Suffit-il d’observer pour connaître ?

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

Toute étude scientifique commence obligatoirement par une phase d’observation de l’objet en vue de se soustraire d’éventuelles préconceptions et, ainsi, garder son objectivité en tout temps. Mais dans son sens commun, la société retient une autre portée en ce qui concerne l’observation, notamment utiliser l’organe de la vue puis désigner tel ou tel phénomène par son nom. L’observation suffit-elle pour connaître ? Ce problème épistémologique nous invite à nous interroger sur la relation qui lie l’observation à la connaissance. En d’autres termes, l’observation est-elle une condition suffisante pour établir une connaissance avec exactitude ? En vue d’apporter des éléments de réponses à cette problématique, nous commencerons par établir le lien entre « observer » et « connaitre ». Ensuite, nous mettrons en exergue l’importance des expérimentations. Enfin, nous conclurons sur le rôle de l’interprétation.

I. L’observation conditionne la connaissance

Observer, ne serait-ce que sommairement le réel à partir de ses organes de sens suffit à produire des connaissances élémentaires. D’ailleurs, toute étude commence par l’observation de l’objet : quelle est sa forme, sa couleur, sa composition, … Le médecin, avant d’établir un diagnostic, observe les symptômes du patient. Le phénomène fait donc signe au sujet sur ce qu’il en est de la réalité. Cet empirisme garantit, selon Francis Bacon, fervent défenseur de la méthode expérimentale du dix-septième siècle, l’objectivité de la science. Dans le Novum Organum, il s’exprime : « Les empiriques, à la manière des fourmis, se contentent d’amasser et de faire usage ; les rationnels, à la manière des araignées, tissent des toiles à partir de leur propre substance ».

Certes, l’observation d’un fait particulier conduit à retirer des régularités, sans toutefois aboutir à une loi scientifique. Claude Bernard souligne dans la médecine expérimentale : « Les observations empiriques sont les observations faites sans aucune idée préconçue et dans le seul but de constater le fait sans chercher à le comprendre ». Par exemple, en faisant attention à son entourage, il est possible de constater que le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest, chaque jour. De plus, en suivant les mouvements des astres avec un télescope, le scientifique déduit l’existence de lois qui régissent les mouvements des planètes. Pareillement, dans les sciences humaines, le sociologue enquête, donc observe la société cible en vue d’en tirer une ébauche sur la structure et le fonctionnement. Ce qui importe dans ces différents domaines, c’est plutôt l’intervention des organes des sens pour pouvoir mieux approcher le réel.

En un mot, l’observation est la première étape qui conduit à la connaissance. Toutefois, des méthodes complémentaires sont à prévoir en vue de construire une connaissance scientifique.

II. La nécessité de l’observation expérimentale

La force de la science réside dans l’observation de la réalité par des outils pertinents pour pouvoir élaborer un savoir théorique. Les conséquences en sont perceptibles lorsqu’on compare les connaissances scientifiques et les connaissances empiriques. En transposant les réflexions d’Aristote sur la distinction entre « guérisseur » et « médecin » dans Métaphysique sur le couple observation/connaissance, les limites de la simple observation sont mises en évidence. En effet, cette méthode permet de généraliser à partir des cas particuliers, sans pour autant parvenir à expliquer les principes de causalité qui régissent l’objet d’étude.

Cependant, Kant soutient dans la Critique de la Raison pure que « l’expérience est, sans aucun doute, le premier produit que notre entendement obtient en élaborant la matière brute des sensations ». Guidée par un esprit scientifique, la démarche expérimentale établit les bases de la formulation d’hypothèses et de conclusions sous formes de principes et de lois. Autrement dit, l’observation scientifique ouvre l’esprit vers l’existence de faits qu’il faut reproduire avec des expériences. Ces dernières lui permettent de formuler des hypothèses qu’il infirme ou confirme au travers de diverses expérimentations. Une connaissance scientifique ne s’arrête pas sur l’observation expérimentale, seule la formulation d’un concept permet de valider un tel savoir.

En résumé, aucune expérience ne peut être menée sans une observation préalable de l’objet. Toutefois, en l’absence d’une grille de lecture pour décrypter les résultats, la connaissance obtenue ne sera pas complète.

III. L’interprétation des résultats de l’observation

A la manière d’un photographe qui prend une photo et l’encadre, un scientifique observe un objet avec une intention précise. Toutefois, sans l’intervention de la raison pour interpréter les résultats, cette méthode se résumerait à amasser des données.  En effet, l’observation d’une pomme qui tombe peut induire Newton à formuler une hypothèse sur la loi de la gravité, néanmoins, sans preuve, cette théorie ne peut être considérée comme une connaissance. Kant stipule d’ailleurs qu’un « ensemble de règles […] est nommé théorie dès lors que ces règles, en tant que principes, sont pensées avec une certaine universalité, et qu’en cela on fait abstraction d’une multitude de conditions qui ont pourtant leur influence sur leur application ». Autrement dit, en faisant preuve d’abstraction, il est possible d’exprimer des principes de causalité universelles à partir de cas particuliers.

En effet, interpréter les résultats d’observation sous le filtre de la raison permet d’atteindre l’universalité, dans la mesure où cette méthode permet de transcender les limites physiques de l’objet même. C’est pourquoi Wittgenstein a affirmé que « les faits n’appartiennent tous qu’au problème, non à sa solution ».  Par là, le scientifique revient sur l’objet pour lui donner sens à partir d’une loi sur le phénomène. En effet, une loi scientifique renferme déjà la pertinence de l’observation et la rigueur du calcul. En se basant uniquement sur le concert, il n’y a aucune interprétation possible du réel, puisqu’il n’y a pas de savoir. En s’orientant vers l’abstrait, la particularité de l’objet n’est pas du tout mise en évidence.

Conclusion

C’est à travers de l’observation que l’homme prend conscience du monde physique dans lequel il vit. La connaissance tirée d’une simple observation permet de se familiariser avec les phénomènes qui se présentent au quotidien, et d’échanger des expériences avec notre entourage. Ce qui n’est pas le cas du scientifique : celui-ci observe méthodiquement le réel afin d’y cultiver une curiosité dirigée vers son objet d’étude. Cette étape devient ensuite la base de sa démarche dans les expériences, expérimentations et interprétations de ses données en vue de la construction d’une connaissance réelle, scientifique. Pareillement au microscope ou au télescope, l’observation constitue donc un instrument clé de la démarche scientifique nécessaire à l’établissement de la connaissance.

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