Le réel se réduit-il à ce que l’on perçoit ?
Dissertation de Philosophie (corrigé)
Introduction
Les théories philosophiques sur le réel, plus précisément sur ce qui est et ce qui n’est pas, ont nourri plusieurs siècles de débat. Croire, savoir, percevoir… toutes les facultés de l’homme sont étudiées et remises en question afin d’aboutir à une connaissance certaine. Concernant la perception, il s’agit d’un moyen peu reconnu par les philosophes, mais qui ne peut pas être exclu totalement dans l’appréhension du réel. Après tout, c’est à partir des observations que nous faisons à travers de nos organes de sens que nous appréhendons le réel. Cependant, notre conscience attribue parfois des valeurs de réalité à des faits oniriques et intangibles comme les rêves. Cette conception nous amène à remettre en question la notion de réel : le réel se réduit-il à ce que l’on perçoit ? Pour répondre à cette problématique, nous aborderons dans un premier temps que la perception détermine le réel. Puis, nous nous pencherons sur ses limites. Enfin, nous examinerons le rôle de l’esprit dans la construction du réel.
I. La perception est le premier pas vers le réel
Dans la littérature philosophique, le Réel prend deux aspects distincts : le concret et l’abstrait. L’homme se sert de ses cinq organes de sens pour percevoir son environnement externe, c’est-à-dire dans le domaine du concret. De ce fait, la conception de « réel » concerne ce qu’on peut concrètement sentir, voir ou toucher. Contrairement aux rêves, des espérances ou des projets encore en gestation, le réel revêt un caractère tangible. Par exemple, une douleur est réelle dès le moment où la souffrance se fait sentir par l’organisme. De même, un objet tel qu’un lit est réel puisque nous pouvons le palper, nous asseoir ou dormir dessus. La sensation ainsi subie reflète les résultats de l’action du réel sur le corps de l’homme.
D’ailleurs, la démarche scientifique inscrit sa méthodologie sur l’observation du réel. Cette étape utilise divers instruments comme les microscopes et télescopes pour compléter les capacités sensorielles de l’homme dans sa tentative d’expliquer son objet d’étude. Kant appuie cette idée en mentionnant dans Critique de la raison pure : « La Physique est donc ainsi redevable de la révolution si profitable opérée dans sa méthode uniquement à cette idée qu’elle doit chercher dans la nature _et non pas faussement imaginé en elle _conformément à ce que la raison y transporte en elle-même ». A ce titre, la science exclut de son champ d’action, et donc de sa définition du réel, toute entité dont l’existence ne peut être prouvée et éprouvée par une perception directe et naturelle (perception sensorielle) ou par des instruments d’optique (perception artificielle).
En somme, le réel est majoritairement déterminé par la perception, naturelle ou artificielle, de l’homme. Cependant, en considérant que les constructions de l’esprit sont tout autant réelles, ne s’agirait-il pas d’une idée fortement réductive de la réalité ?
II. Les limites de la perception sensorielle
Certes, la perception sensorielle est essentielle pour prouver de manière simple et efficace qu’un objet existe. Néanmoins, cette méthode possède de nombreuses failles. En effet, les facultés mentales entrent en ligne de compte dans le traitement des données recueillies par nos organes des sens. Descartes avance d’ailleurs que la perception sensorielle n’est qu’une connaissance confuse, dans la mesure où elle est incapable de retranscrire ni l’entièreté de l’objet perçu, ni sa véritable nature. Il dit : « A cause que c’est l’âme qui voit, et non pas l’œil, et qu’elle ne voit immédiatement que par l’entremise du cerveau, de là vient que les frénétiques, et ceux qui dorment, voient souvent, ou pensent voir, divers objets qui ne sont point pour cela devant leurs yeux ». C’est la raison qui corrige et influence nos connaissances, donc notre vision du monde. Par exemple, dans les spectacles de magie, des subterfuges nous font penser qu’un objet disparaît même s’il ne s’agit que d’illusions d’optique.
D’ailleurs, de nombreuses recherches scientifiques regroupent des théories ainsi que des objets dont l’existence a été mise à l’épreuve (comme la théorie de la relativité). Les limites des progrès techniques limitent les progrès de la science. Ainsi, nous pouvons affirmer que le réel est non seulement en constante évolution, mais il échappe également à la cage de nos perceptions sensorielles.
En définitive, la perception sensorielle est limitée dans le sens où les constructions de l’esprit sont tout aussi réelles que les objets tangibles.
III. L’intervention de l’esprit dans la construction du réel
Faire ou non confiance à ses organes sensoriels est une décision personnelle. En effet, mirages et illusions (visuelles et auditives) sont des probabilités à ne pas écarter. Ainsi, devant un fait quelconque, indépendamment de la véracité (ou non) de ce que nous percevons, nos pensées sont réelles. En reprenant la célèbre réflexion de Descartes, « je pense donc je suis », il devient impossible de nier l’existence de la raison. Les notions pensées par la raison revêtent donc une réalité abstraite, et ne peuvent être appréhendées que par le biais. Pourtant, l’esprit est une entité immatérielle.
Conclusion
D’un autre côté, en se référant à l’allégorie de la caverne, nous nous rendons compte que nos sens peuvent se montrer trompeurs et nous livrer une vision erronée du réel. Dans La République, Platon dit : « Je te demande ce qu’il pourra te répondre, si on lui dit que tout à l’heure, il ne voyait que des riens sans consistance, mais que maintenant plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste ». Dans cette optique, la réalité construite et imaginée par l’esprit possède une plus grande valeur qu’une réalité « objective ». Cette réflexion nous amène à remettre en question la notion traditionnelle de la réalité matérielle, pour nous orienter vers une autre définition plus large du réel.