Peut-on dire que les hommes font l’histoire ?
« L’histoire est le témoin des temps, la lumière de la vérité, la vie de la mémoire, l’institutrice de la messagère de l’antiquité » nous apprend Cicéron. L’histoire occupe ainsi un rôle prépondérant au sein de notre humanité, elle définit l’homme mais garantit également l’accès à sa mémoire collective. Elle est témoin des évènements passés, mais reflète aussi la lumière de la vérité en jetant le froid sur l’erreur, elle institue le message porté par le messager et apporte témoignage de la grandeur mais aussi de la souffrance d’une humanité dans toute sa noblesse. Nonobstant, si l’homme a fait l’histoire, peut-on dire ou même penser que celle-ci est faite par lui ? Ou bien l’histoire fait-elle l’homme ? Afin de répondre à cette question, nous verrons dans une première partie, que oui, l’homme fait l’histoire, car il est le sujet même de celle-ci, mais que pourtant, dans une deuxième partie, c’est l’histoire qui a fait de l’homme ce qu’il est.
I. Les hommes font l’histoire (SUJET)
En effet, selon Hérodote, le premier des grands historiens, « Ce sont les hommes qui font l’histoire». L’Histoire est donc faite par les hommes, car l’histoire concerne les hommes, il n’y a pas une histoire des animaux ou encore des matériaux, mais que l’histoire de l’humanité. L’Histoire occupe donc une place importante au sein même des individus, car l’histoire est faite pour l’homme et par les hommes. En effet, l’homme étant doté de conscience comme le disait Descartes, dans son célèbre cogito ergo sum, « je pense donc je suis », il appert que cette conscience de l’homme le porte à vouloir exister à travers la temporalité. En d’autres termes, l’Histoire existe parce que l’homme est soumis au temps, et essaye tant bien que mal d’y échapper. Nous pouvons donc dire que l’histoire est faite par l’homme et l’homme est le sujet même du processus historique. Comme le disait Schopenhauer, « La devise générale de l’histoire devrait être ; Eadem, sed aliter ou encore la même chose mais d’une autre manière. » L’histoire des hommes est donc le cycle répétitif de la race humaine comprenant son patrimoine, son identité mais aussi sa souffrance, ses défis, son évolution. Ce constat sera retrouvé dans la Bible dans le livre des proverbes « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil » nous dit l’Ecclésiaste. Agitations, souffrances, noblesse, réussite, échec, l’histoire n’est-elle pas la preuve du passage de la race humaine sur une terre où l’homme essaye de marquer l’histoire par ses exploits ? En effet, aucune science, aucune organisation sociétale et aucune nation ne peut être comprise sans accès à son histoire car l’histoire est la conscience collective et l’identité de l’ADN du genre humain : celle de l’espèce humaine. En partant de la cosmogonie aux théories des processus d’évolution DARWIN, l’homme fait l’histoire et la possède, il a besoin de connaitre d’où il vient, et n’est-ce pas là la question ultime qu’il essaye de répondre ? L’essence du moi retrouve ainsi sa plénitude dans l’Histoire si celle-ci est authentique et véridique car celui qui ne sait pas d’où il vient ne sait pas où il va. Thucydide confirmait donc ce caractère cyclique de l’histoire, « L’histoire est un perpétuel recommencement » qui définit la prise de position de l’homme dans son rôle actif en tant que sujet de l’histoire.
II. Les hommes subissent l’histoire (OBJET), contraintes extérieures qui les échappent. L’homme est un produit de l’histoire.
L’homme fait l’histoire mais celle-ci considérée comme une matrice emprisonnant ce dernier en le réduisant à l’étreinte du temps, a finalement plus d’impact sur lui qu’il n’y parait. Nous pouvons donc dire que l’homme n’est pas qu’un sujet de l’histoire mais qu’il en est aussi l’objet. Par conséquent, l’homme étant l’objet de l’histoire n’est donc plus qu’un acteur de celle-ci mais devient un spectateur. Dans la théorie des jeux, de John Nash, la situation est plus que claire, les individus possèdent effectivement des choix et deviennent donc des acteurs de leurs choix, mais le résultat global et non local dépendant de la somme des individus affectera globalement ces derniers indépendamment de leurs critères de décisions et de choix. Cela signifie donc que même si vous êtes acteurs et responsables de vos choix, concept de liberté au sens Sartrien, le résultat global ne dépendra jamais de vous mais de l’ensemble des individus ainsi que de leurs modèles de décision. De plus, l’homme n’est pas acteur proprement dit de l’histoire car la thèse du déterminisme vient subjuguer le jugement collectif. En vertu du principe de causalité, le déterminisme suppute la thèse selon laquelle chaque évènement est déterminé par des principes causals, et possède donc sa raison d’être dans la matrice générale du destin. En d’autres termes, rien n’arrive par hasard et les évènements sont édictés à l’avance et bien déterminés, d’où la terminologie « déterminisme ». Nonobstant, dire que l’homme fait l’histoire c’est dire qu’il est le sujet de celle-ci mais en réalité, il est sujet de sa propre histoire et non sujet de l’Histoire de la race humaine. Ainsi, l’action est une dimension essentielle de la race humaine dans la matrice de l’histoire, mais l’histoire n’est-elle pas une concaténation d’évènements qui se lient les uns aux autres en vue de laisser l’identité du patrimoine de l’espèce humaine ? En réalité, l’histoire est bien plus que cela, car elle se déploie « inter hommes esse » ou « être parmi les hommes ». L’histoire est donc en réalité le mouvement, l’histoire est le mouvement de la conscience collective humaine, celle qui permet à l’homme de connaitre son passé, de comprendre son présent et d’anticiper son futur ou même de le créer par sa capacité de libre arbitre comme l’indique Kant, contrairement à l’homo faber qui est figé et immobile, l’histoire se veut être mobile et donc influencer la vie des hommes. L’homme est donc objet de l’histoire car celle-ci lui échappe complètement, l’histoire est en effet soumise à de nombreuses contraintes extérieures qui échappent à l’homme et son entendement tout comme il ne peut pas influencer autrui sur leur prise de décision car chacun dispose du libre arbitre. L’homme est donc le produit de l’histoire car en réalité, il est produit de sa culture, et l’histoire c’est aussi la culture qui se transmet d’une génération à une autre.
L’histoire marquera toujours à jamais le devenir de la race humaine car elle retrace son identité mais aussi son histoire. Notons d’ailleurs qu’il n’y a qu’une histoire qui est digne d’être portée à intérêt : celle de l’humanité. Comme le dit Hérodote, « Ce sont les hommes qui font l’histoire. », l’homme devient donc un sujet actif de l’histoire car après tout c’est son histoire, c’est lui qui l’a fait. L’histoire comme récit d’évènements ou histoire comme temporalité du mouvement, l’homme restera toujours au centre de la discussion. Mais si l’homme se veut être sujet de l’histoire, il en est aussi l’objet, car l’homme subit l’histoire et devient alors spectateur de celle-ci car n’ayant aucun moyen d’influer sur l’histoire en général, mais uniquement sur sa propre histoire. Nous conclurons alors sur la fameuse phrase de Karl Marx reprise par Aron Raymond « les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font, » signe du paradoxe qu’apporte l’histoire.