Le désir est-il par nature illimité ?

Le désir étant l’essence même de l’homme, comme disait Baruch Spinoza, celui-ci a toujours été porté par l’élan même et la puissance du désir. Nous nous retrouvons condamnés à désirer, ce qui peut même provoquer la souffrance, voire le malheur du sujet. De surcroit, on peut toujours tenter de maîtriser le désir. Salvateur et synonyme de liberté et de bonheur pour certains, le désir peut nous échapper. La règle fondamentale afin d’éviter d’être la victime du désir est de faire preuve de raison et de réflexion comme l’indiquent les stoïciens. Mais si les choix de l’homme résultent de la force interne qui réside en lui que nous appelons désir, le désir est-il illimité par nature ? Pour répondre à cette question, nous verrons dans une première partie, que le désir est par essence illimité, mais que dans une deuxième partie, celui-ci  n’est pas toujours illimité.

I. Le désir est par essence illimité il enchaine vers un autre désir  GLOBALE l’accomplissement d’un désir entraine un autre

Dans la mythologie de la Grèce antique, on évoque souvent le cas du Phénix, animal extraordinaire qui une fois mort renait de ses cendres afin de resplendir en toute beauté. Nous comprenons donc vite que le désir est muable et donc qu’il est de nature illimité, il est comme une boucle perpétuelle infinie. Le désir est donc illimité car la satisfaction d’un désir entraine et engendre l’apparition d’un autre. Comment ne pas citer  le célèbre Gorgias de Platon, dans lequel le sophiste Gorgias et le philosophe Socrate tergiversent quant au désir et sa relation au bonheur. Le sophiste prend une position plus qu’intéressante, pour lui le bonheur vient justement du caractère illimité du désir. Cela suppute donc que le désir a un caractère et une nature illimitée et non limitée. Ainsi, l’homme peut désirer tout ce qu’il veut, sans contrainte, et sans fin et cela le permettrait selon lui d’être heureux. Socrate, quant à lui, rétorque que seule la philosophie peut rendre heureux et que le désir, au contraire, peut perdre l’homme mais en tout cas, une chose reste sûre : c’est que le désir dans sa portée globale est illimité. On ne peut donc jamais satisfaire le désir totalement, car il se porte constamment sur de nouveaux objets. Pour le philosophe Schopenhauer, le désir fait souffrir mais bien plus encore, il est illimité parce que  l’homme se retrouve ainsi piégé dans une boîte infinie de désirs contingents le poussant au mal être et non à l’ataraxie.  Le temps d’effort pour satisfaire le désir serait injustement plus supérieur au temps de récompense après l’avoir comblé. Ainsi, l’objet du désir obtenu paraît sans valeur une fois obtenu et c’est là tout le paradoxe du désir qui cherche à se combler. Il appert donc que le désir est par nature illimité, il est une boucle sans fin qui se procrée perpétuellement de manière globale, un désir en entraine un autre et ainsi de suite jusqu’à ce que l’homme devienne ainsi un objet de son propre désir et que les choses qu’il souhaite posséder finissent par le posséder.

II. Le désir est cependant limité LOCALE un désir est satisfait, il atteint sa limite. On peut limiter le désir

Bien que le point central même du désir soit d’admettre sa continuité et sa nature d’être illimité, il appert que le désir est comme un cercle vicieux  ou comme le disait ARTUR Schopenhauer, le désir fait vaciller l’homme tel  une pendule entre peine et souffrance. Cependant, le constat n’est pas toujours partagé dans la mesure où dire que le désir est illimité reviendrait à rejeter toute possibilité que ce dernier puisse être contrôlé et limité, ce qui est pourtant possible. Dans sa Lettre à Ménécée (IVe siècle av. J.-C.), Épicure soulignait l’existence et faisait la scission entre les désirs nécessaires et ceux qui ne l’étaient pas. C’est-à-dire que les désirs peuvent être limités aux nécessaires. Dans les religions bouddhistes de l’Orient par exemple, les moines bouddhistes apprennent à contrôler et maitriser leurs passions naturelles, ce que Freud définit par pulsions de mort, ce qui ramène l’homme à l’état le plus vil et à l’état de nature : la destruction et la protection de son espèce au détriment des autres. Le désir ne serait donc pas forcément illimité bien qu’il le soit de manière globale, il peut être limité de manière locale. Le désir cesse quand il est comblé et donc il n’est pas illimité de manière locale. En effet l’achèvement d’un désir arrête l’existence de ce dernier. Rousseau supputait d’ailleurs «  Malheur à celui qui n’a rien à désirer », le désir est le propre même de l’homme, il en est son mouvement. Dire que le désir est ainsi illimité c’est dire que le désir a une emprise totale sur l’homme et renier sa part de responsabilité dans le mécanisme de ses désirs, nous préférerons donc confirmer que l’homme peut contrôler ses désirs et qu’ils ne sont pas illimités. Pour cela, l’homme peut ainsi reprendre le contrôle du désir et prouver qu’il en est le maître et donc qu’il peut limiter ces derniers avec le bon usage de sa raison comme l’indique le stoïcisme : il représente courant de l’Antiquité qui tient à détacher l’homme en corps et en âme, visant l’ataraxie. Ainsi, l’homme ne doit pas se soumettre aux passions qui l’animent et peut reprendre le dessus en prouvant que le désir n’est pas illimité mais qu’il peut être limité et donc contrôlé.

Pour conclure, le désir est la nature de l’homme. Il peut avoir une fin dès qu’il sera satisfait. Cependant, éprouver du désir est constant chez l’homme, cela témoigne d’un état de manque, manque qu’il faut chercher à combler. Néanmoins, nous avons constaté que dès qu’un désir est comblé, un autre apparaît. C’est dans la nature même du désir. Néanmoins, désirer peut-être à l’origine de bons sentiments tels que le plaisir, la joie, le bonheur. En effet, le désir motive l’homme à se surpasser et à devenir actif et le pousse à émuler autrui. L’homme ne doit pas subir la vie. Or, avec une vision plus déterministe, on peut voir que le désir est un piège, qui n’est pas issu du libre arbitre. D’après Épictète, dans Manuel, faire résider son bonheur dans l’obtention d’objets de désir qui sont extérieurs à nous, sur lesquels notre pouvoir d’action est limité et qui peuvent nous être retirés à tout instant par la fortune, c’est se faire l’esclave de ceux-ci et donc, de ses désirs. Car si nos désirs peuvent parfois être satisfaits,  dans la concordance entre L’Alcibiade de Platon, Socrate enseigne à Alcibiade comment être un gouverneur juste et bon. Il lui indique qu’il faut prendre conscience du monde et d’estimer les choses avec raison et réflexion. Cette information est utile pour la gestion du désir.

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