Les connaissances nous aident-elles à vivre ?

L’homme utilise ses facultés non seulement pour survivre, mais aussi pour créer et transformer son univers. Par le biais de la raison, il est capable de réfléchir sur le monde et d’analyser les expériences qu’il fait de son existence. Dans la production des connaissances (à prendre dans le sens du « savoir »), l’homme dispose d’un autre outil pour agir sur le réel : les connaissances procurent un pouvoir. La connaissance suppose alors à la fois l’action et la réflexion. Au cours du temps, l’humanité a cumulé autant de savoir sur le monde que nous nous demandons sur la place du savoir vis-à-vis de la vie humaine. Question qui semble banale et évidente à première vue, mais dont la portée pourrait chambouler la sphère intellectuelle et les valeurs sociales. Les hommes peuvent-ils vivre sans la connaissance ? Afin de répondre à ce questionnement, il importe de savoir les apports de la connaissance scientifique pour l’humanité. Par contre, il faudrait souligner les répercussions de cette puissance aveugle dans notre quotidien.

I. La connaissance relève de l’essence de l’homme

A. La science est une réponse au besoin de certitude

Par sa nature rationnelle, l’homme désire détenir la vérité et être dans la certitude. C’est pourquoi il s’abreuve de connaissance, soit en les héritant des générations précédentes, soit en suivant de nouvelles pistes qui ont été suscitées par son interrogation. Hume, dans Traité de la nature humaine, définit : « Par connaissance, j’entends la certitude qui naît d’une comparaison d’idées ». Cela signifie que la connaissance n’est établie qu’après la mise à l’épreuve de nombreuses idées. Au terme d’un processus de réflexion, l’homme acquiert un savoir certain, rationnel, difficile (si ce n’est impossible) à mettre en doute. Face à une connaissance certaine, l’homme retrouve une forme de plaisir et d’exaltation, c’est-à-dire un accomplissement intérieur. L’élaboration d’un savoir scientifique a été originellement conçue selon cette optique, sans viser une gloire ou une rentabilité économique. En remettant en question une idée communément acceptée, comme par exemple le soleil tourne autour de la terre, quel intérêt a trouvé Galilée en secouant ces croyances bien ancrées dans la conscience collective, puisqu’il a même payé cette vérité au prix de sa vie ? Il s’agit de l’amour de la vérité tout simplement.

B. La connaissance est une source de la liberté

Être libre, c’est pouvoir toute chose sur soi, or serait-ce possible si nous étions dans l’erreur ? Ainsi, l’accès à la connaissance est le premier pas vers la liberté. Les chaînes de l’opinion sont invisibles, car les personnes dans l’erreur ne savent pas qu’ils sont dans le faux, donc ils n’ont pas la volonté de sortir de cette ignorance. Comme disait Platon dans Le sophiste : « Le fait que ce sont des non-êtres qu’on se représente ou qu’on énonce, voilà ce qui constitue la fausseté, et dans la pensée, et dans les discours ». En effet, la liberté ne se conçoit pas uniquement dans les actes, elle commence dans la liberté de penser. Cependant, une pensée libre serait vaine si elle pense mal et erre dans les opinions inconsistantes. La véritable jouissance se présente lorsque la pensée est face à la vérité, ce qui lui procure un pouvoir pour modifier la trajectoire de sa vie, mais aussi celle du monde. Donc, la vérité libère dans le sens où nous ne sommes pas trompés dans nos choix, d’où la pleine assurance dans nos actes.

Pour l’homme, le pouvoir et la liberté sont les deux principaux moteurs de ses actions, donc essentiels pour l’aider à vivre. Revers de la médaille : les connaissances sont également en mesure de ruiner l’existence humaine lorsqu’elles se transforment en armes dangereuses.

II. Les connaissances comme facteurs aliénants pour l’Homme

A. Les machines concurrencent les facultés laborieuses

La connaissance élargit le domaine du possible, et transforme le possible en réel. C’est ainsi que le savoir scientifique donne naissance à l’évolution technologique. D’un côté, la technique rend service à l’humanité, car les machines déchargent l’Homme de son lot de travail contraignant et/ou répétitif. Mais suite à une production en masse, les produits industriels s’acquièrent à un prix plus abordable, contrairement aux produits artisanaux, qui ont pourtant requis un travail de créativité et d’ingéniosité bien supérieur de la part du travailleur individuel. Une grande part de marché revenant donc aux capitalistes, les artisans sont démunis de leur gagne-pain, faute de compétitivité. Par conséquent, « la productivité des ouvriers européens défie toute consommation, tout gaspillage. Les fabricants, affolés, ne savent plus où donner de la tête, ils ne peuvent plus trouver la matière première pour satisfaire la passion désordonnée, dépravée, de leurs ouvriers pour le travail », mentionne Paul Lafarge dans Le droit à la paresse. Dans cette répartition inégale des richesses, on pointe du doigt l’exploitation à grande échelle de la machine, qui est le symbole de l’avancée de la connaissance humaine.

B. La technologie attise l’appétence aux armements

Les caprices et les passions humaines n’ont aucune limite lorsqu’il existe des moyens pertinents pour les alimenter. Nous savons que l’armée dans un pays est le symbole de la souveraine de l’Etat, mais la frénésie des gouvernements à attribuer des budgets colossaux dans l’équipement militaire dépasse souvent l’entendement. Cette influence vis-à-vis de la course aux armements est en effet un moyen pour exprimer la soif d’autorité et de suprématie. Mais encore, c’est une incitation à la violence qui, désormais, ne se limite plus dans le droit de se défendre contre les ennemis et de protéger la vie des citoyens, mais seulement pour avoir une hégémonie par rapport aux autres pays. Et pourtant, « c’est là une inhumanité aussi néfaste et pire encore que la guerre, car on prête l’immoralité au voisin et, par-là, on semble appeler les sentiments hostiles. Il faut renier la doctrine de l’armée comme moyen de défense tout aussi catégoriquement que les désirs de conquête », disait Nietzsche dans Le voyageur et son ombre. Or, c’est par les avancées technologiques que les États opulents ont pu faire valoir ces dépenses ostentatoires. Dans cet angle, les connaissances ont contribué à la perte de l’humanité, faisant ériger une menace permanente à ceux qui n’ont pas la force technologique.

Conclusion

Les connaissances théoriques et pratiques ont toujours eu une place importante dans la vie de l’homme, certains ont révélé des aspects tangibles sur le succès de la science, d’autres ont procuré des sentiments de satisfaction dans la quête de liberté. Les connaissances ne se limitent pas dans le pragmatisme, ce sont notamment des supports de prestige et d’estime de soi. Toutefois, l’avancée technologique, résultant des accumulations de connaissances scientifiques, ne profite pas toujours à l’homme. Les bouleversements économiques et sociaux s’expliquent notamment par le libre recours aux machines ayant substitué la force de travail, mais aussi les compétences intellectuelles et manuelles des travailleurs. Le véritable danger de la technologie se trouve dans la menace que représentent les armements massifs face à la sécurisation de la vie et le maintien de la paix dans le monde. En guise de conclusion, la vie précède à la connaissance, mais par la suite la connaissance a su agrémenter la vie, jusqu’au point où des signes de perturbation se présentent sur le plan socio-économique et militaire.

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