas à Lamartine et participent à cette nouvelle ère poétique qu’il a initiée.
– 1823-1825 : Racine et Shakespeare de Stendhal
Dans cet essai sur le théâtre, Stendhal compare les dramaturgies racinienne et shakespearienne et remet en cause les contraintes esthétiques de la tragédie classique. Il encense le génie shakespearien et la puissance émotionnelle de son oeuvre qu’il place très au-dessus des tragédies raciniennes, jugées froides et rigides.
– 1827 : Préface de Cromwell de Victor Hugo
En 1827, dans Cromwell, Hugo applique les principes romantiques shakespeariens et consomme la rupture avec la tradition classique. Toutefois, l’intérêt réel de l’oeuvre se situe dans sa préface qui constitue un véritable manifeste de l’école romantique française.
– 1830 : Première d’Hernani de Victor Hugo
Le 25 février 1830, la première de la pièce de Victor Hugo à la Comédie Française porte à son comble l’opposition entre les tenants du classicisme et ceux du romantisme menés par Théophile Gautier. Les partisans de la « révolution romantique » font tous partie du Cénacle, salon littéraire fondé par Hugo et Sainte-Beuve en 1827. Ce groupe de brillants écrivains, qui se réunit régulièrement dans l’appartement de Victor Hugo rue Notre-Dame-des-Champs, rassemble notamment Alfred de Vigny, Lamartine, Honoré de Balzac, Alfred de Musset, Alexandre Dumas père, Charles Nodier, Théophile Gautier et Sainte-Beuve.
L’épisode mouvementé, connu dans l’histoire de la littérature sous le nom de « bataille d’Hernani », se solde rapidement par la victoire éclatante du romantisme. Le « libéralisme en littérature », selon les termes de Victor Hugo dans la préface d’Hernani, a enfin triomphé dans cette ultime bataille après dix ans de luttes passionnées. A partir de cette date, Victor Hugo fait officiellement figure de chef de file du romantisme français. Le drame romantique Hernani rompt avec les carcans de la tragédie classique en s’affranchissant totalement de la règle des trois unités (action, lieu et temps).
– 1843 : Échec des Burgraves de Victor Hugo
Année noire pour Victor Hugo qui pleure la disparition de sa fille Léopoldine après avoir essuyé l’échec de son drame romantique des Burgraves. A partir de cette date, le mouvement romantique perd de sa puissance et commence à s’altérer pour préfigurer certains aspects du mouvement réaliste (souci de vérité, vocation sociale du poète…). Seul Victor Hugo prolongera le romantisme jusqu’à la fin du siècle.
II) Caractéristiques du romantisme en France
Le mouvement européen du romantisme s’est épanoui sur une double base commune aux diverses nations : rejet du rationalisme et du classicisme. Partout, il s’est identifié par un bouillonnement de l’imagination, une éruption de l’individualisme et une soif de liberté et d’évasion.
En France, la littérature romantique naît de la vision du monde désenchantée qui ravage pendant la Restauration une jeunesse insatisfaite par le présent. Ce « mal du siècle » vécu par la génération des « enfants du siècle » explose dans cette période transitoire qui succède aux défaites napoléoniennes. Ballottés entre nostalgie du mythe napoléonien et soif d’agir inassouvie face à un avenir incertain, les enfants du siècle éprouvent un sentiment de révolte et de crise. Ils trouveront un exutoire à ce trouble existentiel dans la révolution romantique littéraire.
Le sens de l’équilibre et la recherche de l’harmonie caractéristiques du classicisme et le rationalisme du Siècle des Lumières laissent place aux manifestations passionnées de l’imagination et de la sensibilité. L’écrivain n’accepte aucune borne esthétique à sa liberté créatrice, si ce n’est celle de la cohérence. Il s’autorise toutes les transgressions des conventions classiques, et abuse du mélange des genres, des tonalités et des niveaux de langage.
La poésie devient le médium privilégié pour révéler la trame cachée qui sous-tend l’univers et l’occasion d’exprimer les correspondances intimes entre le monde intérieur (l’âme humaine) et le monde extérieur (la Nature). L’homme romantique doit s’abandonner à cette communion extatique avec la Nature au lieu de tenter de la dominer. La Nature, thème lyrique de prédilection du poète romantique, reste indissociable de la passion amoureuse, cette « Révolution privée » qui emporte l’homme au-delà de ses limites. Le poète endosse une nouvelle mission de guide solitaire de l’humanité. Il s’impose comme un visionnaire.
L’écriture romantique réalisera l’aspiration vers l’infini commun à cette génération de poètes en suivant deux itinéraires différents :
- L’exploration de la complexité de l’être intérieur fascinera les poètes Lamartine (Jocelyn, 1836 ; Chute d’un ange, 1838), Musset (La Confession d’un enfant du siècle, 1836 ; les Nuits, 1835-1837) et Vigny (Stello, 1832 ; Chatterton, 1835).
- Victor Hugo (Châtiments, 1853) et de Lamartine (Recueillement poétique, 1839), dépassant la sphère de la sensibilité individuelle, s’ouvrent au monde et expriment leur volonté de le transformer politiquement et socialement. Au lendemain de la bataille d’Hernani, la littérature traduira avec eux l’aspiration à la Liberté politique que partagent alors la plupart des nations européennes.
Le goût pour l’évasion et l’irrationnel se réalise pour certains auteurs romantiques dans l’ésotérisme et l’illuminisme. Un genre nouveau naît de cette fascination : le fantastique, cher à Cazotte et Nodier.
III) Quelques grands auteurs romantiques français et leurs oeuvres
VICTOR HUGO
Cromwell, 1827
Hernani, 1830
Les feuilles d’Automne, 1831
Notre-Dame-de-Paris, 1831
Ruy Blas, 1833
Châtiments, 1853
Les contemplations, 1856
La légende des Siècles, 1859
Les Misérables, 1862
LAMARTINE
Les Méditations poétiques, 1820
Les Harmonies poétiques et religieuses, 1830
Jocelyn, 1836
Chute d’un ange, 1838
Recueillements poétiques, 1839
ALFRED DE VIGNY
Poèmes antiques et modernes, 1826
Stello, 1832
Chatterton, 1835
Servitude et grandeur militaires, 1835
Les Destinées, 1864
ALFRED DE MUSSET
Caprices de Marianne, 1833
On ne badine pas avec l’amour, 1834
Lorenzaccio, 1834
La Confession d’un enfant du siècle, 1836
Les Nuits, 1835-1837
GÉRARD DE NERVAL
Sylvie, 1853
Les Chimères, 1853
Aurélia, 1853
Pandora, 1853
GEORGE SAND
Indiana, 1831
Lélia, 1833
Le meunier d’Angibault, 1845
La Mare au diable, 1848
François le Champi, 1847
La petite Fadette, 1849