Albert Camus

Camus, Réflexion sur la peine capitale, Résumé

Réflexions sur la peine capitale est un essai publié en 1957. Dans cet ouvrage Albert Camus présente ses réflexions sur la peine de mort au travers des « réflexions sur la guillotine », aux côtés de celles d’Arthur Koestler et de Jean Bloch-Michel, tous trois étant militant pour l’abolition de la peine de mort.

Résumé du texte de « Réflexions sur la guillotine »

Une anecdote racontée par ma mère veut que mon père rentra profondément bouleversé, mutique et nauséeux de l’exécution publique d’un condamné à la peine capitale. Ce dernier avait massacré une famille entière avant la guerre de 1914, à Alger. Mon père avait pourtant trouvé la peine prononcée juste et méritée.

Là où la peine capitale se veut dissuasive, exemplaire, réparatrice de l’ordre social menacé par le crime, elle manque son objectif car l’horreur de l’acte du criminel s’efface derrière la barbarie de la sentence.

Un voile est jeté sur la réalité par des clichés véhiculés par les journalistes, par un langage allusif qui peine à en rendre compte et omet volontairement de la décrire dans sa crudité. Ainsi le condamné a donc « payé sa dette à la société » en ayant été décapité.

Elle en devient presque une abstraction alors que le but avoué est de dispenser un spectacle de nature à effrayer le peuple et contenir toute velléité de crimes.

L’argument d’exemplarité avancé par les partisans de la peine capitale est une mystification car une société convaincue par cet argument ne dédaignerait pas à la montrer en pleine lumière plutôt que d’officier en catimini. Elle assurerait ainsi à l’exécution une large publicité, dans ses moindres détails, y compris les plus sordides, du verdict à l’instant fatidique de la décapitation. Elle produirait des témoignages de nature à frapper les esprits, les comptes-rendus cliniques des médecins pour décrire ce qui est à l’œuvre.

Ne rien épargner au public serait bien plus efficace.

Or l’État ne communique pas sur les exécutions. A croire qu’il décapite par habitude, qu’il maintient cette pratique archaïque sans en questionner le bien fondé.

Il est vrai que trop montrer risquerait de provoquer la révolte et le dégoût de l’opinion publique.

La volonté de présenter la peine capitale comme dissuasive ne tient pas compte des statistiques en Angleterre qui démontre qu’une grande majorité des condamnés à mort avait déjà assisté à une exécution.

Elle est censée réveiller la peur primitive de la mort. Mais la nature humaine est d’une telle complexité, bien plus que la loi, que soumise à ses instincts comme à ses passions, elle puise en elle des forces qui font reculer cette peur jusqu’à l’annihiler.

Aussi l’instinct de mort qui veut la destruction et l’anéantissement de l’autre et de soi ne saurait arrêter le criminel mais pourrait au contraire le précipiter dans le crime.

Les statistiques encore montrent que la peine de mort n’induit pas la baisse du crime. Là où la peine capitale existe le crime ne décroît pas et ailleurs il n’augmente pas.

On connaît les effets délétères de cette supposé sanction exemplaire qui avilit la société par la déshumanisation du condamné, dépossédé de lui-même, à qui tout au plus on offre un repas plus copieux que d’habitude,tantôt chose, tantôt bête entravée par la peur.

Nombreux sont ceux qui postulent pour la besogne, mus pour certains, peut-être, par des instincts sadiques ou la folie.

La société quant à elle exerce une vengeance plus que la justice. Elle applique avec la peine capitale, la loi du talion. Elle s’écarte même de ce qui fait la force de la loi, qui est de s’extraire de l’ordre naturel.

Elle commet alors à son tour un crime plus grave encore car il est prémédité, annoncé et organisé pour punir un acte qui relève d’une pure violence. Elle diffère l’exécution, ajoutant ainsi à la sentence, un supplice supplémentaire.

Ce calvaire enlève toute volonté au condamné qui pourrait-on croire avance courageusement vers la mort alors que, souvent, seule la peur le brise et assure sa docilité. Ses parents partagent avec lui la torture de l’attente ainsi que du désespoir qui l’habite.

Si la loi du talion suppose un innocent et un coupable, la société qui impose cette loi est-elle exempte de toute responsabilité ?

La misère sociale, un habitat criminogène, la responsabilité de l’alcool, agréé par l’État, très présent dans les affaires criminelles sont autant de facteurs qui amènent à nuancer la pleine responsabilité du meurtrier.

Il ne s’agit pas de nier la responsabilité individuelle et de proclamer une absolue indulgence face aux crimes mais d’éviter de poser une sanction irréversible face à une culpabilité relative.

Certes la peine capitale met hors d’état de nuire ceux qui seraient considérés comme irrécupérables et dangereux pour la société. Mais la probabilité d’exécuter un innocent est intolérable. La peine de mort rend l’erreur irréparable. L’erreur serait admise pour la société et ne profiterait pas à l’accusé.

Comment juger par ailleurs du caractère irrécupérable d’un homme quand ce jugement est tributaire de la disposition des jurés, de leur appréciation, de l’impression que ferait le condamné et d’autres paramètres qui pourraient atténuer les circonstances du crime, comme d’ailleurs l’expertise des spécialistes.

Condamner à mort revient à reconnaître et à signer l’impossibilité d’une réparation. La peine capitale rompt la solidarité qui nous unit tous contre la mort. Elle est d’essence religieuse puisque le jugement suprême appartient à Dieu et que le châtiment sur terre n’est plus définitif.

L’Église catholique a validé et infligé la peine de mort alors que, paradoxe, le Christ, innocent, a été lui-même mis à mort. Lorsque la société désormais désacralisée prononce en son nom propre une peine définitive qui retranche un de ses membres au corps social, elle se perçoit vertueuse et bonne. Elle élimine le mauvais, le mal en son sein dans une souffrance qu’elle veut rédemptrice.

Pourtant les crimes d’État surpassent les crimes des individus et les prisonniers politiques sont plus nombreux que ceux de droit commun. L’État est devenu l’ennemi public numéro 1 de la société. Une partie de l’Europe verse dans le sang et massacre toujours plus comme l’a connu la France pendant l’occupation et à la libération.

Interdire la peine de mort est un acte de défense des individus, c’est ne pas reconnaître à l’État, à la société, le droit de poser l’irréparable, c’est lui réfuter l’utilité de tuer et reconnaître le caractère sacré de la vie humaine. C’est arrêter l’effet contaminant de cette loi qui verse le sang.

Loin de moi l’idée d’absoudre dans un même élan la victime et le bourreau, cela reviendrait à justifier toutes les horreurs. Si le cœur a son mot à dire mes arguments sont ceux de la raison. A ceux qui préconisent une peine optimale, exemplaire, rappelons les travaux forcés. La liberté a un prix tel que sa privation est un châtiment réel, à moins de mépriser la liberté comme notre époque nous l’apprend.

L’homme a besoin de lois qui le soutiennent, le contraignent, le guident sans le casser. C’est une nécessité pour avancer dans une voie de progrès, dans l’Europe de demain et en finir avec la barbarie de la peine de mort.

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