La solitude est-elle sans valeur ?

Dans le monde contemporain, la société devient notre oxygène. Elle est la raison de notre plaisir, de nos maux et de notre épanouissement. Alors, lorsque l’on aborde un sujet tel que la solitude, nous estimons ce concept comme nouveau et source de malheur à tout homme qui l’a vécu. Et pourtant, qui parmi nous n’a jamais été seul ? Tout le monde. Cependant, qui s’est retrouvé seul volontairement ? Car souvent nous confondons solitude et isolement. L’isolement est l’état d’être seul obligatoirement ou sans notre consentement, alors que la solitude est un choix conscient d’être seul. Dans son livre « Vendredi ou les limbes du Pacifique » de Robinson, il écrit : « Je sais maintenant que si la présence d’autrui est un élément fondamental de l’individu humain, il n’en est pas pour autant irremplaçable. Nécessaire certes, mais pas indispensable ». Si mon bonheur ne dépend que de moi, et ainsi de la solitude, est-ce de l’égo ? Et si ma valeur dépend des autres, est-ce de la dépendance ? Dans les deux cas, je pourrai poser l’hypothèse que l’autre n’est pas indispensable, et que je peux être heureux seul. Nous allons axer notre réflexion sur la question suivante : que m’apporte la solitude ? Pour cela, nous allons traiter, dans un premier temps, la solitude comme essence de la vie humaine. Dans un second temps, nous relativiserons avec le concept d’un homme dépendant de sa société.

I. La solitude, le chemin de l’épanouissement personnel

A. La paix intérieure découle de la solitude

Premièrement, la solitude est source de paix intérieure. En effet, nous ne pouvons pas nous connaître qu’avec notre propre regard, et notre propre vécu. Comme le disait Schopenhauer : « On ne peut être vraiment soi qu’aussi longtemps qu’on est seul ». La solitude est alors un élément pour retrouver l’authenticité de soi. En fait, de nos jours, à cause des réseaux sociaux, nous pouvons publier des vécus qui ne nous décrivent pas. Qui publierait ses défauts ? La technologie du partage ne fait que montrer la perfection de tout le monde, accentuant notre sentiment de médiocrité. Celui qui est en paix avec lui-même est celui qui peut être fier de son authenticité. La solitude peut également amener l’homme à une possibilité d’introspection personnelle. Cette dernière est source d’une connaissance de soi. Mieux se connaitre permet alors à l’homme de ne pas se mentir à lui-même et retrouver un épanouissement personnel. Dans le Bouddhisme, la solitude est même considérée comme source de bonheur dans la vie des hommes. Bouddha a dit : « L’homme naît seul, vit seul, meurt seul ». Pour dire que l’homme est seul tout au long de sa vie. Celui qui renie la solitude comme un élément permanent de la vie, est celui qui renie le fond de son existence même. Comme la solitude est déjà là à notre naissance, pendant notre vie et à notre mort, pourquoi ne pas se servir d’elle comme moyen d’accéder au bonheur ?

B. La liberté grâce à la solitude

Deuxièmement, la liberté peut être le fruit de la solitude. En distinguant l’isolement et la solitude, nous évoquons le concept du choix. Pourquoi choisir d’être seul, si ce n’est pas pour être libre ? Dans ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie, Schopenhauer écrit : «celui qui n’aime pas la solitude n’aime pas la liberté, car on est libre qu’étant seul ». Cette citation met en exergue la relation de dépendance entre la solitude et la liberté. Celui qui est indépendant est libre. Et pourtant, celui qui est capable d’être seul, n’est-il pas indépendant de la présence d’autrui, et de ce fait plus épanoui? « Le malheur des uns fait le bonheur des autres » écrivait Voltaire. Ce qu’évoque Voltaire est cette habitude de la société à faire mieux que les autres. Dans la société, en général, le malheur des uns ne fait qu’améliorer l’estime des autres. Cette constante comparaison aux autres devient alors une dépendance. Car si mon épanouissement dépend des malheurs des autres, cela signifie que je n’ai aucun contrôle sur mon propre bonheur. Alors si mon désir est en rapport avec une autre personne, alors elle peut constituer un obstacle à mon bonheur. La solitude est alors un moyen de s’autosatisfaire de soi et d’avoir le contrôle sur son bonheur, car il ne dépend que de lui. En plus d’apporter des tensions, la société ne permet pas à l’homme d’exprimer sa véritable personnalité. A force d’agir dans le seul but d’être remarqué, l’homme sociable en fait trop, et se couvre de ridicule. La solitude est le chemin vers la vérité par le biais de l’introspection intérieure. Rousseau a dit : « Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de sa nature ; et cet homme, ce sera moi ». Cela signifie que l’homme est vrai qu’en étant lui-même sans se préoccuper du miroir des autres. Un homme vrai est un homme qui se connait et s’aime, et indépendant des jugements et présence d’autrui.

Lorsque nous avons évoqué la solitude, il semble nécessaire d’aborder le sujet de la société. Même si la solitude fait partie de notre vie, la société l’est aussi. Alors comment la société peut-elle apporter de la valeur ?

II. La société complément de la solitude

A. Les autres, l’interdépendance

Premièrement, la société nous apporte une vision autre que la nôtre. Soulignons qu’une introspection personnelle est souvent fausse à cause de l’égo. L’égo est difficile à contrôler. Car même si Sartre dit : « l’enfer c’est les autres », cela n’est pas une vérité absolue. Si nous naissons seuls, notre mère était là, si nous vivons seuls, notre environnement extérieur était là, et à notre mort, nos proches seront là. La solitude est une partie de la vie, mais la société est notre véritable univers. Nous ne pouvons pas être absolument seuls indéfiniment. Dans le concept de la réussite, l’écrivain Stephen Covey évoque trois phases à l’épanouissement personnel : la dépendance, l’indépendance, et l’interdépendance. La première phase est la dépendance. Celui qui est dépendant n’est pas libre. Pour retrouver l’indépendance, il faut se focaliser sur soi. Celui qui est capable d’être seul est alors capable d’être indépendant. Cependant, il existe une dernière phase qui est l’interdépendance. Elle ne peut s’obtenir qu’à travers une bonne synergie avec la société. Ceci pour dire que la société est aussi est élément clé à notre épanouissement personnel. Ainsi, la société est notre source de soutien. Tout d’abord, la solitude peut rendre triste la plupart des personnes. Sans personne pour nous soutenir ou nous accompagner dans la vie, les hommes peuvent tomber en dépression. Or, celui qui veut être soutenu doit être en harmonie avec la société. En négligeant la société, un homme peut tomber dans une dépréciation profonde et à l’isolement. Le soutien de nos proches peut alors nous amener vers notre propre accomplissement.

B. Un mal nécessaire, la société

La société peut être également un mal nécessaire, car la solitude n’est pas suffisante. Lors de son discours sur les passions de l’amour, Pascal dit : « L’homme seul est quelque chose d’imparfait ; il faut qu’il trouve un second pour être heureux ». Il évoque ici un besoin pour l’homme d’être avec les autres. L’homme n’existe pas vraiment seul. Il faut cependant distinguer la solitude totale de la solitude peuplée. « C’est dans les villes les plus peuplées que l’on peut trouver la plus grande solitude », disait Racine. La solitude n’est pas seulement physique, elle peut être morale. Pour être ce que je suis, je dois accepter les autres comme ils sont. L’homme est ici pour donner, et pourtant il ne peut donner qu’à autrui. C’est uniquement dans une société de soutien qu’un homme peut s’épanouir. En évoquant la famille, une personne ne peut être en paix avec lui-même qu’en étant en paix avec les autres. Même si la solitude est un moyen de se connaitre soi-même, les autres peuvent être un moyen de prendre du plaisir et de se sentir aimer et aimer en retour.

In fine, la solitude a de la valeur, car elle apporte de la paix intérieure dans notre vie. Cette paix intérieure ne peut être atteinte qu’en se focalisant sur « moi », et se détacher des regards des autres. Pour retrouver une paix intérieure, une connaissance de soi est indispensable. Celui qui se définit par le regard des autres est un naïf de l’hypocrisie de notre société. Ensuite, la solitude est un chemin vers la liberté. Premièrement, la liberté d’être soi-même en se libérant des jugements des autres. Et deuxièmement, la liberté d’agir, car le seul obstacle à notre bonheur devient alors que soi-même. Le contrôle de notre bonheur ne devient possible que par le biais de la solitude. Si je définis mon bonheur en fonction des autres, alors ma vie dépend des autres. Une vie de prisonnier est vécue par celui qui est dépendant des autres. Et pourtant, la société est notre vie. Il est alors primordial de savoir vivre avec elle. Nous ne pouvons atteindre l’interdépendance que par le biais de la synergie avec les autres. Pour ainsi dire, en plus de la solitude, le vécu dans la société peut aussi nous apporter de la paix intérieure, en aidant les autres, par exemple. En effet, la solitude ajoute de la valeur à notre vie, mais elle ne peut pas opérer seule, nous avons également besoin de vivre en harmonie avec la société. Nous pouvons nous poser la question : a-t-on vraiment le devoir d’être heureux ?

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