Le bonheur est-il affaire de chance ?

Qu’est-ce que le bonheur ? Une des définitions en philosophie l’explique comme l’accumulation de plaisirs liés à la satisfaction, même éphémère, des désirs. Plusieurs facteurs concourent ainsi au bonheur. D’une part, ce n’est pas tout le monde qui a la faculté de combler ses désirs, donc d’accéder pleinement à ce bonheur. Ainsi, la chance y joue un rôle majeur puis qu’étymologiquement, le mot « bonheur » s’apparente à la « chance » et à la « bonne fortune ». D’autre part, l’atteinte de bonheur implique un certain état d’esprit, un ressenti personnel de la part de l’Homme quant à sa perception de la vie et de ce qui l’entoure. En ce sens, sommes-nous responsables de notre propre bonheur, ou bien est-ce une fatalité selon l’ordre naturel des choses ? Si tel est le cas, dans quelle mesure sommes-nous aptes à agir sur notre destin ? En vue de répondre à cette problématique, nous allons tout d’abord développer la manière selon laquelle la chance influe sur le bonheur. Puis, dans un second temps, nous allons expliquer comment l’action humaine aboutit-elle à la création du bonheur.

I. Le bonheur est une affaire de chance.

Étymologiquement, le radical « heur » du mot « bonheur » provient du latin « augurium » qui signifie « augure » et « prédiction ». En ce sens, le bonheur échappe entièrement au contrôle de l’homme puisqu’il résulte de la chance, c’est-à-dire de la bonne fortune que celui-ci a accumulée. En suivant ce raisonnement, le bonheur est le fruit d’un heureux hasard. Par exemple, si un homme gagne au loto, il ne peut remercier que sa chance ; par contre, s’il tombe malade, il ne peut blâmer que sa malchance. Suivant cette logique, une personne malchanceuse est automatiquement privée du bonheur.

Penser que le bonheur est une affaire de chance présuppose que l’homme n’agit pas sur sa propre existence. Il reste un spectateur passif de ce qui lui arrive. Freud, dans Malaise dans la civilisation nous prévient de la source de nos maux, notamment « du côté du monde extérieur, lequel dispose de forces invincibles et inexorables pour s’acharner contre nous et nous anéantir ». Dans cette perspective, il laisse entièrement le hasard guider le cours de sa vie. Il faut savoir que le mot « hasard » vient de l’arabe « az-zarh » qui introduit la notion de jeu de dés. Par conséquent, une force supérieure attribue soit la chance (bonheur), soit la malchance (malheur) sans raison ni logique. De plus, nul ne peut modifier son statut une fois que les dés sont jetés. Par exemple, l’Homme ne choisit ni la famille, ni le milieu social dans lequel il naît. On peut même dire que l’accumulation des richesses, la présence d’un foyer chaleureux, le niveau d’éducation, … et tant d’autres facteurs inhérents au bonheur, restent hors des champs d’actions de l’humanité.

S’il est vrai que la chance joue un rôle clé sur la question du bonheur, il ne faut pas oublier que le bonheur en lui-même est inséparable d’un sentiment de bien-être. Comme disait Kant dans la Métaphysique des mœurs, « le bonheur, c’est-à-dire le contentement de l’état où l’on se trouve accompagné de la certitude qu’il est durable ». Or qui, en tout âme et conscience, serait capable de se sentir bien (rassuré et serein) sachant que la malchance peut s’abattre sur sa personne à chaque instant, sans qu’il ne puisse rien y faire ? Ce type d’angoisse s’oppose directement aux préceptes du bonheur, qui préconise un état d’esprit empreint de satisfaction, et dénué de manque.

Vu la fatalité de notre destin et l’imprévisibilité de notre futur, même proche, notre bonheur ne dépend pas de nous. Mais pour s’affirmer dans son existence, il est vital pour l’homme de savoir qu’il peut exercer un pouvoir sur son propre « destin ».

II. Les actions de l’Homme déterminent également son bonheur.

La chance favorise le bonheur, dans le sens où il procure, sans contrepartie, des conditions favorables à la réalisation des désirs de l’Homme. Cependant, en transformant lui-même les éléments du réel en opportunités, l’Homme est capable de forger son bonheur de ses propres mains. Si nous prenons l’exemple d’une personne handicapée, née sans ses jambes. Bien que la malchance l’ait privée de deux de ses membres, au moment où sa détermination couplée à ses efforts lui permette de devenir une figure emblématique du skateboard, elle jouit d’une renommée supérieure à ses pairs, nés sans handicap. Selon Descartes, « l’irrésolution est le plus grand des maux ». En d’autres termes, en faisant appel à la volonté de d’agir sur le réel, en dépit des circonstances impossibles à changer, il est possible d’atteindre le bonheur. L’Homme devient maître de son destin.

Par ailleurs, Épicure soutient que les circonstances « bonnes » ou « mauvaises », qui entourent l’Homme, sont des facteurs négligeables dans la recherche de la félicité. En effet, la philosophie enseigne que le bonheur dépend plus d’un art de vivre (conforme à la morale et à l’éthique) que des causes externes (comme la richesse, la gloire, …). L’épicurisme appelle donc l’Homme à l’autarcie, c’est-à-dire à abandonner les désirs non naturels pour se recentrer sur l’essentiel. En l’occurrence, « le plaisir que nous avons en vue est caractérisé par l’absence de souffrances corporelles et de troubles de l’âme ». En choisissant de se contenter de peu, il devient capable de se libérer des éventuelles circonstances malheureuses qui l’empêchaient alors de jouir du bonheur. Par exemple, si une personne ne désire pas une voiture, il ne serait pas malheureux de ne pas en posséder. Devant l’impossible, l’Homme est amené à modifier ses désirs s’il veut toucher au bonheur. Par exemple, une personne qui n’a pas une belle voix ne peut devenir chanteuse ; par contre, elle peut s’orienter vers d’autres métiers de la musique comme celui de musicien, compositeur ou rappeur. En ce sens, contrôler ses désirs revient à se donner les clés du bonheur.

Conclusion

En conclusion, la chance peut expliquer le bonheur des hommes, dans la mesure où elle procure (ou non) des conditions favorables à la réalisation du bonheur de l’homme. Bien que tout le monde désire d’être heureux, cette chance ne revient qu’à une minorité que la nature a particulièrement gâtée. Néanmoins, il serait une erreur de placer entièrement son destin entre les mains d’une entité supérieure. Certes, il s’agit des variables extérieurs, incontrôlables, donc porteurs de doutes et d’angoisses. Or, le bonheur requiert également un choix de vie, un état d’esprit serein qui ne peut être atteint qu’au travers ses propres décisions et actes. Puisque l’homme dispose de la volonté, il peut donc surpasser les circonstances qui ne dépendent pas de lui, donc à atteindre le bonheur. Quelle est donc la recette du bonheur, si tant est qu’elle existe ?

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