Un homme se définit-il par sa culture ?
La culture semble être la marque de l’homme. Depuis l’aube des sociétés primitives, jusqu’à notre ère dite post-moderne, l’homme aura toujours produit de nouvelles réalités conceptuelles, telles le langage, les coutumes et les lois, qui le distancient du simple monde naturel. Mais aussi, de par ces réalités que nous nous sommes structurées à travers l’édifice de la société, nous nous sommes aussi distingués entre nous par la différence de nos normes et valeurs de sorte qu’un homme aime proclamer dans ses paroles, ses actes ou ses pensées qu’il est Français, Anglais ou Allemand avant de réaliser qu’il est d’abord un être humain parmi l’humanité. Il n’est pas donc inusuel de considérer que la culture d’un homme le définit. Toutefois, le mot culture renvoie aussi au sens de se cultiver, se nourrir de différentes connaissances, tant au niveau du savoir que du savoir-être, qui stimulent une ouverture d’esprit plus large où on sait considérer les différences et ainsi adopter un esprit plus autonome. De là, on peut se demander si ce n’est pas plutôt l’homme qui définit sa culture. On va voir en premier lieu qu’un homme est nécessairement d’abord lié à une structure culturelle sociale mais qu’ensuite en second lieu, on va aussi voir que l’homme se définit tout simplement par sa propre culture personnelle.
A. On ne choisit pas la culture dans laquelle on doit évoluer
Chaque être humain avant d’être un homme est jeté dans l’existence, dans une moule culturelle définie par autrui, Sartre dira que « ma chute originelle c’est l’existence de l’autre ». À la première évidence, on ne choisit pas « le patrimoine informationnel », en reprenant le terme d’Edgard Morin, qui nous attend à l’aube de notre existence. La langue qui est notre première structure conceptuelle est déterminée par un champ sémantique limitée dans laquelle nous devons évoluer. Mais encore, le long de notre enfance jusqu’à l’âge adulte, les représentations collectives sont imprimées en nous par l’éducation institutionnalisée ou par les devoirs sociaux à performer. On est chargé de valeur normative qui nous insuffle quelle action définir comme vertueuse ou vicieuse, quelle parole ou pensée est interdite ou encouragée.
B. On n’échappe pas à la situation culturelle environnante
Mais même si on est à l’âge adulte se considérant capable d’être autonome à se déterminer ; on n’échappe pas autant aux signes magnétiques que la société miroite. « Les signes sont partout » , dira Baudrillard,« signe de connivence, signe de reconnaissance sociale, signe de distinction, signe d’appartenances» quand il remarque, dans son livre le système des objet, à quel point les objets de consommation sont empreints de plus de sens que leur seule valeur pratique. Dans une perspective plus générale de la culturalisation, il semble pertinent de dire que tout est empreint de symbolisme qui invite à être adopté. Les objets que la société sacralise ont des valeurs idéales que la société miroite. Les arts sont par exemple les meilleurs mediums des représentations sociales. L’art classique grec invite les citoyens à rechercher le perfectionnement des vertus telles le courage, la vigueur, la justice dans l’image des statues représentant les dieux, les héros, et les athlètes olympiens. Dans les sociétés contemporaines dites post-modernes, les valeurs sociales s’immiscent partout dans les formes d’art aux mediums de plus en plus performants devenant presque scientifiques dans la manière de nous déterminer la vision du monde à suivre. On ne s’intéresse plus maintenant qu’à des valeurs dont la livraison sait sublimer. Même les groupes d’individus se voulant anarchiques à tout forme de conformisme n’échappent pas à des valeurs sub-culturelles qui unifient les manières de penser rebelles, à l’instar des catégorisations comme : « junkies », « punk » ou « emo ».
On est non seulement donc en proie à un déterminisme culturel prédéfini, mais aussi à une « en-situation » culturelle presque omniprésente qu’il semble presque vain de croire à l’auto-détermination de sa personne. Pourtant, ne faut-il pas aussi considérer notre aptitude à pouvoir comparer et à juger par l’accumulation personnelle même de notre culture?
I. L’homme définit sa culture
A. Une culture n’est qu’une expérience
L’homme n’est jamais isolé des expériences qui peuvent remettre en question ses valeurs. Les performances des structures culturelles ne sont pas parfaites, il suffit d’un choc de culture, notamment lors des périodes de conflits entre différentes sociétés, où d’une exploration extérieure, à titre de commerce ou de simple exploration, pour réaliser le relativisme culturel. Montaigne affirme : « je ne connais pas de meilleure école [le voyage] pour former la vie que de se mettre sans cesse devant nos yeux la diversité de tant d’autres vies, opinions et usages. ». Nous pouvons ici inférer l’autre sens du mot « culture » en ce qu’il peut être aussi, par son dérivé « se cultiver », être un verbe d’action. Se cultiver signifie accumuler des connaissances afin d’enrichir son savoir, et cela voudrait impliquer que le champ de perspective d’un homme peut être élargi. L’homme cultivé est un homme d’expérience, qui, le long de sa vie a pu murement analyser les enjeux des valeurs de sa culture afin de décider de ce qu’il en fera ultimement. Quand un homme adopte un comportement conformiste, ce n’est pas toujours du fait qu’il soit convaincu par les valeurs communément admises, parfois, il ne s‘agit que d’un acquiescement diplomatique, ou d’une simple malhonnêteté voulant éviter un conflit ou plus particulièrement un subterfuge machiavélique.
B. L’homme se redéfinit continuellement
Par ailleurs, l’homme est un « acteur pluriel » comme dit le sociologue Bernard Lahire. Il n’est pas cet individu aux dispositions culturelles uniformes mais un acteur aux goûts multiples parfois divergents à l’instar de ces personnes qui aiment Mozart autant le Hard Rock. L’homme n’est pas l’animal domestiqué qui assimile et accommode nécessairement son milieu. Si la culture montre que c’est d’abord un être de valeur et de sens, c’est surtout parce que c’est un être existentiel, capable de transcender les phénomènes naturels en leur donnant sens. Mais, il évolue aussi continuellement en situation. Si la « La conscience est une transcendance, un mouvement » comme le dit Husserl, c’est que le sujet est toujours fuyant à travers de nouvelles volitions de plus en plus complexes qu’il est difficile de le circonscrire à une simple vision presque ethnocentriste. En définitif, l’homme est toujours en dialectique avec la matière de l’existence.
On aura pu déterminer à travers la question, la relation dialectique entre les deux sens du mot « culture » qui nous aura finalement permis d’éclairer des points décisifs concernant sa nature déterministique. On a pu constater que l’homme ne peut échapper à ses conditions culturelles car c’est une structure qui lui est propre à concevoir. Ensuite, on a pu voir qu’à travers elle, il se nourrit que d’une expérience qui certes déterminera ses perspectives mais pas de façon uniforme ni dans une contrainte fatale. La culture ne pose que les règles de jeux d’origine dont l’homme en est un joueur toujours transcendant.